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Législation relative à la lutte contre la haine au Canada

Il existe plusieurs façons de lutter contre la haine au Canada mais le recours à la législation est l’une des réponses les plus courantes. Il est important de comprendre comment la haine est conceptualisée dans la législation pour comprendre les réponses juridiques aux actes d’antisémitisme et autres discriminations religieuses. Le gouvernement du Canada dispose de trois documents législatifs principaux pour lutter contre la haine : la Charte canadienne des droits et libertés, le Code criminel du Canada et la Loi canadienne sur les droits de la personne. Non seulement ces documents sont des éléments importants de la réponse politique et législative du Canada à la haine, mais ils établissent également des normes de conduite sociale et de comportement au niveau individuel (Hall 2017, 150).

La Charte des droits et libertés

La Charte des droits et libertés (ci-après « la Charte ») fait partie de la loi constitutionnelle de 1982. Elle garantit les droits et les libertés que les Canadiens peuvent exercer et défendre. Bien que la Charte ne soit pas toujours citée dans les affaires d’incitation à la haine, elle a joué un rôle central dans diverses décisions juridiques concernant le discours et la propagande haineux. Parmi les exemples bien connus de la Cour suprême du Canada, citons R. c. Keegstra (1990), R. c. Zundl (1992) et Ross c. Conseil scolaire du district N° 15 du Nouveau-Brunswick (1996).
L’article 2(b) est fréquemment cité dans les affaires de propagande haineuse. Cette section garantit ce qui suit : « la liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication ». Dans certaines affaires de propagande haineuse, les personnes condamnées pour avoir fait de la propagande haineuse (y compris des discours) peuvent accuser les tribunaux d’avoir porté atteinte à leurs droits tels qu’ils sont définis à l’article 2(b). Dans ce cas, les tribunaux peuvent utiliser la section 1 pour limiter le(s) droit(s) de la personne (généralement la liberté d’expression) afin d’éviter que la société ne subisse d’autres préjudices. Pour déterminer s’il est approprié d’utiliser l’article 1 pour limiter les droits d’une personne garantis par la Charte, les tribunaux utilisent un processus appelé le test Oakes. Il a été élaboré par l’ancien juge en chef de la Cour suprême du Canada, Brian Dickson, dans l’affaire R. v. Oakes (1986). Le test Oakes implique un processus en deux parties que les tribunaux utilisent pour déterminer s’ils limitent de manière appropriée et justifiée le droit d’une personne. La première partie détermine si le besoin de limiter le droit dans une société démocratique est urgent et substantiel. La deuxième partie détermine si les mesures utilisées pour limiter le droit sont proportionnées à l’objectif du gouvernement. Trois considérations entrent en ligne de compte : premièrement, il doit y avoir un lien rationnel entre les mesures utilisées pour limiter le droit et l’objectif du gouvernement. Deuxièmement, les mesures en question ne doivent porter qu’une atteinte minimale au droit de la personne. Troisièmement, les effets des mesures doivent être proportionnés à l’objectif du gouvernement.

Le Code criminel du Canada

L’un des documents législatifs les plus importants utilisés pour lutter contre la haine au Canada est le Code criminel du Canada, en particulier la section relative à la « propagande haineuse ». Pour qu’une personne soit inculpée en vertu de ces dispositions, le procureur général de chaque province doit approuver l’inculpation. Les principaux objectifs du Code criminel en matière de haine sont de prévenir les génocides et les préjudices causés à des groupes et de dissuader les gens de promouvoir la haine. Le code criminel répond à la haine de plusieurs façons. Tout d’abord, il indique comment les tribunaux doivent déclarer coupable et condamner une personne accusée d’avoir prôné le génocide contre un groupe identifiable. Il indique également comment condamner une personne qui fait publiquement et ouvertement l’apologie de la haine au point de mettre en danger la sécurité publique ou d’inciter à la haine d’autrui. Le plus souvent, cependant, le Code criminel est utilisé pour répondre aux personnes accusées d’avoir intentionnellement encouragé et mis en œuvre la haine à l’égard de groupes et de personnes identifiables, y compris des groupes et des individus religieux, la religion étant une catégorie protégée par le Code criminel. En outre, ce dernier indique comment adapter la peine d’une personne (principalement en l’augmentant ou en l’intensifiant) si le crime en question impliquait la destruction ou le vandalisme d’un bien religieux tel qu’un lieu de culte ou un cimetière, ou si le crime était motivé par des préjugés à l’égard d’un groupe particulier, y compris les groupes religieux.

La loi canadienne sur les droits de l’homme

La Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) fait partie de la législation canadienne sur les droits de l’homme. Alors que le droit pénal s’applique aux personnes qui enfreignent le Code criminel et sont inculpées par les forces de l’ordre, le système canadien des droits de l’homme fonctionne sur la base des plaintes déposées par les victimes (Walker 2010, 2). Les tribunaux et les cours des droits de l’homme sont plus spécialisés que les cours provinciales et fédérales. Cela permet d’appliquer les dispositions de la loi sur les droits de l’homme de manière plus souple à diverses questions sociales, y compris celles liées à la discrimination antireligieuse et à la haine (Walker 2010, 2). En outre, contrairement au Code criminel, le procureur général n’est pas tenu de donner son consentement pour qualifier une infraction de discriminatoire en vertu de la LCDP (Walker 2010, 7).
L’article 2 de la LCDP, intitulé « Objet », fait de la religion une catégorie protégée. Par conséquent, si une personne estime avoir fait l’objet d’une discrimination pour des motifs religieux, elle peut bénéficier d’une protection en vertu de la loi sur les droits de l’homme. L’article 12 est l’article principal qui concerne le matériel et les expressions haineuses. Dans certaines circonstances, il peut être utilisé pour interdire l’expression de certains signes, symboles et autres représentations qui sont directement discriminatoires ou qui pourraient inciter à la discrimination à l’égard de certaines personnes, y compris les personnes qui s’identifient comme étant religieuses. L’article 12 précise également que, outre la discrimination explicite, la discrimination implicite ou intentionnelle peut également être considérée comme une violation des droits de l’homme.

Références

 Hall, Nathan. ‘Law enforcement and hate crime : theoretical perspectives on the complexities of policing “hatred”.’ In Hate Crime : Concepts, Policy, Future Directions, edited by Neil Chakraborti, 149–168. First edition. London : Taylor and Francis, 2017.
 Walker, Julian. ‘Section 13 of the CHRA, Anti-Hate Laws and Freedom of Expression’ Library of Parliament, 2010.
 Grossell, Mitchell. The Oakes Test. Canlii connects, 2014.

D 12 avril 2021    AMegan Hollinger

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