Accommodement raisonnable
La notion d’accommodement raisonnable est en usage, dans le monde juridique anglo-saxon surtout, depuis plusieurs décennies. Certaines décisions juridiques et certains débats publics canadiens l’ont rendue célèbre en particulier dans ce contexte national, notamment au Québec.
L’accommodement raisonnable au Canada
L’accommodement raisonnable est une solution juridique ayant pour but de corriger la discrimination provenant d’une pratique ou d’une norme au sein d’une entreprise publique ou privée. Il est fondé sur le principe d’égalité entre les citoyens, dans le but de respecter les différences. Il oblige des institutions, des organisations et des personnes à modifier des normes, des pratiques ou des politiques (arrêt Moeirin [1999], par. 68).
L’obligation juridique de l’accommodement raisonnable
L’accommodement raisonnable est devenu une obligation juridique à la suite d’une interprétation jurisprudentielle proposée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Simpsons-Sears en 1985. Dans cet arrêt, une employée conteste la décision de son employeur de l’obliger à travailler le samedi, sous peine de licenciement, alors que sa religion lui prescrivait un jour de repos le samedi. La Cour conclut alors que l’employeur avait une obligation de tenter de l’accommoder raisonnablement, c’est-à-dire de faire en sorte que les besoins religieux de son employée soient respectés, en proposant notamment un aménagement de l’horaire de travail.
Fondements et limites de l’accommodement raisonnable
Le droit à l’égalité est le principal fondement juridique de l’accommodement raisonnable, prévu à l’art. 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Celui-ci proscrit la présence de discrimination, c’est-à-dire une distinction désavantageuse, une exclusion ou une préférence pour certaines personnes, sur la base d’un ou plusieurs des motifs prévus à l’article 15 de la Charte canadienne (par ex. la religion). Il incombe alors au décideur en place d’accommoder la ou les personnes pour qui les effets préjudiciables de la pratique ou de la norme ont été démontrés. Il convient de souligner que cette solution juridique est limitée par la notion de contrainte excessive (arrêt Renaud [1992], p. 984), qui peut renvoyer, notamment, au coût excessif de l’accommodement, à l’entrave au bon fonctionnement de l’organisation ou à l’atteinte à la sécurité ou au droit d’autrui. Ces critères, non exhaustifs, doivent être appliqués « d’une manière souple et conforme au bon sens » (arrêt Bergevin [1994], p. 546) et peuvent être ainsi invoqués afin de refuser une demande d’accommodement.
Contexte québécois et débats publics
En 2006, dans l’arrêt Multani, la Cour suprême du Canada a reconnu qu’une école publique de la région de Montréal, dans la province de Québec, avait une obligation d’accommodement raisonnable concernant le droit, pour un jeune étudiant sikh, de porter son kirpan à l’école à certaines conditions, ce qui n’a pas été sans soulever des interrogations importantes dans la population québécoise. À la suite de la controverse suscitée par cette décision, la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles (aussi appelée la Commission Bouchard-Taylor) a été créée. Plus récemment, en 2012, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec a élaboré un guide virtuel qui détaille la procédure à suivre, pour un gestionnaire public ou privé, afin de répondre à une demande d’accommodement.
Sources :
– Bosset, P. (2007) « Les fondements juridiques et l’évolution de l’obligation d’accommodement raisonnable », in Jézéquel, M. (ed.) Les accommodements raisonnables : quoi, comment, jusqu’où ? Des outils pour tous. Yvon Blais. Cowansville, pp. 3–28 ;
– Bosset, P. (2009) « Accommodement raisonnable et égalité des sexes : tensions, contradictions et interdépendance », in Eid, P. et al. (eds) Appartenances religieuses, appartenance citoyenne. Un équilibre en tension. Québec : Presses de l’Université Laval, pp. 181–206 ;
– Imbeault, J.-S. et al. (2012) Guide virtuel. Traitement d’une demande d’accommodement. Montréal : Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec ;
– Lefebvre, S. (2008) « Les dimensions socioreligieuses des débats sur les accommodements raisonnables », in McAndrew, M. et al. (eds) L’accommodement raisonnable et la diversité religieuse à l’école publique. Normes et pratiques. Montréal : Fides, pp. 113–133 ;
– Maclure, J. (2009) « Convictions de conscience, responsabilité individuelle et équité : l’obligation d’accommodement est-elle équitable ? », in Eid, P. et al. (eds) Appartenances religieuses, appartenance citoyenne. Un équilibre en tension. Québec : Presses de l’Université Laval, pp. 327–350 ;
– Woehrling, J. (1997) « L’obligation d’accommodement raisonnable et l’adaptation de la société à la diversité religieuse », Revue de droit McGill, 43, pp. 326–401.