Cadre juridique
Présentation générale
Depuis le XVIe siècle, le Grand-Duché de Luxembourg s’est trouvé partagé entre différents évêchés, notamment celui de Trèves, Liège, Metz, Verdun, Reims et Cologne. Cette instabilité épiscopale (...)
Depuis le XVIe siècle, le Grand-Duché de Luxembourg s’est trouvé partagé entre différents évêchés, notamment celui de Trèves, Liège, Metz, Verdun, Reims et Cologne. Cette instabilité épiscopale aura favorisé, au Luxembourg, l’émergence d’un pouvoir étatique relativement fort, disposé à exercer un pouvoir de contrôle non négligeable sur l’Église.
Avec la signature du Concordat de 1801, et malgré certaines dissensions, l’organisation des relations entre Église et État se stabilise. La majeure partie du Luxembourg dépendait à ce moment-là du diocèse de Metz (avant de passer sous l’autorité de celui de Namur en 1823).
À la fin de cette « période française » et avec l’arrivée du pouvoir néerlandais, des hésitations apparaissent quant à l’application du Concordat de 1801. Nous sommes alors autour des années 1814-1815. Suivant sa volonté de garder un certain contrôle sur l’Église, le roi considère que la constitution de 1815 lui permettrait de restaurer le pouvoir de nomination des évêques (par l’invocation de « l’indult » octroyé par Paul IV à Philippe II en 1559. En tant que roi protestant, Guillaume Ier, fut dans la nécessité de se conformer à l’article 17 du Concordat, prévoyant la nécessité d’une signature d’une convention particulière entre le roi et le Saint-Siège dans le cas où le chef de l’État ne serait pas catholique. Un concordat est alors signé en 1827. Ce dernier prévoit le maintien des dispositions du Concordat de 1801. Les évêques sont alors nommés par le Chapitre, mais seulement après « homologation » par le Roi. Le Pape investit finalement le candidat après vérification de conformité avec le droit canonique.
Ce concordat de 1827 ne sera que très peu appliqué, et l’encadrement juridique des relations entre État et Église se compliquera entre 1830 et 1839, notamment en raison d’une division du système juridique due au fait qu’alors que le Luxembourg appartient à la Belgique, la ville de Luxembourg reste une forteresse fédérale germanique. Les relations entre la ville de Luxembourg et le diocèse de Namur sont de plus en plus problématiques, si bien qu’en 1833, le Pape retire la ville dudit diocèse et désigne un vicaire apostolique. Cela aura pour conséquence l’annulation du Concordat (qui ne prévoyait pas ce genre de situation). Dès lors, ce sera la Constitution Belge qui servira de modèle.
Jusqu’à nos jours, malgré de nombreuses modifications, il est difficile d’avancer que le Concordat a été abrogé de manière formelle tant, dans la pratique, il est fort peu aisé de cerner quels articles organiques - ou quelles dispositions - sont encore utilisés ou tombés en désuétude. L’Église et l’État semblent désormais aller de concert et se soutenir mutuellement dans une démarche d’adaptation aux potentielles difficultés conjoncturelles.
D 26 mai 2021 ARaphaël Durante
Le cadre juridique
La Constitution luxembourgeoise établit le système de séparation entre l’État et les Églises. Le mariage civil doit toujours précéder la bénédiction nuptiale (art. 21). La Constitution protège (...)
La Constitution luxembourgeoise établit le système de séparation entre l’État et les Églises. Le mariage civil doit toujours précéder la bénédiction nuptiale (art. 21). La Constitution protège le cadre de valeurs de la liberté religieuse, tant dans sa forme positive que négative. En particulier, la liberté de religion (ou d’absence de religion : art. 20) et de culte public ainsi que la liberté d’exprimer ses opinions religieuses sont garanties (art. 19). L’État, conformément à la doctrine de la neutralité religieuse, respecte en principe les structures organisationnelles des communautés religieuses et ne peut s’immiscer dans leurs affaires internes. Le cadre régissant les relations de chaque culte avec l’État fait l’objet de conventions entre les parties concernées et est soumis à la Chambre des députés (art. 22). L’État est responsable du paiement des salaires et des pensions des ministres du culte des cultes reconnus (c’est-à-dire les communautés qui ont signé une convention avec les autorités de l’État) (art. 106). En outre, l’État subventionne les groupes religieux pour couvrir certaines dépenses (par exemple, la construction ou l’entretien d’édifices religieux). En effet, les communautés religieuses fonctionnant au Luxembourg se distinguent en deux groupes : a) les communautés officiellement reconnues ; et b) les communautés non reconnues.
Les groupes religieux appartenant à la première catégorie ont une personnalité juridique de droit public. Il s’agit de : a) l’Église catholique (Concordat de 1801, qui est encore théoriquement en vigueur conformément à l’art. 119 de la Constitution) ; b) la communauté juive ; c) l’Église protestante ; d) l’Église protestante réformée ; e) l’Église grecque-orthodoxe ; f) l’Église anglicane ; g) l’Église serbe-orthodoxe ; et h) l’Église roumaine-orthodoxe. La communauté musulmane n’a pas encore signé de convention. Malgré cela, elle reçoit une modeste subvention de l’État. En tant que culte non reconnu, son organe représentatif est organisé en tant que personnalité juridique de droit privé. Le même statut juridique s’applique à l’Église orthodoxe russe ainsi qu’à certaines autres communautés (par exemple les témoins de Jéhovah). Selon la proposition de la Chambre des députés luxembourgeoise, les critères pour conclure un accord avec une communauté religieuse et ainsi la reconnaître officiellement devraient être les suivants :
– Avoir un nombre relativement important de fidèles sur le territoire luxembourgeois ;
– Il doit s’agir d’un culte mondialement connu ;
– Elle doit être déjà reconnue officiellement par au moins un État membre de l’Union européenne ;
– Elle doit accepter et respecter le système juridique luxembourgeois.
Pour en savoir plus, voir :
– Les publications du European Consortium of Church and State Research,
– Philippe Poirier, ‘State and Religions in Luxembourg : A “Reconciled” and “Secularized” Democracy’, in François Foret and Xabier Itçaina (eds), Politics of Religion in Western Europe Modernities in Conflict ?, Abingdon : Routledge/ECPR Studies in European Political Science, 2011, pp. 91-98,
– Le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg/Ministère d’État Département des Cultes, Rapport du groupe d’experts chargé de réfléchir sur l’évolution future des relations entre les pouvoirs publics et les communautés religieuses ou philosophiques au Grand-Duché de Luxembourg, octobre 2012.
D 26 mai 2021 AKonstantinos Papastathis APhilippe Poirier
Reconnaissance et encadrement des cultes
8 avril 1802 : Reconnaissance du culte catholique Reconnaissance du culte protestant
17 mars 1808 : Reconnaissance de la confession israélite
La Constitution de 1868 prévoit que : « Les (...)
8 avril 1802 :
– Reconnaissance du culte catholique
– Reconnaissance du culte protestant
17 mars 1808 : Reconnaissance de la confession israélite
La Constitution de 1868 prévoit que :
– « Les traitements et pensions des ministres des cultes sont à charge de l’État et réglés par la loi. » (Art. 106.)
– « L’intervention de l’État dans la nomination et l’installation des chefs des cultes, le mode de nomination et de révocation des autres ministres des cultes, a faculté pour les uns et les autres de correspondre avec leurs supérieurs et de publier leurs actes, ainsi que les rapports de l’Église avec l’État, font l’objet de conventions à soumettre à la Chambre des députés pour les dispositions qui nécessitent son intervention. » (Art. 22).
– « La liberté des cultes, celle de leur exercice public ainsi que la liberté de manifester ses opinions religieuses, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l’occasion de l’usage de ces libertés. » (Art. 19)
– « L’établissement de toute corporation religieuse doit être autorisé par une loi » (Art. 26)
Dans les années 1980, le régime de reconnaissance laisse place au droit conventionnel :
15 juin 1982 :
– Convention entre l’État et l’Église Protestante Réformée
23 novembre 1982 :
– Fixation de la personnalité juridique de l’Église Protestante Réformée et détermination des fonctions et emplois rémunérés par l’État.
10 juillet 1998 :
Loi portant sur l’approbation de cinq nouvelles conventions entre le Gouvernement et :
– L’Archevêché (deux conventions)
– L’Église Orthodoxe Hellénique
– La communauté israélite
– L’Église Protestante Réformée
Avec la signature de ces conventions, le système de relations entre religions et État au Luxembourg change : « Les conventions de droit public interne remplacent désormais d’une part le droit unilatéral de reconnaissance des cultes et, d’autre part, le système concordataire catholique relevant du droit international. Tous les cultes, y compris l’Église catholique, sont traités de manière indifférenciée. » (Francis Messner, « La réforme des cultes au Grand-duché du Luxembourg en 2015 », Revue du droit des religions, vol. 1, 2016, p. 161-166).
Confirmation de ce processus avec :
27 janvier 2003 :
– Convention avec l’Église anglicane du Luxembourg, et extension de la convention conclue avec l’Église orthodoxe hellénique aux orthodoxes roumains et serbes.
Ces conventions sont régies par trois principes :
– Relative liberté d’organisation
– Cadre d’un statut de droit public pour l’organisation des cultes
– L’État rémunère les ministres des cultes
Après les élections législatives de 2013, une coalition de libéraux, socialistes et de Verts décident d’accentuer la séparation entre Églises et État.
2015 :
Signature de nouvelles conventions avec les cultes déjà conventionnés, mais également, pour la première fois, avec le culte musulman. Les principaux éléments prévus par cette nouvelle convention sont les suivants :
– Les subventions sont conditionnées par : « le respect des droits et libertés constitutionnels, de l’ordre public et des valeurs démocratiques, la promotion des droits de l’homme et de l’égalité de traitement ainsi que de l’égalité entre hommes et femmes »
– Les cultes en question sont tenus d’être régis par un organe représentatif, organe qui se chargera de faire le lien avec les autorités publiques.
– Réduction du budget alloué à la rémunération des ministres du cultes (de 24,66 millions d’euros en 2015 à 8,375 millions d’euros en 2035).
– Les communautés religieuses recrutent leurs collaborateurs selon le droit privé (et non plus sur le budget de l’État).
– L’enseignement catholique (destiné aux élèves catholiques) est remplacé par un cours commun d’« éducation aux valeurs », dépendant du ministère de l’éducation national (et non plus de la collaboration entre l’administration et l’archevêché qui était en charge du contenu des cours).
D 26 mai 2021 ARaphaël Durante
La Convention de janvier 2015
Le gouvernement luxembourgeois a signé un accord avec les communautés religieuses en janvier 2015, établissant un nouveau cadre juridique régissant leurs relations. Le nouveau système entrera en (...)
Le gouvernement luxembourgeois a signé un accord avec les communautés religieuses en janvier 2015, établissant un nouveau cadre juridique régissant leurs relations. Le nouveau système entrera en vigueur après la future réforme constitutionnelle, qui nécessitera un vote à la majorité des deux tiers des députés. Ce processus n’est pas encore achevé.
Le préambule de l’accord stipule le respect du cadre des droits de l’homme et son application dans tous les domaines de l’activité sociale et éducative des communautés religieuses. L’article 2 de l’accord souligne que la liberté de culte est garantie dans le contexte constitutionnel. Les communautés religieuses doivent exclure tout membre de leurs propres institutions en cas de violation de la loi de l’État. L’article 3 stipule l’autonomie de l’organisation interne et sa liberté de recrutement du personnel.
En vertu du nouveau cadre juridique, les ministres de chaque culte (y compris, pour la première fois, le mufti et les imams) seront soumis au droit du travail du secteur privé, au lieu d’être des fonctionnaires rémunérés directement par le Trésor public. Après la mise en œuvre du nouvel accord, les communautés religieuses recevront des subventions de l’État pour couvrir le paiement du salaire du ministre et leur sécurité sociale. Les communautés religieuses seront responsables de la définition des salaires de cette catégorie d’employés, ainsi que du nombre de postes de travail. Les Églises, en tant qu’employeurs des ministres du culte, ont la possibilité d’utiliser les recettes communales comme prime en plus du salaire de base versé par l’État. L’âge de la retraite pour tous les ministres sera de soixante-cinq ans (articles 4 à 6).
D 26 mai 2021 AKonstantinos Papastathis APhilippe Poirier