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Prison et religion

Aspect juridique

Les principales informations concernant le statut juridique et les pratiques cultuelles en prison sont reprises dans une note récente de l’administration pénitentiaire : Note NOR/JUSK1440001N (...)

Les principales informations concernant le statut juridique et les pratiques cultuelles en prison sont reprises dans une note récente de l’administration pénitentiaire : Note NOR/JUSK1440001N du 16 juillet 2014 relative à la pratique du culte en détention (voir Legirel).
L’assistance spirituelle constitue une exception au principe de non-financement des cultes sur fonds publics formulé à l’article 2, alinéa 1er de la loi du 9 décembre 1905, qui dispose que : « pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons ».

Il n’existe pas de statut de l’aumônerie en tant que telle, mais il existe une procédure d’agrément des aumôniers. Ceux-ci, à temps plein ou partiel, se consacrent à « l’assistance spirituelle des personnes détenues, la célébration d’offices religieux et l’organisation de réunions cultuelles, l’organisation des fêtes religieuses (en lien avec l’administration) ».

Il n’y a pas d’obligation de la déclaration de la confession par le détenu. Il y a obligation d’information sur les activités proposées et sur la présence d’aumôniers, mais la demande de pratiquer une religion doit venir du détenu lui-même.

La pratique religieuse est règlementée (repas, prière, droit de visite… ).

Par ailleurs, la cour administrative d’appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 novembre 2013 qui enjoignait à la prison de Saint-Quentin-Fallavier (Isère) de proposer des repas halal aux détenus musulmans, le 22 juillet 2014.

D 31 août 2015    AAnne-Laure Zwilling

Aspect sociologique

Les aumôniers sont recrutés et formés, de façon variable, par chaque groupe religieux. Ils doivent être agréé par l’administration pénitentiaire. Ils peuvent bénéficier d’une indemnité versée (...)

Les aumôniers sont recrutés et formés, de façon variable, par chaque groupe religieux. Ils doivent être agréé par l’administration pénitentiaire. Ils peuvent bénéficier d’une indemnité versée par l’Etat.
Durant quelques années, il a été affirmé que les Témoins de Jéhova étaient victimes de discrimination, notamment dans la capacité à être aumônier de prison. Le débat a été clos par l’Avis relatif à l’exercice du culte dans les lieux de privation de liberté paru au Journal officiel du 17 avril 2011, texte n° 13, qui affirme que « l’administration ne peut […] donner un statut minoré aux aumôniers » d’une religion minoritaire. Le contraire reviendrait à supposer que l’administration pénitentiaire aurait l’autorité d’apprécier « quels cultes peuvent être admis et avec quelles prérogatives dans les lieux de privation de liberté ». Le Conseil d’Etat a confirmé, le 16 octobre 2013, que des aumôniers des Témoins de Jehovah doivent être agréés pour les prisons.

Au 1er janvier 2015, l’administration pénitentiaire recensait 1628 intervenants cultuels, appartenant aux différents cultes : catholique 760, protestant 377, musulman 193, témoins de Jéhovah 111, israélite 75, orthodoxe 52, bouddhiste 10, autres 50 (chiffres fournis par le gouvernement).

Selon Sarg et Lamine, « la religion apparaît finalement bien souvent comme une ressource parmi d’autres en prison », tout en n’étant « pas exactement comme les autres » : dans ce contexte rigoureusement régulé par l’administration, le statut de l’aumônerie qui est au marge de l’institutionnel donne au religieux une souplesse et un rôle large et important, comme (re)structuration de l’existence, capacité de donner sens à sa vie, symbole d’un ailleurs possible. Quelle que soit leur confession, les aumôniers jouent des rôles multiples (psychologue, conseiller juridique, frère ou ami).

Le débat social a porté fréquemment, ces dernières années, sur la radicalisation religieuse qui interviendrait en prison, notamment dans le cas de l’islam. A double titre, l’islam a un statut particulier en prison. D’abord, parce que ce culte est le plus souvent victime de discriminations. Le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté du 17 avril 2013 souligne que l’administration manque parfois de neutralité vis-à-vis des religions non-chrétiennes et surtout de l’islam, notant par exemple la difficulté à obtenir des repas halal, le manque d’aumôniers, le non-respect des objets cultels ou des temps de prière, les remarques irrespectueuses des personnels sur les convictions et les pratiques religieuses. D’autre part, parce que, parmi les diverses utilisations possibles de la religion par les détenus, l’islam est la religion qui est utilisée pour la contestation, selon Sarg et Lamine. Cependant, Béraud et al. soulignent que la religion en prison reste un phénomène minoritaire, surtout dans ses modes radicaux qui « le plus souvent restent mineurs en comparaison d’une forme de religiosité apaisée et ordinaire ».

D 31 août 2015    AAnne-Laure Zwilling

Publications récentes ou majeures

Rapports officiels CONTRÔLEUR GÉNÉRAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ, Rapport d’activité 2013, avril 2014 [chapitre 8 consacré à l’alimentation conforme à des prescriptions religieuses dans (...)

Rapports officiels
 CONTRÔLEUR GÉNÉRAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ, Rapport d’activité 2013, avril 2014 [chapitre 8 consacré à l’alimentation conforme à des prescriptions religieuses dans les établissements pénitentiaires].
 CIOTTI Éric, MENNUCCI Patrick, Rapport fait au nom de la Commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes, juin 2015
 DELARUE J. M., contrôleur général des lieux de privation de liberté, Avis du 24 mars 2011 relatif à l’exercice du culte dans les lieux de privation de liberté, avril 2011.
 DIRECTION DE L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE, Le fait religieux en prison : configurations, apports, risques. Actes des Journées d’études internationales organisées par la Direction de l’administration pénitentiaire, 28-29 nov. 2013, Paris, 2013.
 LARRIVE Guillaume, Avis de la commission des lois sur le projet de loi de finances pour 2015 n° 2267. Tome VI, Justice : Administration pénitentiaire du 27 octobre 2014 (sur la radicalisation islamiste dans les prisons).

Ouvrages et articles
• Beckford, James A., "Les aumôneries de prison : une introduction au dossier", Archives de sciences sociales des religions 153-1, 2011, p. 11-21.
• Beckford, James A., Danièle Joly et Farhad Khosrokhavar, Les musulmans en prison en Grande-Bretagne et en France (Globalisation, espace, modernité). Louvain : Presses universitaires de Louvain, 2007.
• Béraud, Céline, Claire de Galembert, Corinne Rostaing, Des hommes et des dieux en prison, note de synthèse, 2013.
• Eckert, Raphaël et Jeanne-Marie Tuffery-Andrieu (dir.), Le Travail en prison. Mise en perspective d’une problématique contemporaine, Strasbourg, PU Strasbourg, 2015, 238 p., ISBN:978-2-86820-902-3.
• Kies, Ouisa, "Des aumôniers musulmans en prison", in Le fait religieux en prison : configurations, apports, risques. Actes des Journées d’études internationales organisées par la Direction de l’administration pénitentiaire, 28-29 nov. 2013, Paris. 2013, p. 53-73.
• Khosrokhavar, Farhad, L’Islam dans les prisons (Voix et regards). Paris : Balland, 2004.
• Rostaing, Corinne, Céline Béraud, Claire de Galembert, "Religion, Reintegration and Rehabilitation in French Prisons : The Impact of Prison Secularism", in Becci, Irene et Olivier Roy (dir.), Religious Diversity in European Prisons. Challenges and Implications for Rehabilitation, New York, Springer, 2015, p. 63-79.
• Sarg, Rachel et Anne-Sophie Lamine, "La religion en prison. Norme structurante, réhabilitation de soi, stratégie de résistance", Archives de sciences sociales des religions 153-1, 2011, p. 85-104.
• Sarg, Rachel, La foi malgré tout. Croire en prison, Paris, PUF, 2015.

D 31 août 2015    AAnne-Laure Zwilling

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