Cadre juridique
Le statut semi-officiel de l’Eglise de Suède
Certaines activités de l’Eglise de Suède demeurent encore étroitement liées à l’Etat, même si cette ancienne institution d’Etat est désormais une organisation distincte. Un exemple : l’Eglise de (...)
Certaines activités de l’Eglise de Suède demeurent encore étroitement liées à l’Etat, même si cette ancienne institution d’Etat est désormais une organisation distincte. Un exemple : l’Eglise de Suède possède une partie importante du patrimoine culturel national de la Suède sous la forme d’églises médiévales et d’autres édifices anciens. La responsabilité de leur administration et de leur préservation incombe à l’Eglise ; une loi spéciale réglemente ces éléments (SFS 1988:950). Le second exemple, soulignant le statut spécial de l’Eglise de Suède, est que la loi exige que le monarque, en tant que chef d’Etat, soit membre de l’Eglise de Suède (SFS 1974:152). Troisième exemple : l’Eglise de Suède conserve la responsabilité principale concernant l’entretien des cimetières exception faite de certains arrangements dans quelques endroits du pays. Ceci inclut la mise à disposition de lieux d’inhumation spécifiques pour les personnes issues d’autres confessions lorsque la demande en est faite. L’Etat a délégué la responsabilité de ce service public à l’Eglise de Suède par la voie d’une législation spéciale (SFS 1990:1144). Cette fonction de l’Eglise de Suède est souvent désignée comme la part restante de son ancien statut en tant qu’autorité publique, part qui pourra être transférée à l’Etat dans le futur. Toutefois, ce point ne représente pas un enjeu important dans le débat politique ou public actuel.
Le statut semi-officiel de l’Eglise de Suède est évident lorsqu’on examine la loi la concernant (SFS 1998:1591). La loi dit en substance : "l’Eglise doit être de confession évangélique luthérienne y compris dans le futur, l’Eglise doit être ouverte à tous, ses activités doivent s’étendre à l’ensemble du pays, et elle doit être dotée d’une organisation démocratique". Ces exemples montrent que le lien étroit entre l’Etat et l’Eglise n’a pas disparu. L’Etat considère encore l’Eglise de Suède comme différente des autres communautés religieuses, et plus importante que ces dernières, car elles n’ont pas d’ambitions étatiques comparables. On peut ainsi affirmer que l’Eglise de Suède a un statut semi-officiel.
D 2 septembre 2024 APer Pettersson
Liberté religieuse et situation juridique des communautés religieuses
La Suède a une longue histoire de liens étroits entre l’Église et l’État et entre la citoyenneté et l’appartenance à l’Église. Les mouvements de renouveau qui ont émergé au cours du 18e siècle (...)
La Suède a une longue histoire de liens étroits entre l’Église et l’État et entre la citoyenneté et l’appartenance à l’Église. Les mouvements de renouveau qui ont émergé au cours du 18e siècle ont été considérés comme une menace pour la société unitaire. Dans le but de contenir le mouvement piétiste alors en pleine croissance, un décret spécial est promulgué en 1726 afin d’interdire les rassemblements religieux autres que ceux de l’Église établie. Ces règlements ont été remplacés en deux étapes, en 1860 et 1873, par une nouvelle loi qui offrait la possibilité de quitter l’Église établie si l’on devenait membre d’une autre confession chrétienne reconnue par l’État. Ce n’est qu’en 1951 que la Suède s’est dotée d’une loi garantissant la liberté de religion, donnant aux citoyens suédois le droit de pratiquer librement une religion de leur choix ou de s’abstenir d’être membre d’un quelconque corps religieux (SFS 1951:680). Depuis 1974, la loi sur la liberté de religion est incluse dans la loi sur les instruments de gouvernement qui fait partie de la constitution suédoise, où elle est formulée comme "la liberté de pratiquer une religion, seul ou avec d’autres personnes" (SFS 1974:152). En outre, la liberté de religion est protégée par la Convention européenne des droits de l’homme, qui fait partie du droit suédois depuis 1994 (SFS 1994:1219). La loi suédoise contre la discrimination protège l’égalité des droits indépendamment de l’appartenance religieuse et interdit la discrimination fondée sur la religion (SFS 2008:567). L’enregistrement de l’appartenance religieuse des individus est interdit par le droit de l’Union européenne ainsi que par le droit suédois (UE 2016/679, GDPR ; SFS 2018:218).
Après la séparation entre l’État et l’Église de Suède le 1er janvier 2000, l’État suédois est officiellement neutre par rapport à toutes les communautés religieuses. Toutes les communautés religieuses doivent en principe être traitées sur un pied d’égalité, bien que l’Église de Suède soit toujours réglementée distinctement et ait des responsabilités particulières (voir la section ci-dessous). La loi sur les communautés religieuses les définit comme "des communautés dédiées à l’activité religieuse, y compris l’organisation d’offices religieux" (SFS 1998:1593). Selon la loi, nul n’est obligé d’appartenir à une communauté religieuse, et les enfants à partir de 12 ans doivent donner leur propre consentement pour entrer ou sortir d’une communauté religieuse. Les communautés qui demandent le statut juridique de "communauté religieuse" peuvent déposer une demande en ce sens auprès du gouvernement et ainsi être inscrit au registre officiel des communautés religieuses. Pour devenir une communauté de foi enregistrée, trois conditions doivent être remplies : a) l’objectif de la communauté doit être une activité religieuse, y compris l’organisation du culte, b) la communauté doit avoir un conseil d’administration ou une structure similaire, c) le nom de la communauté doit pouvoir être distingué d’autres organisations ou activités, et ne doit pas être en conflit avec, par exemple, l’ordre public ou la vie sociale. Ces conditions sont très larges et ouvertes et ne confèrent aucun statut juridique, droit ou avantage économique particulier. Pour pouvoir bénéficier d’un soutien financier, une communauté religieuse doit répondre à certains critères supplémentaires décrits ci-dessous dans la rubrique "Financement des religions".
D 2 septembre 2024 APer Pettersson
La sphère publique comme laïque et religieusement neutre
Un principe général qui s’est développé au sein de la société suédoise au cours du 20e siècle veut que la religion soit considérée comme un élément privé. Aucun statut spécial ne devrait (...)
Un principe général qui s’est développé au sein de la société suédoise au cours du 20e siècle veut que la religion soit considérée comme un élément privé. Aucun statut spécial ne devrait permettre à la religion d’être prise en compte dans un contexte public. La sphère publique devrait être une zone laïque, sans religion, au sein de laquelle les individus sont traités de manière égale et sont supposés accepter les mêmes règles sociales, sans égard au sexe, à l’appartenance ethnique, aux origines culturelles ou aux croyances religieuses. Cette sphère publique laïque et religieusement neutre a toutefois connu une altération lente mais continuelle de ses caractéristiques due à une immigration croissante. La société suédoise a davantage pris conscience de l’existence des cultures immigrantes et de la manière dont certaines de ces dernières considèrent la religion personnelle comme un élément à prendre en compte dans un contexte public. Ce changement d’attitude a été provoqué par l’augmentation de l’immigration, parallèlement à une évolution culturelle générale qui a fait passer les valeurs mettant l’accent sur l’homogénéité de la société et le collectivisme à une priorité accordée aux droits individuels, aux valeurs subjectives, à la mise en avant et au respect de l’individualité, et à l’acceptation de la pluralité et de la diversité.
Néanmoins, concernant les jours fériés, les effets de cette pluralité croissante et du démantèlement de l’Église n’ont pour l’instant entraîné aucun changement officiel, et aucune fête chrétienne n’a été rendue « laïque ». De même, aucune fête issue d’autres traditions religieuses n’a été officiellement ajoutée, bien que ces célébrations soient de plus en plus remarquées et rendues visibles dans les espaces publics, notamment les médias et les écoles, avec par exemple le ramadan musulman. L’opinion générale est que l’observation religieuse appartient à la sphère privée, et aucune exception légale n’a été faite à ce jour concernant l’appartenance religieuse, excepté un cas unique. Celui-ci concernait les membres des témoins de Jéhovah qui, en 1966, ont tous été exemptés de l’obligation d’effectuer leur service militaire.
D 2 septembre 2024 APer Pettersson
Le blasphème
Concernant la protection juridique, la Suède possédait, historiquement, une loi visant spécifiquement à protéger la religion du blasphème. Cette loi, introduite par le roi Éric XIV en 1563, a (...)
Concernant la protection juridique, la Suède possédait, historiquement, une loi visant spécifiquement à protéger la religion du blasphème. Cette loi, introduite par le roi Éric XIV en 1563, a donné lieu à différents textes jusqu’en 1949, où elle a été remplacée par une loi sur la « Paix de Foi », qui constituait une forme de restriction plus douce. En 1970, cette loi a été abolie et un nouveau texte sur « l’agitation contre un groupe spécifique de personnes » (SF 2002:906) a été introduit. Cette loi se concentrait sur les groupes minoritaires d’une « race, couleur de peau, origine nationale ou ethnique, confession ou orientation sexuelle » spécifique. Ainsi, ce n’est pas la religion en elle-même qui est protégée, mais le groupe d’individus qui y adhère. La foi est ici mise en parallèle avec l’appartenance ethnique ou l’orientation sexuelle. Le recours à cette loi a surtout été fait dans des cas relatifs aux troubles visant les populations juives et homosexuelles. Il n’existe actuellement aucune loi interdisant le blasphème en Suède.
D 2 septembre 2024 APer Pettersson