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Archives des débats

2021

Novembre 2021 : Religions, mesures sanitaires et vaccination aux Pays-Bas
Les communautés religieuses aux Pays-Bas ont réagi de diverses manières tant à l’épidémie de Covid-19 qu’aux mesures (...)

  • Novembre 2021 : Religions, mesures sanitaires et vaccination aux Pays-Bas

Les communautés religieuses aux Pays-Bas ont réagi de diverses manières tant à l’épidémie de Covid-19 qu’aux mesures prises par les autorités pour la juguler, notamment en ce qui concerne la vaccination.

La politique gouvernementale
Les autorités néerlandaises ont utilisé la même palette de mesures que les autres gouvernements d’Europe occidentale : distanciation, désinfection des mains à l’entrée des commerces et édifices publics, couvre-feu, port du masque, passe sanitaire, vaccination. Comme ailleurs en Europe, il a rencontré les mêmes difficultés d’anticipation de la gravité de la catastrophe. Il a tenu et tient encore de vraies conférences de presse régulières (jusqu’à 2 ou 3 par semaine au plus fort de la crise) pendant lesquelles le Premier ministre et le ministre chargé du suivi de la politique Covid répondaient aux questions des journalistes. Sa politique semble avoir été soumise au respect de deux contraintes avec lesquelles il a arbitré au jour le jour : le respect des libertés individuelles (la vaccination est vivement conseillée, mais pas obligatoire) et la préservation de l’économie. Les congrégations religieuses, en concertation avec leurs représentants, ont été soumises à des mesures allégées (par exemple s’agissant du passe sanitaire) et les ont en général appliquées.

Un révélateur faible
L’attitude officielle des religions ou des confessions à l’égard de l’épidémie et des mesures prophylactiques ne permet pas de discerner clairement les tendances qui pourraient s’opposer en leur sein.
Les discours théologiques individuels concernant le virus dont la presse généraliste fait état font apparaître trois tendances) :
  Dieu est un soutien pour traverser la crise (pensée du type « aide-toi et le ciel t’aidera »).
  Dieu envoie le virus pour nous faire prendre conscience de notre fragilité.
  Dieu envoie le virus pour nous punir.
S’agissant du vaccin, les positions varient entre deux extrêmes : le vaccin est un don de Dieu, ou le vaccin s’oppose à l’action de Dieu.
La perte de confiance à l’égard de la science et la dénonciation d’une civilisation animée par un désir de « toute-puissance » touchent aussi bien les « libéraux » que les « orthodoxes ».

La PKN (luthéro-réformés, majoritaire au sein du protestantisme néerlandais)
Il ne semble pas qu’il existe de déclarations officielles, s’agissant de l’épidémie en tant que telle ou concernant la vaccination. L’en-tête de la page web de la PKN traduit bien ce qui semble la principale préoccupation de la PKN : « Être Église en temps de Corona. Les communautés de l’Église protestante subissent aussi les conséquences des mesures adoptées pour faire barrage au coronavirus. Nos services mettent tout en œuvre pour vous fournir l’information la plus actuelle et la plus rigoureuse ». La seule prise de position est que l’objectif est de « faire barrage » ; suis une liste exhaustive des protocoles à appliquer pour les différents offices et autre assemblées ecclésiales.

Les autres dénominations protestantes
Il semble que des Vrijzinnig (libéraux libre-penseurs protestants) aux différentes dénominations d’obédience calviniste plus ou moins stricte (Gereformeerd Hersteld, Gereformeerd Vrijgemaakt, Christelijke Gereformeerd), on ait adopté la même position prudente que la PKN.
En ce qui concerne les Vrijzinnig, on trouvera sur leur site une critique de la polarisation de l’opinion à propos des mesures et du vaccin et une dénonciation de la violence de certains anti-vaccin. Mais la priorité est donnée au libre arbitre et à la liberté individuelle.
S’agissant des communautés d’obédience calviniste stricte, la presse non confessionnelle n’a pas manqué de stigmatiser les quelques pasteurs ou communautés qui ont sporadiquement résisté aux mesures prophylactiques ou tenu un discours anti-vaccination.
Il n’en demeure pas moins que les taux d’incidence sont particulièrement élevés dans les régions où les communautés calvinistes strictes sont les plus présentes (Bijbelbelt), et que les taux de vaccination y sont particulièrement bas. Dans les quelques entretiens avec des pasteurs de ces communautés publiés dans la presse généraliste, l’argument le plus souvent invoqué est « avec le vaccin, on intervient dans ce qui relève exclusivement de l’action de Dieu. » (voir Gereformeerde Kerken vrijgemaakt et Christelijke gereformeerde kerken)

Islam
Il est pratiquement impossible d’accéder via internet à une ou des positions collectives officielles. Il existe un site musulman consacré au corona où l’on retrouve la même prudence que chez les protestants. Pas de protocoles adaptés, mais l’offre d’une aide par téléphone assurée par l’Association des imams et un souci particulier s’agissant des inhumations. Le site de l’Association des imams des Pays-Bas est à ce jour en construction.
La presse généraliste fait sporadiquement état de plaintes des imams à propos de la difficulté de mise en œuvre des mesures et des éventuelles interdictions qui en résultent.

Église catholique romaine
Avec des réserves concernant les procédés de fabrication des vaccins (utilisation ou non de cellules fœtales), la hiérarchie catholique néerlandaise se déclare officiellement favorable à la vaccination et fournit aux communautés locales des protocoles prophylactiques adaptés aux différents types de services, comme le font les autres confessions.
Dans le dernier paragraphe d’un article, le Cardinal Eijk reprend à son compte au nom de la Conférence des évêques, l’argument officiel en faveur de la vaccination : « se protéger et protéger les autres ».

Judaïsme
Le rabbinat d’Amsterdam a publié régulièrement es protocoles prophylactiques adaptés aux différents types de services. Dans un communiqué, il reconnaît que la vaccination pose un dilemme au regard de l’obligation halachique de « prendre soin de soi », mais lève ce dilemme en affirmant sa confiance dans les études d’innocuité à court et moyen terme. Il évoque clairement l’argument « se protéger et protéger les autres » et souligne que la généralisation de la vaccination devrait permettre le retour rapide à une vie communautaire normale.

D 5 novembre 2021    ARichard Bennahmias

2019

Août 2019 : Loi sur le voile intégral aux Pays-Bas
Le 1er août 2019, une loi sur la dissimulation du visage est entrée en vigueur aux Pays-Bas. La Loi (d’interdiction partielle) de (...)

  • Août 2019 : Loi sur le voile intégral aux Pays-Bas

Le 1er août 2019, une loi sur la dissimulation du visage est entrée en vigueur aux Pays-Bas. La Loi (d’interdiction partielle) de dissimulation du visage dispose qu’"il est interdit de porter, dans les transports publics et dans les bâtiments et terrains annexes des établissements d’enseignement, des institutions gouvernementales et des établissements de soins, des vêtements qui couvrent complètement le visage ou le recouvrent de telle manière que seuls les yeux sont découverts ou qu’ils rendent le visage méconnaissable".
Le débat est en cours depuis les années 2000, lorsqu’il a été lancé à l’occasion des discussions sur la politique d’intégration. La chambre basse du Parlement a adopté en 2016 une loi interdisant le port du voile sur le visage dans les bâtiments publics, y compris les écoles, les bureaux gouvernementaux et les hôpitaux ; la chambre haute du Parlement néerlandais l’a adoptée en 2018 (voir The Independent ou Whatson).
Pour une présentation plus détaillée de cette question, voir l’article "The matter of face covering in the Netherlands" de Martijn de Koning, en anglais sous forme de document pdf ou en néerlandais sur son blog Closer (août 2019).

D 16 janvier 2020   

2018

Novembre 2018 : tolérance face à l’interdiction du blasphème
Entre juin et août 2018, l’homme politique d’extrême droite néerlandais Geert Wilders a organisé un concours de caricatures du (...)

  • Novembre 2018 : tolérance face à l’interdiction du blasphème

Entre juin et août 2018, l’homme politique d’extrême droite néerlandais Geert Wilders a organisé un concours de caricatures du prophète de l’islam Mahomet. Ce concours, censé se tenir dans les bureaux de M. Wilders au sein du parlement néerlandais, a suscité de nombreuses protestations parmi les musulmans du monde entier, en particulier au Pakistan. Des demandes de fermeture de l’ambassade des Pays-Bas au Pakistan ont été suivies de menaces de boycott de produits néerlandais, puis de l’annulation d’une mission commerciale néerlandaise au Pakistan. Fin août, une marche de protestation a rassemblé 10 000 musulmans dans la capitale, Islamabad ("Muhammad cartoon contest in Netherlands sparks Pakistan protests", The Guardian, 29 août 2018). À peu près au même moment, en Afghanistan, les talibans ont publié un appel à la violence contre les militaires néerlandais stationnés dans ce pays. Pendant ce temps, aux Pays-Bas, un Pakistanais était arrêté pour avoir planifié le meurtre de M. Wilders ("Far-right Dutch MP cancels Muhammad cartoon competition", The Guardian, 30 août 2018). Ce n’est qu’à ce moment-là que ce dernier a annoncé annuler le concours, évoquant des raisons de sécurité publique ("Geert Wilders cancels Prophet Muhammad cartoon contest", Al Jazeera, 30 août 2018).

Dans sa réaction officielle, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a qualifié le concours de caricatures d’« irrespectueux », mais a également défendu le droit de M. Wilders à l’organiser, au nom de la liberté d’expression.

La valeur de la liberté d’expression est étroitement liée à la valeur de la tolérance. Aux Pays-Bas, la tolérance est devenue à partir de 1960 l’un des piliers de la perception que les Néerlandais ont d’eux-mêmes (Versteeg, P. G. A., "The discovery of Dutch identity. A critical exploration", Dutch Reformed Theological Journal, 53-2, 2012, 59-66).

La valeur de tolérance a été redéfinie lorsque le climat politique du pays a changé après le 11 septembre 2001, les citoyens craignant que les musulmans n’abusent de la tolérance néerlandaise. Les libéraux ont alors réintégré cette valeur dans une attitude d’inclusion des différences, tandis que les populistes ont soutenu que les personnes non tolérantes ne devaient pas être tolérées (Versteeg, 2012). C’est cette deuxième voie que Geert Wilders a suivie en réclamant de la tolérance au nom de la liberté d’expression pour son concours de caricatures. Son attitude pouvait toutefois être considérée comme irrespectueuse (et non tolérante) par rapport à l’interdiction, dans la communauté musulmane, de représenter le prophète Mahomet. La réaction du Premier ministre reflète donc la place centrale de la tolérance dans l’identité nationale néerlandaise, tandis que la provocation de M. Wilders témoigne de l’évolution de l’interprétation de cette valeur dans cette identité depuis le 11 septembre 2001.

En outre, l’une des questions importantes en jeu était que le blasphème n’est pas interdit aux Pays-Bas, contrairement au Pakistan et à l’Afghanistan (A. E. Theodorou, "Which countries still outlaw apostasy and blasphemy ?", Pew Research Center, 29 juillet 2016). Les lois étant le reflet des valeurs d’une société, cela pourrait expliquer pourquoi les manifestations au Pakistan et en Afghanistan ont cristallisé bien plus d’attention que celles aux Pays-Bas. La communauté musulmane des Pays-Bas s’est peut-être adaptée au contexte néerlandais, où la valeur de la tolérance prend parfois le pas sur celle de la liberté de culte.

D 13 novembre 2018    ACéline Garnier

2017

Août 2017 : Religion et droit aux Pays-Bas
Un article de Sophie Bijsterveld montre que la religion reste une force influente à notre époque, malgré la prophétie de la théorie de la (...)

  • Août 2017 : Religion et droit aux Pays-Bas

Un article de Sophie Bijsterveld montre que la religion reste une force influente à notre époque, malgré la prophétie de la théorie de la sécularisation qui affirmait que la religion allait s’effacer. Dans le contexte de la migration, cette attente ne s’est guère réalisée, même en Europe où la sécularisation est profondément enracinée, car la présence de groupes musulmans et d’autres groupes confessionnels pose de nombreux défis. Cet article examine la trajectoire des relations entre l’État et la religion aux Pays-Bas et se penche sur son impact sur les musulmans de ce pays. Traditionnellement, la position de l’État a été marquée par une attitude ouverte et amicale envers la religion. Ces dernières années, cependant, les débats sur la religion dans les domaines public, politique et universitaire ont pris une tournure plus tranchante, et les questions qui se posent désormais à propos de la religion dans le domaine public sont devenues plus controversées. Trois éléments de cette nouvelle dynamique sont évoqués : (1) le regain d’attention pour le côté "valeurs" de la religion, notamment dans les cas où ces valeurs ne s’accordent pas facilement avec les valeurs dominantes de la société néerlandaise, (2) les préoccupations croissantes sur l’équilibre entre le pluralisme et la cohésion sociale, et (3) les nouvelles discussions sur le fonctionnement des droits fondamentaux en général et de la liberté de religion en particulier.

Sophie van Bijsterveld (2015), "Religion and law in the Netherlands", Insight Turquie, 17-1, p. 121-141.

  • Août 2017 : Débat sur l’Islam

L’article de Van Liere traite du rôle de l’islam dans les discours politiques néerlandais contemporains sur la tolérance. Il montre comment l’islam est décrit comme une idéologie (et non comme une religion) en concurrence avec les valeurs libérales. L’auteur soutient que les différends politiques ne portent pas du tout sur l’islam en tant que religion vivante, mais sur l’islam en tant que menace culturelle présumée ou projection négative des imaginaires néerlandais dominants, tels que la tolérance et la liberté d’expression, qui sont considérés comme des conditions élémentaires pour un État démocratique libéral. La première partie de cet article traite de la mise en scène et du développement de l’Islam dans la politique néerlandaise depuis les années 1970. La seconde partie développe une compréhension théorique du cadrage de l’Islam en tant qu’adversaire de la tolérance et soutient que cette position montre une position moderne typique.

Lucien van Liere (2014), "Teasing ’Islam’ : ’Islam’ as the Other Side of ’Tolerance’ in Contemporary Dutch Politics", Journal of Contemporary Religion, 29-2, p. 187-202.

  • Août 2017 : Abattage rituel

En 2011, la Chambre des représentants néerlandaise a voté pour la première fois de son histoire en faveur de l’interdiction de la pratique de l’abattage rituel sans étourdissement selon les rites juifs et islamiques. Comment faut-il comprendre ce vote remarquable ? Afin de répondre à cette question, une analyse critique du discours a été réalisée. Trois discours sont discernés dans le débat : "l’abattage rituel sans étourdissement comme une pratique dépassée", "l’abattage rituel comme une forme de torture rituelle" et "l’abattage rituel sans étourdissement comme une pratique religieuse légitime". Le soutien parlementaire croissant dont bénéficient les deux premiers discours mentionnés est lié aux récents changements intervenus dans le paysage politique néerlandais. Dans un contexte plus large, il est lié à un changement dans la conception de soi nationale des Pays-Bas et, lié à cela, à un changement dans la position perçue des minorités religieuses traditionnelles au sein de la société néerlandaise à la suite du 11 septembre et de la "révolte de Fortuyn".

Sipco J. Vellenga (2015), "Ritual Slaughter, Animal Welfare and the Freedom of Religion : A Critical Discourse Analysis of a Fierce Debate in the Dutch Lower House", Journal of Religion in Europe, 8, p. 1-25.

D 9 août 2017    ASipco Vellenga

2013

16 avril 2013 : La chambre des représentants abroge la disposition sur le blasphème
Le 16 avril 2013, une majorité de députés de la chambre basse néerlandaise a voté en faveur de l’abrogation (...)

  • 16 avril 2013 : La chambre des représentants abroge la disposition sur le blasphème

Le 16 avril 2013, une majorité de députés de la chambre basse néerlandaise a voté en faveur de l’abrogation de l’article 147 du Code pénal énonçant l’interdiction du blasphème. Les représentants de l’Union chrétienne (ChristenUnie), du Parti politique réformé (Staatkundig Gereformeerde Partij) et du Parti démocrate-chrétien (Christen Democratisch Appèl) ont voté contre cette abrogation.

L’article 147 qui date des années 1930 érige en infraction pénale le blasphème « méprisant » (smalend) qui offense publiquement les sensibilités religieuses. Cette disposition n’avait plus été appliquée dans un contentieux depuis 1968 et l’idée de sa suppression a été lancée en juin 2011 dans le cadre d’un débat sur la liberté d’expression, après la relaxe par le tribunal d’Amsterdam du leader d’extrême droite Geert Wilders accusé notamment d’incitation à la haine et à la discrimination raciale et religieuse. Le Sénat néerlandais devra également se prononcer sur cette abrogation.

D 14 mai 2013   

2012

Projet de réglementation de l’abattage rituel
Le ministre néerlandais de l’Agriculture, Henk Bleker, a signé début octobre 2012 un projet de réglement visant à encadrer l’abattage rituel aux (...)

  • Projet de réglementation de l’abattage rituel

Le ministre néerlandais de l’Agriculture, Henk Bleker, a signé début octobre 2012 un projet de réglement visant à encadrer l’abattage rituel aux Pays-Bas. Ce décret prévoit que les animaux devront être étourdis 40 secondes après avoir été égorgés et réglemente notamment la taille du couteau utilisé. Ce texte fait suite à plusieurs mois de débats et de tentatives de réglementation et devrait être soumis au Conseil des ministres d’ici la fin de l’année.

En 2011, la chambre basse du Parlement avait adopté à une large majorité une loi présentée par le Parti des droits des animaux (PvdD) qui visait à interdire totalement l’abattage rituel aux Pays-Bas.

Le Sénat a cependant rejeté ce texte fin 2011, arguant que la loi violait le droit à la liberté religieuse. Le gouvernement a cherché alors un compromis entre les différentes parties et un accord préfigurant le décret a été signé en juin 2012 avec les organisations représentant les communautés juive (NIK) et musulmane (CMO) et l’Association des abattoirs et producteurs de viande (VSV).

Pour en savoir plus : voir le texte de l’accord du 5 juin 2012 (Convenant onbedwelmd slachten volgens religieuze riten, en néerlandais)

D 14 novembre 2012   

2009

L’islam dans le débat public
Le parti populaire de Geert Wilders (PVV) et le Parti conservateur libéral (VVD) ont lancé un débat sur les femmes portant la burqa ou le niqab. Ceci est perçu (...)

  • L’islam dans le débat public

Le parti populaire de Geert Wilders (PVV) et le Parti conservateur libéral (VVD) ont lancé un débat sur les femmes portant la burqa ou le niqab. Ceci est perçu comme le signe d’un manque d’intégration (ou même de refus de s’intégrer), humiliant pour les femmes et représentant une menace pour la sécurité dans le domaine public. Tous ces thèmes font partis d’un débat plus large sur l’islam. En 2003, le ministère de l’Éducation a élaboré une ligne directrice facultative sur la tenue vestimentaire, et, en 2005, le Parlement a soutenu une résolution visant à interdire l’usage public de la burqa. Les villes d’Amsterdam et d’Utrecht ont proposé de réduire les avantages sociaux des femmes au chômage qui portent une burqa, parce que cela les rend inemployables dans un pays non musulman.
En 2008, les membres des partis chrétien-démocrate, travailliste et conservateur néerlandais ont voulu suspendre le financement gouvernemental pour les organisations affiliées à l’"imam turc Fethullah Gülen" et suivre de près les activités du mouvement Gülen, réputé pour être radical. Selon le mouvement lui-même, son but est de démontrer la mission universelle de l’islam qui est de servir les gens indépendamment de la foi, de la couleur ou de l’origine nationale.
En février 2009, Geert Wilders a été invité à présenter son film Fitna au Palais de Westminster, mais l’entrée sur le territoire du Royaume-Uni lui a été refusée, car il était considéré comme une menace pour la sécurité publique. Wilders s’est tout de même rendu au Royaume-Uni, mais a été détenu et renvoyé. L’événement a été très critiqué à la fois par les partisans et les opposants de Wilders et par le gouvernement néerlandais. La décision d’interdiction a été annulée et il a pu se rendre au Royaume-Uni à l’automne.
Son film Fitna et ses commentaires anti-islamiques ont amené plusieurs organisations musulmanes, le groupe néerlandais contre la discrimination Les Pays-Bas montrent leurs couleurs et d’autres, à le poursuivre en justice en 2007. Leurs tentatives de le poursuivre au titre de la législation sur les discours appelant à la haine ont échoué en juin 2008. Le ministère public a déclaré que les commentaires de Wilders ont contribué au débat sur l’islam dans la société néerlandaise et avaient été exprimés en dehors du parlement. "Que les commentaires soient blessants et offensants pour un grand nombre de musulmans ne veut pas dire qu’ils méritent d’être punis. La liberté d’expression joue un rôle essentiel dans le débat public dans une société démocratique. Cela signifie que des commentaires offensants peuvent être exprimés dans un débat politique." La décision de ne pas poursuivre a été annulée en janvier 2009. Les juges ont alors argumenté que "dans un système démocratique, les discours de haine sont considérés comme si grave qu’il est dans l’intérêt général de (…) tracer une ligne claire" et que "le tribunal estime également appropriées des poursuites pénales pour avoir insulté les fidèles musulmans, suite aux comparaisons faites par Wilders entre l’islam et le nazisme".
Après les discussions liées au Royaume-Uni, un autre débat a été lancé en juin 2009 sur la présence de tribunaux islamiques aux Pays-Bas. Après qu’une émission de télévision néerlandaise a rapporté que la charia était également appliquée aux Pays-Bas, par exemple en ce qui concerne les mariages non officiels, plusieurs hommes politiques et leaders d’opinion ont abordé la question et ont plaidé pour une tolérance zéro en ce qui concerne la prise en compte des "tribunaux de la charia". L’Université de Leyde et l’Université Radboud de Nimègue ont effectué des études pour évaluer leur poids et, le cas échéant, les pratiques d’arbitrage islamique. Toujours en 2009, une étude a été menée sur les mariages musulmans non officiels. Des chiffres fiables sur la part de ces mariages n’ont pas pu être donnés, même si une augmentation a été observée. Selon ce rapport, elle est liée à une religiosité et un fondamentalisme accrus, mais aussi à une tendance générale de déstructuration des relations. Les personnes interrogées lors de l’étude indiquent très clairement que le mariage musulman dans une mosquée en présence d’un imam est en baisse.
Les musulmans de deuxième génération, maroco-néerlandais et hautement qualifiés, s’inquiètent de la perception que les Néerlandais de souche ont de l’islam. Davantage que les musulmans turco-néerlandais, les musulmans maroco-néerlandais affirment que les Néerlandais de souche ont une idée trop négative de l’islam et manquent de respect envers la culture islamique. Cela signifie que, en particulier chez les musulmans maroco-néerlandais, la partie la plus intégrée du groupe a une perception négative de la société néerlandaise, un phénomène qui peut être décrit comme le paradoxe de l’intégration. Il existe cependant aussi des signes qui indiquent que l’attitude négative envers l’islam et les musulmans (et les migrants en général) parmi les Néerlandais de souche est peut-être en train de lentement diminuer. Cette étude montre par ailleurs que, en 2007, un nombre croissant de Néerlandais de souche étaient convaincus que les musulmans avaient plus facilement recours à la violence.
Un autre débat a concerné les aumôniers musulmans récemment nommés dans l’armée néerlandaise. L’imam maroco-néerlandais avait, dans le passé, exprimé des critiques sévères envers le Premier ministre néerlandais et la mission néerlandaise en Afghanistan. On a mis en doute sa loyauté, mais il a reçu le soutien de l’armée, du ministre néerlandais de la Défense et a été malgré tout nommé.
En août 2009, l’Université Erasmus de Rotterdam (EUR) a licencié l’universitaire musulman Tariq Ramadan pour avoir animé une émission sur une chaîne de télévision iranienne, Press TV. La ville de Rotterdam (pour laquelle il travaillait comme conseiller) ainsi que l’Université Erasmus ont démis Ramadan de ses fonctions de "conseiller à l’intégration" et de professeur, affirmant que son programme intitulé "l’Islam et la vie" sur Press TV était "incompatible" avec ses fonctions à Rotterdam et, selon l’EUR, pourrait être considéré comme une approbation du régime iranien. Ramadan avait déjà été critiqué par la presse néerlandaise et par les hommes politiques néerlandais pour avoir exprimé devant le public musulman des avis plus conservateurs qu’en Occident. En particulier, son opinion sur l’homosexualité, révélée par un groupe néerlandais de soutien aux homosexuels, a fait sensation.

D 17 septembre 2009    AMartijn de Koning

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