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École et religion

Laïcité et port de signes religieux à l’école

Loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.
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Loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.

Pour plus d’information sur l’aspect juridique, voir Statut juridique des religions > Dispositions spécifiques > Ecole

Le contexte de cette loi

La Loi dite "sur la laïcité" ou "sur le foulard", votée à une très grande majorité, a suscité en amont et en aval un grand débat public en France, tant sur la place de la religion dans le régime français que sur la place des islams et des musulmans du pays dans la société française. Cette loi, fruit en fait d’un débat débuté à la fin des années 1980 (en pleine affaire Salman Rushdi) a nécessité plusieurs démarches de la part des autorités françaises et doit être comprise dans le cadre d’une mutation générale de la société française, y compris de ses perceptions et auto-perceptions.

En effet, c’est dans les années 1980 que la question du foulard fait irruption sur la scène publique, avec une multiplication, ou du moins avec une visibilité accrue dans l’espace public, de jeunes filles musulmanes couvrant leurs cheveux de différentes manières.

En 1989, deux jeunes filles ont été expulsées d’un Lycée de Creil. Cette affaire a non seulement suscité un débat public en France, mais a de plus nécessité des actions politiques et juridiques - notamment via un avis du Conseil d’État qui a affirmé que cette situation n’était pas conforme au principe de laïcité, mais demandant un traitement au cas par cas (lorsque le port du foulard n’était pas accompagné d’un « prosélytisme perturbant le bon déroulement de l’activité éducative » on pouvait considérer que ce principe n’était pas violé). Cet avis a été suivi d’une circulaire du Ministère de l’Éducation national prévoyant l’ouverture d’une procédure disciplinaire en cas de manquement à ces principes.

En 1993, le nouveau ministre François Bayrou se démarque de son prédécesseur en émettant une circulaire interdisant tout port de signes religieux dans l’enceinte scolaire. Les exclusions prononcées à partir de cette circulaire ont néanmoins toutes été annulées par le Conseil d’État.

Après ces péripéties souvent conjoncturelles, c’est en juillet 2003 qu’une commission a été établie par le Président de la République, la commission Stasi, chargée de préparer les fondements d’une loi renforçant ou réaffirmant le caractère laïque de l’école publique. Cette commission, formée de 20 personnes venues d’horizons divers, a publié un rapport le 11 décembre 2003, après avoir entendu le témoignage des institutions et des acteurs concernés. Ce rapport déclarait que les signes ostentatoires d’appartenance religieuse à l’école violaient le principe de la laïcité. Il incluait parmi ces signes le foulard, mais également la kippa juive, le turban des sikhs ainsi que les grandes croix pour les chrétiens. La commission préconisait une tolérance pour les signes discrets comme l’étoile de David, la Main de Fatima ou des petites croix.

En décembre 2003, le Président de la République décide de prendre en considération une partie des recommandations du "rapport Stasi" pour la rédaction d’une loi courte. C’est chose faite en février 2004 : le 10 février, l’Assemblée nationale vote la Loi encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées public (avec 494 voix pour, 36 contre et 31 abstentions).
L’article 1 de la loi est le suivant : "Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève."

L’application de la loi

Le vote de cette loi a été suivi par un large débat quant à son interprétation et son application. Pendant de longs mois, alors que les tenants d’une application stricte du texte défendaient l’idée d’une interdiction totale de toutes formes de foulards, chez les jeunes filles concernées comme d’ailleurs chez certains responsables nationaux du culte musulman, on espérait obtenir l’autorisation de porter un "bandana". A la rentrée suivante, plusieurs cas se sont présentés : on peut catégoriser en gros en quatre groupes les attitudes concrètes des jeunes filles portant le foulard face à l’application de cette loi. Un premier groupe rassemble celles qui se sont présentées dans les établissement scolaires en enlevant leurs coiffes, un autre celles qui ne se sont pas présentées du tout, un troisième celles qui se sont présentées avec des coiffes "légères" de type bandana, un dernier celles qui se sont présentées sans changement en espérant qu’une négociation était possible.

Dans cette dernière catégorie, les jeunes filles sont par la suite entrées dans une phase de discussion avec la direction de l’établissement, phase qui a duré entre une et trois semaines selon les écoles. Durant cette période, la grande majorité de ces jeunes filles voilées a été accueillie à l’école, mais les jeunes filles n’ont pas été admises dans les salles de cours, ni même parfois dans les cours de récréation. A la fin de cette période de "dialogue" selon les termes de la loi, qui a impliqué, outre la direction de l’école et la jeune fille, les parents d’élève et parfois les médiateurs externes, la jeune fille était sommée de prendre une décision avant que ne soit entamée la procédure disciplinaire. Cette période de dialogue semble avoir été payante : des dizaines de jeunes filles ont consenti à enlever leur foulard au bout de cette période. Il arrive souvent que, de son côté, l’école accepte d’accueillir les jeunes filles voilées dans l’établissement et permette qu’elles enlèvent leur foulard dans une pièce discrète, parfois les toilettes ; le même rituel se répète à la sortie de cours.
Il est difficile de donner des estimations chiffrées concernant l’application de la loi tant les résultats varient selon les associations, les rectorats et les établissements et tant ces chiffres sont par nature incomplets dans la mesure où les filles déscolarisées "volontairement" (qu’elles restent à la maison et suivent un enseignement à distance, qu’elles soient scolarisées dans les écoles privées françaises ou dans les écoles des pays frontaliers - Belgique, Allemagne - ou qu’elles soient tout simplement envoyées au pays d’origine, notamment la Turquie) ne peuvent être quantifiées précisément pour le moment.
Selon les chiffres non officiels, sur 12 millions d’élèves de l’éducation nationale, seules 240 jeunes filles se sont présentées avec un foulard à la rentrée 2004. 170 ont accepté d’enlever leur foulard immédiatement et il y a eu 70 procédures de dialogue. Selon François Fillon, Ministre de l’éducation nationale de l’époque, à la fin du premier semestre 48 élèves avaient été expulsés des écoles à cette date.
Les chiffres communiqués à Cécile Boutelet par le « Comité 15 mars et Liberté » (une organisation créée pour la défense des jeunes filles voilées) sont un peu plus détaillés, mais ils restent sujets à caution. Selon ces données, la rentrée 2004/2005 se présentait comme suit sur le plan national – mais ces chiffres manquent de clarté et de précision.

Filles musulmanes exclues après conseil de discipline 47
Garçons sikhs exclus après conseil de discipline 3
Filles musulmanes ayant accepté d’enlever leur foulard 533
Filles musulmanes déscolarisées et qui ne se sont pas présentées à la rentrée  ?
Filles musulmanes scolarisées à l’étranger (estimation) 67
Filles musulmanes scolarisées dans le privé 3
Filles musulmanes ayant choisi de suivre l’enseignement à distance (CNED) 26
Filles musulmanes scolarisées dans le public avec un foulard discret (estimation) 12

Le cas particulier de l’Alsace

Parmi les régions de France où les cas d’opposition à la loi ont été les plus nombreux, on compte l’Alsace. Cette région a un certain nombre de particularités, dont notamment un statut particulier des cultes, une concentration importante de musulmans avec un taux élevé des Turcs. Ainsi, c’est dans cette région que la mobilisation a été la plus visible ; selon Cécile Boutelet, quatre types de stratégies ont été mis en œuvre :
 une mobilisation de type communautaire, où les musulmans s’organisent entre eux pour défendre ce qu’ils considèrent comme un des préceptes de l’islam
 une mobilisation plutôt intellectuelle, où on a pu observer l’émergence d’intellectuelles musulmanes, en dehors des structures ; ces femmes donnent l’impression d’être affranchies de la tutelle de la communauté aussi bien que de celle des hommes de leur famille
 une mobilisation mixte inédite, où les organisations non-musulmanes des droits de l’homme (souvent de tendance de gauche et parfois athée) se lient aux groupes musulmans pour une défense des libertés individuelles
 des stratégies plutôt individuelles et parfois médiatiques.

Pour en savoir plus sur la question du foulard à l’école, vous pouvez consulter une bibliographie.

Pour plus de détails sur les modes de contestation de la loi de 2004, voir le mémoire de Cécile Boutelet, "La cause des filles voilées à Strasbourg", IEP de Strasbourg, juin 2005.

D 26 septembre 2012    ASamim Akgönül

Enseignement supérieur

Concernant la place des religions dans l’enseignement supérieur, voir la rubrique Enseignement et recherche.

Concernant la place des religions dans l’enseignement supérieur, voir la rubrique Enseignement et recherche.

D 28 janvier 2016   

Le poids de l’Église catholique dans l’enseignement confessionnel

L’Eglise catholique gère en France 8 719 école, soit près de deux millions d’élèves : en 2004-2005, 1 984 729 élèves (837 505 dans le primaire, 1 096 650 dans le secondaire et 50 574 dans (...)

L’Eglise catholique gère en France 8 719 école, soit près de deux millions d’élèves : en 2004-2005, 1 984 729 élèves (837 505 dans le primaire, 1 096 650 dans le secondaire et 50 574 dans l’enseignement agricole) étaient scolarisés dans des établissements catholiques en métropole. Pour ce qui est de l’enseignement supérieur, 35 000 étudiants fréquentent les universités et instituts supérieurs gérés par l’Eglise catholique.
Pour ce qui est du protestantisme, il existe six établissements protestants sous contrat : école et collège Lucie Berger (850 élèves), collège et lycée Jean Sturm (1 050 élèves) à Strasbourg ; Collège cévenol au Chambon-sur-Lignon (270 élèves), collège Bernard Palissy à Boissy Saint Léger (300 élèves), école primaire Marie Durand à Nîmes (200 élèves) et école primaire protestante d’Endoume à Marseille (90 élèves). 18 établissements privés évangéliques hors contrat regroupent 800 élèves en tout.

Source : Réforme n° 3256, 24-30 janvier 2008

Il y a environ 40 écoles primaires musulmanes en France, la plupart étant des établissements privés ne bénéficiant pas d’un soutien financier de l’Etat. Elles rassemblent environ 2 000 élèves. 80% de ces élèves sont en région parisienne région de Versailles (1 443 élèves) et de Créteil (611), ou à Lyon (802) ou Lille (727).
5 établissements d’enseignement secondaire ont signé un contrat avec l’Etat (Collège Averoès à Lille, Al-Kindi près de Lyon, Ibn Khaldun à Marseille, Education et savoir à Vitry-sur-Seine près de Paris). 4 autres établissements secondaires existent, mais sans contrat.
En tout, entre 4 et 5 000 élèves sont scolarisés dans des établissements musulmans.

Source : Anne-Laure Zwilling, "France", in Oliver Scharbrodt, Samim Akgönül, Ahmet Alibašić, Jørgen S. Nielsen et Egdūnas Račius (dir.), Yearbook of Muslims in Europe volume 10. Leiden : Brill, 2018 à paraître.

Il existe environ une centaine d’établissements scolaires de tailles variables rattachés au judaïsme, une partie d’entre eux sont des jardins d’enfants (écoles maternelles).
Le plus ancien, et le plus grand (1200 élèves) est Lucien-de-Hirsch, ouvert à Paris en 1901. 76 % des établissements d’enseignement juif ont signé un contrat avec l’Etat ; ils rassemblent environ 32 000 élèves.

Source : Annuaire de la communauté juive, 2018.

L’enseignement privé hors contrat regroupait 74 000 élèves à la rentrée 2017, ce qui ne représente qu’une part très limitée des 12 millions d’élèves du pays. Cette part est en forte progression, qu’il s’agisse du nombre d’élèves ou du nombre d’établissements : 150 ouvertures en 2017, contre une trentaine par an il y a encore 5 ans.

Source : Plan national de prévention de la radicalisation, février 2018.

D 24 juillet 2018    AAnne-Laure Zwilling

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