Parcours historique
L’organisation de l’Église de Grèce
Le territoire grec est divisé en 5 juridictions ecclésiastiques distinctes : a) l’Église autocéphale de Grèce (les métropoles de Grèce centrale, le Péloponnèse, les îles Cyclades, les îles (...)
Le territoire grec est divisé en 5 juridictions ecclésiastiques distinctes : a) l’Église autocéphale de Grèce (les métropoles de Grèce centrale, le Péloponnèse, les îles Cyclades, les îles Ioniennes et Thessalie) ; l’Église dite des « Nouvelles Terres » (les métropoles en Macédoine, l’Epire et la Thrace) qui est sous la juridiction de l’Église de Grèce mais dépend de l’autorité du Patriarche œcuménique d’un point de vue spirituel ; c) l’Église des îles du Dodécanèse qui est entièrement sous la juridiction due Patriarche œcuménique ; d) l’Église semi-autonome de Crète ; et e) la communauté monastique autonome du mont Athos.
Novembre 2013
D 21 septembre 2013 AKonstantinos Papastathis
L’indépendance de l’Église orthodoxe de Grèce
L’indépendance de l’Église de Grèce à l’égard du Patriarcat de Constantinople est déclarée en 1833 par Georg Ludwig von Maurer, le régent du royaume grec nouvellement fondé, et ce contrairement (...)
L’indépendance de l’Église de Grèce à l’égard du Patriarcat de Constantinople est déclarée en 1833 par Georg Ludwig von Maurer, le régent du royaume grec nouvellement fondé, et ce contrairement à la tradition canonique orthodoxe. Theoclitos Pharmakides, intellectuel et figure majeure de l’Église, lui apporte sa coopération. L’idéologie moderniste du nationalisme constitue le contexte de la création de l’Église orthodoxe grecque : chaque État-nation doit avoir sa propre Église nationale et indépendante vis-à-vis du contrôle administratif de toute autre institution pouvant être sous l’influence d’un pouvoir étranger. D’un point de vue politique réaliste, cette décision est considérée comme inévitable afin d’empêcher celui perçu comme l’« ennemi » ottoman de s’ingérer dans les affaires intérieures du pays par le biais du Patriarcat œcuménique. Tenant compte, aussi bien du fort capital symbolique de la religion dans la conscience collective que de son rôle spécifique dans le fonctionnement politique, le gouvernement ne peut risquer de ne pas avoir un contrôle total des affaires ecclésiastiques du pays. La nouvelle institution ecclésiastique est considérée comme schismatique car créée sans l’indispensable approbation canonique du Patriarche œcuménique, l’autorité ecclésiastique légitime, sous la juridiction de laquelle elle a toujours fonctionné. Leur communion prend ainsi fin. Les relations entre les deux Églises ont été rétablies 17 ans plus tard, lorsque la reconnaissance officielle de l’Église orthodoxe de Grèce en tant qu’Église autocéphale a eu lieu par le biais du document patriarcal et synodique de 1850.
D 13 juin 2024 AAlexandros Sakellariou AKonstantinos Papastathis
Événements majeurs des relations Église-État après 1974
1979 : introduction par l’État du divorce "automatique" malgré le désaccord profond de l’Église orthodoxe exprimé par des déclarations officielles et des lettres encycliques. 1982 : (...)
1979 : introduction par l’État du divorce "automatique" malgré le désaccord profond de l’Église orthodoxe exprimé par des déclarations officielles et des lettres encycliques.
1982 : Reconnaissance juridique du mariage civil au même titre que le mariage religieux, malgré les réactions massives de l’Église orthodoxe par le biais de déclarations officielles et de lettres encycliques.
1987 : Le projet de loi relatif à l’expropriation partielle des biens immobiliers monastiques ainsi que les innovations proposées concernant l’administration interne et le système judiciaire de l’Église déclenchent une crise majeure entre l’État et l’Église orthodoxe. Cette crise se termine aux dépens du gouvernement qui doit retirer les projets de lois concernés et ne peut les mettre en œuvre sous la menace du coût politique. Après le recul du gouvernement, le ministre de l’Éducation et des Affaires religieuses a été contraint de démissionner.
1992 : La Cour européenne des droits de l’homme condamne la Grèce pour violation du droit à la liberté religieuse dans un cas d’emprisonnement de trois témoins de Jéhovah. Depuis lors, la Grèce a été condamnée pour un certain nombre de violations de la liberté religieuse, ce qui la place en tête de liste des pays de l’UE concernés par la Cour.
1998 : L’élection du métropolite Christodoulos comme archevêque de l’Église orthodoxe a marqué un tournant "fondamentaliste" dans l’histoire contemporaine de l’Église. Le nationalisme, le populisme et le rigorisme ont été les éléments essentiels du discours religieux durant la décennie de son mandat.
2000-2001 : La crise dite des "cartes d’identité". Les origines de la tension remontent à 1992-93, lorsque le gouvernement a pris l’initiative d’inclure l’appartenance religieuse sur les cartes d’identité, à titre facultatif. Suite aux réactions du Saint-Synode, cette initiative a été retirée. En 2000, le gouvernement a décidé, sur la base d’une directive européenne relative à la protection des données personnelles, de supprimer l’appartenance religieuse des cartes d’identité grecques, ce qui a de nouveau provoqué une très vive réaction de l’Église. L’archevêque Christodoulos et le Saint-Synode ont réagi vigoureusement en organisant une campagne de collecte de signatures appelant à un référendum et deux grands rassemblements à Athènes et à Thessalonique auxquels ont participé des millions de personnes, exigeant au moins l’inclusion facultative de la religion sur les cartes d’identité. Le gouvernement a persisté et le président de la République a confirmé que, conformément à la Constitution grecque et à la législation européenne, il n’était pas possible d’organiser un référendum ou d’inclure l’appartenance religieuse dans les cartes d’identité. C’est l’un des rares cas où l’État a réussi à imposer sa décision politique à l’Église orthodoxe, malgré les vives réactions.
2005 : Un certain nombre de scandales financiers, sexuels et judiciaires ont affecté de manière très négative l’image publique de l’archevêque Christodoulos et de l’Église orthodoxe.
2008 : élection de l’archevêque Hieronymus. Le discours public de l’Église est devenu moins politisé, plus conciliant et avec des interventions limitées sur les questions de relations internationales.
2018 : Un accord a été annoncé entre le Premier ministre Alexis Tsipras et l’archevêque Hieronymus, en vue d’un nouveau type de relations plus "laïques" entre l’Église et l’État. Cependant, il a été rejeté par le Saint-Synode de l’Église orthodoxe et les organisations de prêtres de rang inférieur, et n’a jamais été mis en œuvre.
2020-2021 : Au début de la pandémie de Covid-19, l’Église orthodoxe s’est montrée réticente à fermer toutes les églises et le gouvernement a dû imposer strictement leur fermeture. Bien que la collaboration entre l’État et l’Église ait globalement prévalu pendant la pandémie, l’Église, par l’intermédiaire du Saint-Synode ou de métropolites et de prêtres individuels, a dans plusieurs cas désobéi aux mesures gouvernementales, ouvert les temples et pratiqué des rituels, ce qui a suscité des débats animés dans la sphère publique.
2024 : Le 15 février, le Parlement grec a adopté une nouvelle loi visant à introduire le mariage civil pour les couples de même sexe. L’initiative du gouvernement en faveur du mariage civil a suscité de vives réactions de la part de l’Église orthodoxe de Grèce : lettres encycliques, lettres aux députés, discours dans les églises et les médias contre la loi et les députés qui l’ont votée, décision de célébrer le dimanche de l’orthodoxie (commémoration annuelle de la restauration des saintes icônes contre ceux qui refusaient de les honorer sous l’Empire byzantin) à l’écart des autorités politiques et de ne pas assister au dîner habituel offert par le président de la République ce jour-là.
D 13 juin 2024 AAlexandros Sakellariou AKonstantinos Papastathis
Le statut de l’Église orthodoxe de Grèce
L’Église orthodoxe de Grèce est établie par l’État avec le statut de personne morale de droit public. A partir de là, les relations entre l’État et l’Église sont généralement régies par le (...)
L’Église orthodoxe de Grèce est établie par l’État avec le statut de personne morale de droit public. A partir de là, les relations entre l’État et l’Église sont généralement régies par le système dit de « régime de lois d’état » selon lequel l’Église possède le statut d’un organisme d’état. L’ordonnance de 1833 stipule que le roi est le chef administratif de l’Église. Le roi Othon est notamment le chef suprême de l’Église et dispose du pouvoir de nommer l’intégralité des membres de son synode. En outre, toutes les décisions synodales doivent être approuvées par lui sans quoi elles sont considérées comme nulles et non avenues. La subordination de l’Église à l’État aboutit à l’identification « institutionnelle » des deux sphères. D’un autre côté, cette interaction donne à l’Église l’opportunité de reproduire son pouvoir social et d’échapper, au moins partiellement, aux effets du processus de sécularisation.
Les caractéristique principales, le « type idéal » du système de « régime de lois d’état », dont différentes formes sont en vigueur en Grèce encore aujourd’hui, sont en principe les suivantes : a) l’État est le décisionnaire final s’agissant des affaires religieuses. L’Église étant typiquement subordonnée au pouvoir politique, les deux sphères ne sont pas sur un pied d’égalité ; b) le christianisme orthodoxe est reconnu en Grèce comme la religion « dominante » de l’État, c’est à dire la religion officielle ; c) l’Église est une personne morale de droit public ; d) l’Église orthodoxe bénéficie d’une position juridique et financière privilégiée par rapport aux autres cultes ; et e) cependant, l’État garantit le droit à la liberté de religion à l’ensemble de ses citoyens.
Après la création de l’État grec en 1830, l’Église orthodoxe s’est proclamée Église nationale en 1833, s’alignant étroitement sur le cadre idéologique de l’État et renforçant l’identité nationale. Il en est résulté une relation symbiotique entre l’Église orthodoxe et l’État grec, caractérisée par une collaboration et un conflit minimal. L’État considérait l’Église comme la "mère de la nation", tandis que l’Église soutenait les politiques nationales et l’idéologie de l’État, y compris les efforts de guerre et la promotion de l’helléno-christianisme.
Tout au long du XXe siècle, en particulier avec la montée des idéologies socialistes et communistes dans la société grecque, l’Église a joué un rôle de plus en plus vital en tant que rempart contre le communisme. Elle a joué un rôle clé dans la formation et la perpétuation de l’idéologie de l’helléno-christianisme ou de l’helléno-orthodoxie, qui fusionne les identités grecque ancienne, byzantine et moderne. Cette idéologie affirme l’unicité de la nation grecque, divinement bénie, en mettant l’accent sur la continuité historique et biologique. Elle propage l’idée que la véritable identité grecque nécessite l’adhésion à l’orthodoxie, mêlant ainsi religion et nationalisme.
Le discours de l’Église critique souvent les valeurs occidentales telles que les idéaux des Lumières, la modernité, l’individualisme et les droits de l’homme, tout en exaltant les vertus de l’Orient, en particulier de l’Empire byzantin et du christianisme orthodoxe.
L’article 3 de la Constitution (1975, révisée en 2019) désigne l’orthodoxie orientale comme la religion dominante en Grèce, soulignant son unité doctrinale avec la Grande Église du Christ de Constantinople et d’autres Églises adhérant aux mêmes croyances. En outre, le Parlement grec détient l’autorité législative sur les questions religieuses (article 72, paragraphe 1). Les détails des relations entre l’État et l’Église sont décrits dans la loi 590/1977 (Journal officiel du gouvernement A’ 146), qui prévoit la coopération entre l’Église et l’État sur des questions d’intérêt mutuel, notamment l’éducation des jeunes, les services religieux militaires, le soutien au mariage et à la famille, la préservation des reliques et des monuments religieux, l’instauration de nouvelles fêtes religieuses et la protection contre les insultes à caractère religieux.
Malgré la baisse du nombre de fidèles et de la confiance du public au cours des dernières décennies, l’Église orthodoxe continue d’influencer les normes sociétales et le discours politique, conservant ainsi un rôle important dans la société grecque.
D 14 juin 2024 AAlexandros Sakellariou AKonstantinos Papastathis