Cadre juridique
Un système de coordination des entités religieuses
La Constitution de Chypre de 1960 n’a pas créé de nouveau régime légal pour les différentes religions de Chypre. Elle conserve les dispositions de la loi ottomane, particulièrement celles du Hatt-i Hümayun (décret impérial), quant à la mise en œuvre de la loi religieuse de chaque communauté religieuse et groupe religieux en matière de : 1) institutions du droit de la famille et 2) jugement des litiges de droit familial par les tribunaux religieux appropriés. Cette compétence est toutefois soumise aux dispositions de la Constitution. Aucune disposition issue de la loi religieuse ne peut être mise en œuvre si elle entre en contradiction avec la Constitution.
L’Etat n’est pas confessionnel. En conséquence, toutes les religions et confessions à Chypre s’occupent uniquement de leurs affaires propres, sans intervenir en quoi que ce soit dans les affaires de l’Etat. Lorsqu’ils prennent leurs fonctions, les fonctionnaires de l’Etat ne sont pas assermentés, mais ils affirment avoir foi en la Constitution et dans les lois qui en découlent, en la préservation de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de la République de Chypre, et affirment aussi respecter ces lois, conformément aux articles 42, §1, 59, § 4, 69 et 100 de la Constitution. Il n’est pas interdit aux fonctionnaires religieux d’être élus ou nommés à des postes politiques ou publics.
Selon l’article 110 § 1 de la Constitution, l’Eglise grecque orthodoxe autocéphale de Chypre conserve le droit exclusif de réguler et d’administrer ses propres affaires internes et ses biens, conformément aux Saints Canons et à la Charte en vigueur actuellement. Le Parlement ne doit pas agir en contradiction avec ce droit de l’Eglise orthodoxe. Ce droit exclusif de réguler et d’administrer ses propres affaires et ses biens est également reconnu par l’article 110 § 3 de la Constitution, concernant les trois "groupes religieux" de la République.
Un "groupe religieux", tel que l’entend l’article 2 § 3 de la Constitution, est un groupe de personnes, résidant ordinairement à Chypre, professant la même religion, observant le même rite ou relevant de la même juridiction. Les effectifs d’un tel groupe, à l’entrée en vigueur de cette Constitution, devaient dépasser le millier de personnes, dont au moins cinq cents devenaient à cette date citoyens de la République. Il convient de remarquer que de tels groupes religieux ne furent formés qu’une seule fois ; il est désormais impossible à un confession d’être reconnue en tant que groupe religieux, pas plus qu’il n’est possible de retirer ses statuts constitutionnels à l’un de ces trois groupes religieux. Ces groupes religieux sont les arméniens, les maronites et les latins (catholiques romains), qui choisirent en tant que groupe d’appartenir à la communauté grecque et résident actuellement sur les territoires non occupés.
L’article 110 § 2 de la Constitution prévoit également que toute question liée ou pouvant affecter d’une quelconque manière l’établissement ou la fondation d’un Vakf (fondation religieuse), ou la propriété d’un vakf - y compris les biens appartenant aux mosquées et à toute autre institution musulmane - doit être gérée exclusivement conformément aux lois et aux principes des Vakfs (ahkamul evkaf) et aux lois et règlementations promulguées ou instituées par la Chambre de la communauté turque. Aucun autre acte législatif, exécutif ou autre ne doit contredire, outrepasser ou contrarier ni les lois et principes des Vakfs, ni les lois et règlementations de la Chambre de la communauté turque.
On peut donc considérer qu’il n’existe à Chypre aucune Eglise dominante, officielle ou établie. Toutefois les cinq religions principales de la République, les chrétiens orthodoxes, les musulmans, les maronites, les arméniens et les catholiques romains bénéficient d’un statut constitutionnel particulier. L’Etat leur reconnaît des pouvoirs discrétionnaires étendus et n’a pas le droit d’intervenir dans leurs affaires internes.
Les autres religions et croyances, tels que les juifs, les témoins de Jéhovah, les chrétiens orthodoxes fidèles à l’ancien calendrier, bénéficient d’une liberté religieuse mais ne sont pas considérés comme des "groupes religieux" au sens où l’entend la Constitution. Ces religions sont égales devant la loi et aucun acte législatif, exécutif ou administratif ne peut introduire de discrimination à leur encontre ; toutefois, elles ne bénéficient pas du statut constitutionnel spécifique des cinq religions principales de l’île, c’est-à-dire qu’elles ne bénéficient pas des dispositions de la Constitution reconnaissant à ces groupes des pouvoirs discrétionnaires étendus en ce qui concerne leurs affaires internes, les affaires familiales et les affaires concernant la communauté.
Lorsque se posent des questions d’intérêt général (éducation religieuse, affaires familiales, etc.), l’Etat et les communautés religieuses débattent sur un pied d’égalité.
12 septembre 2012