Biodroit et sphère de l’intime
Religion et questions éthiques
L’un des sujets les plus controversés en Espagne concernant la religion et les questions éthiques a été l’implication des institutions et des acteurs catholiques dans les débats sur (...)
L’un des sujets les plus controversés en Espagne concernant la religion et les questions éthiques a été l’implication des institutions et des acteurs catholiques dans les débats sur l’avortement.
Depuis 1985, l’avortement est dépénalisé en Espagne dans trois circonstances spécifiques : (1) cas de viol, (2) risque pour la santé physique ou mentale de la mère et (3) malformation du fœtus. L’avortement a été plus ouvertement autorisé en Espagne en 2010 lorsque la loi sur la santé sexuelle et reproductive a été approuvée. Les articles 13 et 14 autorisent l’avortement avant 14 semaines, en accordant aux femmes l’autonomie nécessaire pour prendre des décisions éclairées et accéder aux services nécessaires. Pendant cette période, les femmes peuvent décider librement et obtenir toutes les informations et les services dont elles ont besoin. En 2023, des amendements ont été apportés à cette loi, permettant notamment aux jeunes filles de plus de 16 ans d’interrompre leur grossesse sans autorisation parentale.
Malgré les avancées en matière de droits des femmes, les groupes religieux opposés à l’avortement ont rejeté avec véhémence ces changements juridiques. De nombreuses manifestations ont eu lieu devant les cliniques, où des militants anti-avortement confrontent les femmes à des images explicites, des modèles de fœtus et des messages anti-avortement, cherchant à les dissuader d’aller au bout de leur décision. Un rapport de 2018 d’une association de cliniques a révélé que 89 % des femmes cherchant des services ont été harcelées, 69 % d’entre elles se sentant menacées.
En réponse à ce harcèlement, une nouvelle loi a été promulguée en 2022. Cette loi prévoit des sanctions, notamment des peines d’emprisonnement allant de 3 mois à 1 an ou des travaux d’intérêt général, pour les personnes qui entravent l’accès des femmes à l’avortement ou qui les harcèlent devant les cliniques. La même peine s’applique également aux personnes qui harcèlent les professionnels de la santé employés dans ces cliniques.
Un autre sujet controversé et récent en Espagne est celui de l’euthanasie.
L’euthanasie a été rendue légale en décembre 2020 (Ley Orgánica de regulación de la eutanasia, loi autorisant l’euthanasie). Selon la loi, pour bénéficier d’une aide à mourir, la personne doit remplir toutes les conditions suivantes :
– Avoir la nationalité espagnole ou résider légalement en Espagne ou disposer d’un certificat d’enregistrement prouvant un séjour de plus de douze mois sur le territoire espagnol, être majeur et être mentalement capable et conscient au moment de la demande.
– Disposer par écrit des informations disponibles sur le processus médical, les différentes alternatives et les lignes de conduite.
– Avoir fait deux demandes volontairement, soit par écrit, soit par un autre moyen pouvant servir de preuve, et qui ne résultent d’aucune pression extérieure.
– Souffrir d’une maladie grave et incurable ou d’une affection grave, chronique et invalidante.
– Donner son consentement préalable et éclairé pour bénéficier d’une aide à mourir. Ce consentement sera intégré au dossier médical du patient.
Comme pour le débat sur l’avortement, des groupes conservateurs et religieux ont organisé des manifestations en faveur de la vie.
Pour en savoir plus : Martín, Joseba García, and Ignacia Perugorría. "El campo antiderechos español frente a la Ley de Eutanasia. Repertorio movilizacional y trabajo identitario (2018-21)." Revista Internacional de Sociología 81.4 (2023) : e238-e238.
D 21 février 2024 ARosa Martínez-Cuadros
Circoncision
Contrairement à d’autres questions controversées telles que l’inclusion d’aliments halal dans les écoles ou l’utilisation du hijab, la question de la circoncision n’a pas fait l’objet d’un débat (...)
Contrairement à d’autres questions controversées telles que l’inclusion d’aliments halal dans les écoles ou l’utilisation du hijab, la question de la circoncision n’a pas fait l’objet d’un débat public en Espagne. En outre, il existe une ambiguïté dans la manière dont cette question est traitée, à la fois sur le plan juridique et sur le plan pratique.
La circoncision fondée sur des motifs culturels ou religieux n’est pas incluse dans les services du système de santé public espagnol. Une étude a montré que de nombreuses circoncisions sont effectuées dans le pays d’origine des parents de l’enfant, en particulier ceux de la région du Maghreb. Toutefois, cela ne signifie pas que, dans la pratique, aucune circoncision religieuse n’est pratiquée dans les établissements publics. Une enquête menée auprès d’hôpitaux publics espagnols comprenant un service de chirurgie pédiatrique a montré que l’application de ce critère n’est pas homogène et que tous les chirurgiens pédiatriques ne sont pas conscients de ce motif possible. Environ 25 % des personnes interrogées ont indiqué qu’elles pratiquaient des circoncisions pour des raisons religieuses et 40 % d’entre elles ont indiqué qu’elles le faisaient pour éviter que la circoncision ne soit pratiquée ailleurs dans des conditions d’hygiène insuffisantes.
La loi organique 11/2003 relative aux mesures concernant la sécurité des citoyens, la violence domestique et l’intégration des étrangers a modifié l’article 149.2 du Code pénal et établit que les mutilations génitales sont punies d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 12 ans. Toutefois, dans la pratique, cette disposition n’est appliquée qu’en cas de mutilation génitale féminine et non en cas de circoncision masculine.
Les quelques documents politiques qui traitent de la religion et de la santé n’abordent pas non plus cette question. Les lignes directrices catalanes pour la gestion de la diversité religieuse dans les hôpitaux (2011) ne mentionnent pas la circoncision. Seule une brève référence est faite au rôle potentiel que les rabbins peuvent jouer dans la pratique de la circoncision.
Les cliniques privées offrent des informations sur la circoncision car elles proposent ce service pour prévenir les infections ou en cas de phimosis. Cependant, il n’y a pas d’information spécifique sur ce service lorsqu’il s’agit de cas basés sur des raisons religieuses ou culturelles.
D 14 mars 2024 AJulia Martínez-Ariño ARosa Martínez-Cuadros