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Le franquisme, du retour du national-catholicisme à l’assouplissement des dernières années

La période franquiste est régie par l’ensemble des Lois Fondamentales, édictées de 1938 à 1968, dont la Charte des Espagnols, Fuero de los Españoles, promulguée le 18 juillet 1945, qui énonce dans son article 6 :

"La profession et la pratique de la religion catholique, qui est celle de l’Etat espagnol, jouira de la protection officielle. Personne ne sera inquiété pour ses croyances religieuses ni dans l’exercice privé de son culte. Il ne sera permis aucune autre cérémonie ou manifestation extérieure que celle de la religion catholique".

Cet article va trouver place dans le Concordat du 27 août 1953 entre l’Espagne et le Saint-Siège, dont le but, clairement défini dans son Préambule, est, en reprenant les accords antérieurs et en les complétant, de constituer la norme des relations réciproques des parties contractantes, en conformité avec la loi de Dieu, et la tradition catholique de la nation espagnole. Selon le premier article, « la religion catholique, apostolique et romaine continue d’être la seule de la nation espagnole et jouira des droits et prérogatives qui lui reviennent en conformité avec la loi divine et le droit canonique. » Le texte accorde en outre de nombreux privilèges à l’Eglise catholique et à ses membres, ou les confirme, tels qu’un statut particulier pour les membres du clergé ou une aide financière de l’Etat aux différentes institutions ecclésiastiques. Enfin, il reconnaît au chef de l’Etat espagnol le maintien du droit de présentation des évêques.
Dès 1936, de nombreuses mesures juridiques avaient d’ailleurs été prises dans le but d’annuler les réformes laïcisantes de la période républicaine. La loi du 23 septembre 1939 abroge le divorce. L’ordonnance du 10 mars 1941 confirme l’obligation de fait du mariage religieux, en contraignant les couples qui souhaitent y échapper à établir la preuve difficile de leur non-appartenance au catholicisme. Sur le plan scolaire également, divers textes sont promulgués entre 1936 et 1943, rendant l’enseignement religieux à nouveau obligatoire dans les écoles publiques, rétablissant les subventions à l’enseignement confessionnel et accordant à l’Eglise un droit de contrôle sur l’ensemble du système d’éducation.
En 1967, avec le vote de la Loi sur la Liberté Religieuse, un infléchissement a lieu par rapport à toute l’attitude précédente qui niait la présence sur le territoire de minorités religieuses acculées à la pratique clandestine et à la non existence sociale. Préparée depuis 1964, elle répond au nouvel état du sentiment religieux dont témoigne notamment le Concile Vatican II, et vise à mettre en concordance avec ses décisions la législation espagnole. Le texte se réfère en effet à la loi du 17 mai 1956 en vertu de laquelle celle-ci doit s’inspirer de la doctrine de l’Eglise catholique. Or, le traitement de la liberté religieuse est un des trois domaines qui, dans le Concordat de 1953, sont traités de manière non conforme au Concile : son article 1, en effet, ferme toute possibilité de statut juridique en Espagne à toutes les confessions non catholiques .
La loi est votée par les Cortes le 28 juin, et publiée le 1er juillet 1967, après avoir reçu un avis favorable du Saint-Siège. Elle introduit certaines modifications, mais ne remet néanmoins pas en cause la position du catholicisme comme seule religion imposée socialement. L’exercice du droit à la liberté religieuse, « conçue selon la doctrine catholique », qui permet la célébration de cultes publics autres, doit être compatible avec la confessionnalité de l’Etat espagnol, proclamée dans ses Lois Fondamentales. Le texte spécifie que les croyances religieuses ne sont pas un motif d’inégalité devant la loi, et permet le mariage civil aux non catholiques, mais sous réserve de la démonstration de leur non-catholicité. Il prévoit enfin la reconnaissance légale des confessions non catholiques par le biais de la formation d’associations religieuses déclarées, consacrant ainsi une dualité de régime, une norme pour l’Eglise catholique, qui continue de bénéficier d’une situation préférentielle, et une norme de soumission au droit privé interne pour les autres confessions, qui entérine en outre l’intervention de l’Etat dans leurs statuts internes.
En revanche, d’un point de vue plus concret, entre la fin des années 1950 et la mort de Franco, on assiste à quelques évolutions. Ainsi, malgré une situation culturelle peu favorable, le mouvement de retour en Espagne des séfardis va s’accroître et perdurer. Ceci est particulièrement dû à la détérioration de la situation politique en territoire d’islam et en Amérique Latine, générant de nombreux exils.
En outre, certaines tentatives de reconnaissance officielle vont trouver écho. La communauté juive de Madrid obtient en 1965 la reconnaissance comme association privée. Ce sera, peu après, le cas pour la Fédération des Communautés de Madrid, Barcelone, Ceuta et Melilla, qui deviendra la Fédération Séfardi d’Espagne. Cette évolution est liée à l’évolution de l’Eglise catholique universelle, mais aussi à l’orientation non prosélyte des communautés juives qui contraste avec, par exemple, celle des Eglises protestantes. Elles suscitent, de ce fait, moins d’hostilité de la part de la hiérarchie et du clergé catholique.

D 13 septembre 2012    AClaude Proeschel

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