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La IIe République et la Guerre Civile

Le 14 avril 1931, la IIe République est proclamée, qui va voir la mise en place d’une nouvelle Constitution.
Son article 26 prévoit l’extinction du budget des cultes et ordonne la dissolution des congrégations religieuses liées au pape par un voeu d’obéissance (les jésuites en particulier), menaçant d’étendre cette mesure à tous les ordres susceptibles d’être considérés comme dangereux pour la sécurité de l’Etat. Par ailleurs, il soumet les confessions religieuses, dont l’Eglise catholique, à une future loi spéciale sur les associations cultuelles.
Il pose donc la séparation, et a, en ce sens, valeur de symbole pour la gauche arrivée au pouvoir, pour qui une laïcisation à la française constitue une des bases fondamentales de la démocratie, à la fois jacobine et sociale.
Mais son adoption brutale fut une maladresse politique grave, dans la mesure où elle apparut aux yeux des catholiques comme une véritable provocation anticléricale. Le président du gouvernement provisoire, Niceto Alcala Zamora, démissionna en signe de protestation, tout comme le ministre de l’Intérieur, Miguel Maura, allant jusqu’à menacer de prendre la tête d’une opposition catholique. Le nouveau président du Conseil des Ministres, Manuel Azaña, en place jusqu’en septembre 1933, pratiqua quant à lui l’intransigeance politique sur l’application des principes républicains dans un pays divisé à l’égard de ceux-ci, voulant provoquer un changement irréversible du système politique en détruisant d’emblée l’influence de puissances telles que l’Eglise, l’Armée et les grands propriétaires. Or, ces élites, qui n’ont a priori pas de raison de quitter une attitude de neutralité tant qu’elles ne se sentent point menacées dans leurs intérêts fondamentaux, se voient acculées à la résistance ouverte puis à la riposte, en cas d’attaque directe, et peuvent trouver alors un soutien dans une fraction traditionaliste ou conservatrice de la société.
Azaña, indifférent à ce risque, stimula le zèle législatif des Cortes. Concernant les rapports Eglise-Etat, l’ordre des jésuites fut effectivement dissous, une loi sur le divorce votée, tandis que l’enseignement confessionnel se trouvait interdit en théorie, sans toutefois que les écoles publiques fussent en réalité capables d’assurer la totalité de la mission éducative.
Guy Hermet souligne bien à ce propos le dilemme devant lequel les républicains étaient placés. Soit ils choisissaient de privilégier, dans leur discours comme dans leurs actions, l’exaltation d’un concept de démocratie sans compromis, hypothéquant ainsi sa recevabilité dans les milieux traditionalistes, assez étrangers aux grands principes républicains, et ceci sans avoir aucune garantie de soutien du côté du prolétariat anarchisant, hostile à toute démarche politique rationnelle. Ou bien ils se préoccupaient d’abord de consolider au mieux une démocratie du possible, pragmatique, et de la faire durer, en passant outre à l’application stricte des principes, dans le but de la rendre peu à peu convaincante pour tous. II retinrent la première option, sans bien peser son risque : affaiblir d’emblée les bases du nouveau régime qui, s’il comptait peu d’ennemis déclarés au début, ne pouvait pas non plus se prévaloir de nombreux amis, et dont les observateurs peu engagés se transformèrent rapidement en adversaires.
L’analyse de Guy Hermet soulève également un aspect peu traité du problème : faisant passer le discours avant l’action, en voulant à la fois rassurer les masses sur l’analyse d’un changement à terme de leur situation et convaincre les autres du caractère somme toute « platonique » de ces changements, les républicains ont pensé que l’anticléricalisme, entre autres, pouvait représenter un dérivatif efficace face à la lenteur de la réalisation des transformations économiques et sociales.
Cette erreur flagrante a eu des conséquences dans tous les secteurs de la société espagnole, particulièrement chez les catholiques. Nombre d’entre eux, qui avaient admis la nécessité d’une réforme des relations Eglises-Etat, et qui auraient accepté une république d’ordre, se sont vus confrontés à des changements allant beaucoup plus loin que ce qu’ils étaient prêts à admettre, et n’ont pu que refuser leur confiance à des hommes cautionnant ou initiant des agressions non justifiées contre les idées et institutions auxquelles ils demeuraient le plus attachés. La République espagnole a ainsi souffert de son attitude vis-à-vis du catholicisme et des catholiques, qui a fourni à l’ensemble des forces antirépublicaines un motif de mécontentement autour duquel pouvaient se réunir tous les opposants au régime.Ce qu’on peut , dans cette logique , considérer comme une autodestruction de la république va aboutir à une Guerre Civile de trois ans, entre 1936 et 1939, affrontement de deux Espagnes.
Du côté nationaliste, le terme de croisade patriotique va peu à peu faire son apparition, Et, dans leur Lettre Collective du 1er juillet 1937, les évêques espagnols, jusque là plus divisés, vont apporter une caution quasi unanime à cette vision.

D 13 septembre 2012    AClaude Proeschel

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