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2021

  • Décembre 2021 : Selon la Cour européenne des droits de l’homme, le pastafarisme n’est pas une religion

À l’occasion d’un recours intenté par une étudiante néerlandaise, la Cour européenne des droits de l’homme a été amenée à s’interroger sur le pastafarisme. En débat : sa qualification comme religion au sens de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour juge que le pastafarisme n’est pas une religion, car les conditions de sérieux, de cohérence et d’importance des convictions ne sont pas remplies. Le pastafarisme est une parodie de religion créée en 2005 par un universitaire américain, affirmant sa foi en un dieu qui aurait l’apparence d’un plat de pâtes (the Flying Spaghetti Monster).

L’affaire concerne une étudiante néerlandaise, qui souhaitait porter une passoire sur les photos destinées à sa carte d’identité et à son permis de conduire, en raison de son adhésion à la religion du « monstre en spaghetti volant ». Suite au refus de l’administration municipale, elle intente des procédures juridictionnelles qui se terminent par le rejet de son recours par le Conseil d’État. En conséquence, elle saisit la Cour européenne des droits de l’homme et argumente que les Pays-Bas ont violé sa liberté de religion, garantie par l’article 9 de la Convention. Elle avance également que les pastafariens sont discriminés par rapport aux croyants des autres religions.

La Cour doit donc déterminer si le pastafarisme constitue une religion. Si elle rappelle que la notion de religion doit s’interpréter largement, elle souligne que les croyances doivent « attain a certain level of cogency, seriousness, cohesion and importance ». En l’espèce, elle juge que les juridictions néerlandaises ont correctement appliqué ces critères en décidant que tel n’était pas le cas du pastafarisme.

Par ailleurs, la Cour évoque le fait que le pastafarisme a été initialement créé pour protester contre l’introduction de la théorie du « dessein intelligent » dans le cursus scolaire du Kansas. La dimension parodique du pastafarisme serait notamment démontrée « by the form and content of Pastafarian teaching, which in and of themselves leave little room for doubt, but also by the appearance in one of its “canonical” texts of the outright statement to that effect ». Dès lors, pour la Cour, le pastafarisme ne bénéficie pas de la protection de l’article 9 de la Convention.

Cependant, la Cour ne prend pas en compte la position individuelle de la requérante, mais s’appuie sur la doctrine officielle du pastafarisme pour estimer qu’il ne s’agit pas d’une religion. Or, si l’intention satirique de départ ne fait aucun doute, il n’est pas exclu qu’il existe désormais une communauté de personnes dont la croyance est sincère et sérieuse. D’ailleurs, c’est peut-être ce qui a poussé certains états dont l’Autriche, la Nouvelle-Zélande, la Pologne ou encore le Texas à reconnaître, dans certaines circonstances, le pastafarisme comme une religion. Compte tenu de l’activisme judiciaire des pastafariens, d’autres décisions nationales ou internationales viendront très probablement encore alimenter le débat.

D 8 décembre 2021    ARomain Mertens

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