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École et religion au Canada

Les gouvernements du Canada sont organisés en un système fédéral dans lequel les pouvoirs sont répartis entre le gouvernement central, dix provinces et trois territoires. Ce partage des pouvoirs a été établi par la loi constitutionnelle de 1867, également connue sous le nom d’Actes de l’Amérique du Nord britannique ou AANB. L’article 93 des Actes de l’Amérique du Nord britannique dispose que l’éducation relève de la compétence des provinces, de sorte qu’il n’existe pas de système éducatif "canadien".

Le système fédéral a été adopté en grande partie pour résoudre les tensions du XIXe siècle entre les colons français et anglais, la minorité catholique française s’inquiétant de la majorité protestante anglaise. Cependant, d’autres régions avaient également exigé que des protections constitutionnelles protègent leurs identités uniques, qui avaient évolué au fil de la colonisation européenne, leurs populations étant originaires d’une variété de pays européens. L’éducation était considérée comme une pratique sociale essentielle pour assurer la survie culturelle, ce qui explique que le système éducatif au Canada se caractérise par une diversité considérable. Il s’agit notamment de la manière dont la diversité religieuse a été gérée dans les systèmes éducatifs provinciaux.

Cependant, parallèlement à la diversité de l’éducation canadienne et au-delà de celle-ci, il existe un certain nombre de caractéristiques communes qui ont à la fois des racines culturelles et des frontières constitutionnelles. Sur le plan culturel, il existe un consensus sur le fait que l’éducation est une stratégie clé de l’État pour garantir les valeurs et les compétences citoyennes considérées comme essentielles dans une démocratie libérale. Les valeurs de citoyenneté sont inscrites dans la Déclaration canadienne des droits (1960) qui identifie la liberté de religion à l’article 1(c) comme un droit méritant une protection constitutionnelle. La protection de la liberté de religion et de l’égalité a été affirmée dans la loi constitutionnelle de 1982 aux articles 2 et 15. La législation provinciale, y compris les dispositions relatives à l’éducation et aux droits de l’homme, doit être conforme aux lois constitutionnelles de 1867 et de 1982 et à la Déclaration canadienne des droits.

Cela dit, il existe une grande latitude dans la manière dont les provinces et les territoires ont interprété les lois constitutionnelles pour gérer la diversité religieuse dans l’éducation. L’interprétation constitutionnelle s’est faite dans le cadre de processus dynamiques impliquant un plaidoyer politique aux niveaux local et provincial, ainsi que devant les tribunaux fédéraux et provinciaux. Les catégories les plus pertinentes pour la réglementation de la religion tendent à inclure les écoles "publiques", "privées" et "séparées". Toutefois, les implications de ces catégories sont souvent contestées par les groupes de citoyens et les régulateurs de l’État. Pour les écoles privées et séparées, les questions de l’accès au financement de l’État et du statut des programmes académiques par rapport aux diplômes de fin d’études ont été importantes. Les écoles publiques ont été le théâtre de débats sur la place de la religion dans l’espace "laïque". Il peut s’agir de sujets tels que les espaces de prière, les clubs s’identifiant comme "religieux", les codes vestimentaires, la distribution de "littérature religieuse" et de symboles religieux.

Outre les écoles formellement organisées, l’éducation est dispensée dans le cadre de l’enseignement à domicile. L’enseignement à domicile est légal dans toutes les juridictions canadiennes, à condition que les élèves aient accès à une "instruction satisfaisante", supervisée par les commissions scolaires de la région dans laquelle se trouve la famille qui fait l’école à la maison. L’enseignement à domicile a été une stratégie importante pour perpétuer l’identité religieuse et les valeurs familiales au sein des groupes religieux, mais pas exclusivement, l’enseignement à domicile étant motivé par une variété de raisons en tant que pratique éducative préférée.

L’exception à l’article 93 des Actes de l’Amérique du Nord britannique concerne les écoles des Premières nations, qui relèvent de la compétence et du financement du gouvernement fédéral. Dans le contexte d’un chapitre sombre de l’histoire du Canada, elles sont régies par les nations au sein desquelles elles sont organisées. Historiquement, les écoles des Premières nations ont fait l’objet de stratégies d’assimilation de la part de l’État, en grande partie administrées par des Églises chrétiennes et conçues pour saper l’identité et la continuité autochtones. Ces politiques comprenaient les "pensionnats", qui ont fait l’objet d’un examen critique approfondi, tant pour leur finalité coloniale que pour les abus de pouvoir qui ont laissé un héritage de douleur et de perturbation dans les communautés et les familles autochtones. L’un des éléments de la réconciliation a été le contrôle croissant des écoles des Premières nations par les nations dans lesquelles elles se trouvent, leur objectif étant désormais de préserver l’identité et la spiritualité indigènes.

Les "écoles publiques", qualifiées de "laïques", sont entièrement financées dans toutes les provinces et sont clairement détenues et gérées par des acteurs étatiques, principalement les ministères de l’Éducation et les commissions scolaires publiques, qui sont des créations des provinces. Les "écoles séparées" fonctionnent sous l’égide des structures de l’Église catholique romaine et sont financées de diverses manières, allant d’un financement intégral dans la province de l’Ontario à un financement partiel dans d’autres juridictions. Les politiques de financement et de réglementation des "écoles privées", dont beaucoup sont "confessionnelles", sont propres à chaque province et territoire. Par exemple, en Ontario, les écoles privées n’ont pas accès au financement provincial, tandis que d’autres provinces lient le financement des écoles privées aux niveaux de conformité avec les normes du ministère de l’Éducation provincial. Dans certaines commissions scolaires de l’Alberta, les "écoles confessionnelles" ont été incluses dans les écoles publiques et sont entièrement financées tout en conservant le droit à leur identité religieuse. Toutefois, les écoles doivent se conformer aux réglementations provinciales telles qu’elles sont interprétées par les commissions scolaires avec lesquelles elles ont négocié des accords pour conserver leur statut. Au Canada, la désignation des écoles "confessionnelles" ne peut être limitée aux désignations "publiques", "séparées" et "privées", puisqu’elles sont présentes dans les trois catégories, en fonction de la réglementation provinciale.

Toutes les écoles et tous les commissions scolaires s’accordent sur la protection des libertés religieuses et des droits à l’égalité des élèves. Toutes les provinces et tous les territoires ont des dispositions contre les brimades et la discrimination dans leurs lois sur l’éducation et d’autres documents. Le consensus est beaucoup moins large en ce qui concerne le rôle de la religion dans les programmes scolaires. En général, les écoles confessionnelles ont tendance à considérer la religion comme un élément fondamental de leur culture scolaire, y compris de leurs programmes d’études. Les écoles publiques intègrent la religion dans leurs programmes scolaires de diverses manières, allant d’un cours facultatif sur les "religions du monde" à des offres plus étoffées d’enseignement religieux. Les écoles confessionnelles considèrent la religion ou leur forme de religion comme un élément important du profil de leurs diplômés, le résultat souhaité étant que les diplômés conservent leurs engagements religieux. Les écoles publiques ont tendance à considérer la religion comme une question de choix privé dans laquelle l’école joue un rôle pour doter les élèves de valeurs et de compétences citoyennes leur permettant de faire de bons choix qui contribuent à l’harmonie sociale.

Les objectifs des écoles des Premières nations, des écoles publiques et des écoles confessionnelles ne s’excluent pas mutuellement, toutes les écoles s’engageant à respecter les valeurs de citoyenneté et le bien commun. Le monde de l’éducation au Canada est dynamique et donne lieu à des débats animés entre les parties prenantes qui s’investissent profondément dans ses objectifs. La religion et la diversité religieuse ajoutent une couche de complexité dans laquelle la liberté religieuse et les droits à l’égalité sont mis en balance avec la cohésion sociale. Les débats et les contestations sur la réalisation de ces équilibres sont plus anciens que le Canada lui-même. Cependant, tout au long de l’histoire du Canada, des voix de groupes religieux continuent à se faire entendre, revendiquant le droit d’éduquer leurs enfants afin que leurs traditions continuent à faire partie de l’histoire du Canada à l’avenir.

D 17 mai 2021    ALeo Van Arragon

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