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2021

  • Mars 2021 : Les Suisses ont accepté l’initiative interdisant le voile intégral

Les Suisses ont voté dimanche 7 mars, à une courte majorité (51,2% de "oui" et 18 cantons sur 26), l’initiative en faveur de l’interdiction de dissimuler son visage dans les lieux publics. Bien que le voile intégral n’ait pas été mentionné dans le texte, les femmes musulmanes qui portent la burqa ou le niqab qui sont en premier lieu visées par cette interdiction.

La polémique autour de l’initiative populaire, appelé "initiative anti-burqa" (voir le débat de juin 2020) est devenue une source de débats très animés en Suisse depuis plusieurs années, et différents bords politiques se l’approprient : l’UDC (l’Union démocratique du centre/droite conservatrice) contre l’immigration, contre l’islam, contre l’islamisation de la Suisse ; la gauche laïque contre le retour de signes religieux dans l’espace public ; les féministes qui entendent continuer leur lutte pour l’émancipation de la femme. Des initiatives populaires et des interventions parlementaires (au niveau cantonal) exigeant une interdiction de se dissimuler le visage ont été déposées dans les cantons de Berne (2010), du Tessin (2013), de Bâle-Ville (2013), de Saint-Gall (2013), de Zurich (2016) et de Glaris (2017). Elles n’ont abouti que dans les cantons du Tessin et de Saint-Gall qui ont introduit cette loi dans leurs constitutions cantonales.

En 2017, le comité d’Egerkingen, qui était également à l’origine de l’initiative anti-minarets en 2008, a collecté des signatures pour soumettre cette interdiction à la votation populaire au niveau fédéral et ainsi l’inscrire dans la Constitution fédérale. Avec son texte, le comité d’initiative, composé de nombreux élus de l’UDC, estime qu’interdire la dissimulation du visage contribue à prévenir les attaques terroristes et d’autres formes de violence. Ils affirment aussi vouloir promouvoir l’égalité des sexes, en libérant des femmes "contrôlées, opprimées, tenues prisonnières". Certaines féministes et des musulmans libéraux se sont également prononcés en faveur du texte. Toutefois, à l’exception de l’UDC, tous les partis de la gauche au centre étaient contre ce texte.

Le gouvernement fédéral et le Parlement se sont également opposés à cette mesure et ont proposé un contre-projet en arguant que l’initiative s’attaque à un problème qui n’existe pas. Selon certaines études, seules une trentaine de femmes en Suisse portent le voile intégral et la majorité d’entre elles le font clairement de manière volontaire. Dans le rapport explicatif, le Conseil Fédéral présume que cette prescription vestimentaire posera non seulement des difficultés d’application, mais sera également susceptible de porter atteinte à plusieurs droits fondamentaux comme la liberté religieuse et la liberté personnelle. Si elle peut avoir un effet positif pour certaines femmes contraintes de se dissimuler le visage, il n’est pas exclu que l’initiative ait pour conséquence que d’autres femmes se confinent chez elles, ce qui aggravera leur marginalisation et leur isolement social. Selon les autres opinions, l’initiative anti-burqa risque de "banaliser l’ambiance xénophobe et raciste" à l’encontre des femmes musulmanes et pourrait avoir un effet contre-productif, par exemple en radicalisant certaines personnes, comme on l’observe dans d’autres pays. Ainsi, cette initiative menacerait la cohésion sociale et attiserait inutilement les conflits.

En acceptant l’initiative de l’interdiction de dissimuler son visage dans les lieux publics, la Suisse rejoint désormais quelques pays européens comme la France, l’Autriche, la Bulgarie, la Belgique et le Danemark qui ont déjà introduit cette mesure. Un délai de deux ans est fixé pour que le Parlement élabore ensuite une loi sur la base du texte de l’initiative, concrétisant les exceptions et prévoyant les sanctions.

D 10 mars 2021    AZhargalma Dandarova-Robert

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