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Appartenance et pratique religieuses

L’appartenance au catholicisme de la plupart des Italiens semble résister à l’épreuve du temps et des progrès de la modernité. Depuis très longtemps, l’identité catholique représente une constante nationale, dans un pays dont l’histoire et la culture politique sont trop imprégnées de foi et de tradition pour qu’elle puisse être repoussée aux marges de la vie sociale.
Toutefois, au cours des dernières décennies, on relève sur ce point des changements dans le pays, qui signalent à la fois la présence d’un pluralisme religieux plus enraciné et d’un nombre plus élevé de personnes qui se disent sans religion (tab. 1). Principalement en tant que résultat des flux d’immigration étrangère qui ont récemment touché l’Italie, ceux qui déclarent une appartenance religieuse autre que catholique sont passés de 0,8 % en 1991 à presque 5 % en 2007. Cette croissance ne concerne pas les minorités religieuses historiquement présentes sur la scène nationale (comme les protestants évangéliques, les juifs, les témoins de Jéhovah, etc.), mais plutôt les religions des nouveaux immigrés (c’est-à-dire le christianisme orthodoxe ou l’islam), qui ont redécouvert dans leur terre d’adoption une identité religieuse qui alimente le lien communautaire et appuie la demande de citoyenneté. Parallèlement, le nombre de ceux qui se déclarent sans religion a légèrement augmenté : ils représentent aujourd’hui à peu près 9 % de la population.

Tableau 1 – Population italienne par religion d’appartenance, en pourcentage Comparaison entre deux relevés réalisés auprès d’échantillons représentatifs de la population italienne entre 16 et 74 ans

Enquête 1994* Enquête 1997**
Catholique 88,6 86,1
Autre religion 2,6 4,8
Réformés 8,8 9,1
Total 100 (4500) 100 (3160)

*Source : Vincenzo Cesareo, Roberto Cipriani, Franco Garelli, Clemente Lanzetti, Giancarlo Rovati, La religiosità in Italia, Mondadori, Milano, 1995 (échantillon de 4 500 individus).
**Source : Indagine sulla nuova religiosità in Italia, Apsor (Associazione piemontese di sociologia delle religioni), Torino, 2007 (échantillon de 3 160 individus)

Même avec ces changements, l’appartenance au catholicisme reste encore élevée en Italie, vu qu’elle concerne aujourd’hui 85 % de la population. Cependant, cette référence religieuse n’est pas socialement significative, car elle regroupe des façons très diverses d’interpréter l’identité catholique. On peut affirmer que l’Italie est caractérisée par un double pluralisme religieux. À coté du pluralisme lié à la présence de plusieurs religions, on peut isoler un autre type de pluralisme, interne à l’identité catholique italienne. Les analyses les plus récentes ont porté un regard attentif à ce phénomène, en reconnaissant quatre types d’adhésion au catholicisme (tab. 2) : les « catholiques par tradition et culture » et ceux qui se disent « convaincus mais pas trop actifs » (chacun de ces types représente environ 30 % de la population), tandis que sont un peu moins représentés les « catholiques convaincus et actifs » (plus du 1/5 des Italiens) et surtout les « catholiques à sa façon », qui ne partagent que partiellement le modèle religieux d’appartenance (environ 7 %). Il s’agit de groupes très différents, qui se caractérisent par des profils religieux et éthiques spécifiques, et illustrent le pluralisme des repères qui caractérise aujourd’hui le catholicisme italien. À l’inverse, le groupe des « sans religion » est assez homogène, et se caractérise par des orientations et des visions de la société typiques de ceux qui n’accordent aucune valeur à la dimension religieuse et n’ont pas eu une socialisation ecclésiale intensive.

Tableau 2 – Évolution de la population italienne catholique selon le type d’adhésion religieuse en pourcentage

Type d’adhésion à la religion Enquête 1994* Enquête 1997**
convaincu et pratiquant 20,2 21
Convaincu mais pas toujours pratiquant 36,9 28,8
Par tradition, éducation 24,8 31,6
Vous en partagez quelques idées 8,7 7,5
Autre 0,6 2
Sans religion 8,8 9,1
Total 100 (4377) 100 (3008)

*Source : Vincenzo Cesareo, Roberto Cipriani, Franco Garelli, Clemente Lanzetti, Giancarlo Rovati, La religiosità in Italia, Mondadori, Milano, 1995 (échantillon de 4500 individus).
**Source : Indagine sulla nuova religiosità in Italia, Apsor (Associazione piemontese di sociologia delle religioni), Torino, 2007 (échantillon de 3 160 individus)

Si l’on considère les dix dernières années (en incluant dans l’analyse les « sans religion »), on peut observer des persistances et des changements intéressants dans l’évolution quantitative des différents types de religiosité. Les groupes placés aux deux extrémités du champ religieux – c’est-à-dire les « catholiques convaincus et pratiquants » et les « sans religion » – n’évoluent que peu ; il s’agit donc de sous-cultures suffisamment solides pour se perpétuer au fil des années. Par contre, les « catholiques convaincus et pratiquants » diminuent sensiblement au cours de la période, tandis que du groupe qui s’identifie au catholicisme pour des raisons de tradition et de culture connaît une forte croissance. Dans une société qui souligne son caractère multiethnique et multireligieux, il semble donc que la tendance à la réévaluation de la religion traditionnelle, en tant qu’exigence d’enracinement dans une histoire et une culture capables d’offrir sécurité et repères face aux nouveautés, soit en augmentation chez les Italiens. À l’intérieur de ce groupe, on retrouve non seulement ceux qui se déclarent catholiques en vertu de la tradition plutôt que de leur conviction personnelle, donc pour des raisons culturelles et symboliques plutôt que pour des raisons spécifiquement spirituelles, mais aussi tous ceux qui s’identifient à une « religion des valeurs » dont les groupes religieux et l’Église catholique elle-même peuvent se présenter comme les représentants, pour contrer la crise des repères éthiques, pour réaffirmer les valeurs auxquelles on ne peut pas renoncer. Ces formes d’adhésion au catholicisme semblent plutôt en accord avec les valeurs des groupes religieux, même si elles n’impliquent pas automatiquement l’acceptation des dogmes.
On peut donc facilement constater que le sentiment catholique s’enrichit de nouvelles formes d’appartenance, pour la plupart auparavant inconnues. Par rapport à d’autres contextes nationaux, on enregistre en Italie moins d’attitudes de « foi sans appartenance religieuse » (expression d’une recherche spirituelle autonome, qui fait abstraction – même pour des raisons de critique – de la référence à un groupe religieux ou à une Église), et plus d’attitudes d’appartenance au catholicisme sans participation religieuse forte.

D 27 août 2015    AMariachiara Giorda

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