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La loi sur les Églises : une législation en mouvement (1980-2011)

Les accords successifs entre l’État et les Églises, ainsi que la législation sur les cultes furent mis en place sous le gouvernement de M. Gyula Horn, entre 1994 et 1998. Cette législation fut critiquée dès le début, car selon ses détracteurs, elle ne respecte pas le principe constitutionnel de la séparation de l’Église et de l’État qui devrait exclure le subventionnement des cultes par des fonds publics. Selon l’Alliance Démocrate Libérale (SzDSz), les Églises bénéficient de privilèges injustifiés. Malgré ces contestations, les gouvernements successifs ont hésité à modifier cette législation. C’est sur le terrain du financement des activités publiques des Églises, notamment au sujet des écoles, que les gouvernements ont pu montrer leur désaccord avec le Concordat de 1997 (en anglais). Il y a eu beaucoup de critiques devant l‘augmentation annuelle des subventions versées aux cultes et face à une certaine opacité des finances. En 2006, une Commission (en hongrois) fut créée afin d’examiner « les résultats et les effets » de l’Accord de 1997. En voici la conclusion : « il n’est pas nécessaire de dénoncer cet Accord ni de s’en retirer ». Toutefois, tout le monde a convenu que l’Accord et la législation étaient dépassés et comportaient des lacunes. Par exemple, il n’y a aucune garantie concernant sa mise en application (cf. manques dans le financement des établissements scolaires ou sociaux relevant des cultes) ; d’autre part, les points relatifs au financement des établissements culturels (bibliothèques, archives, etc.) sont imprécis.

Par la suite, les tractations sur les modifications des accords avec les Églises ont débuté et celà dans le contexte de la nouvelle Loi fondamentale de Hongrie promulguée le 1er janvier 2012 . L’Accord conclu avec le Vatican étant un document clé pour la législation concernant les Églises, nous examinerons quelques-unes des modifications majeures apportées par ce texte (en anglais) qui fut signé le 21 octobre 2013 et ratifié le 10 février 2014 .
Il est ajouté au ch. I. art 2 (du texte de 1997) que le gouvernement s’engage à assurer aux catéchistes - que ce soit dans le cadre ecclésial ou dans les écoles publiques - un revenu équivalent au salaire moyen des enseignants hongrois et à accorder une subvention pour des manuels de catéchèse ou d’éthique. L’art 3 du ch. I est remplacé. Nous y trouvons, entre autres, les éléments suivants : le nombre des étudiants boursiers non théologiens des établissements d’éducation supérieure gérés par l’Église est fixé de telle manière à ce qu’il atteigne 5 % de l’ensemble des étudiants boursiers de l’éducation supérieure nationale. Le gouvernement et la CEH devront délibérer tous les 4 ans au sujet du nombre d’étudiants par faculté pouvant bénéficier de ces bourses. Quant aux pensionnats et aux maisons d’étudiants relevant de l’Église, l’État s’engage à leur accorder les mêmes subventions qu’aux institutions qu’il administre. En ce qui concerne les subventions annuelles spécifiques (développement, recherche, etc.) pour l’enseignement non théologique, leur montant ne peut être inférieur à 7,5 milliards de Forint (HUF). L’État reconnaît l’Université Catholique Pazmany Péter comme Université d’excellence, reconnue par le Saint-Siège. Il garantit une bourse à 2500 étudiants en théologie dans les établissements de l’enseignement supérieur catholique. L’art. 4 du ch. I est remplacé. Selon le nouveau texte, les propriétés appartenant à l’Église catholique recevront les mêmes « subventions culturelles » que les propriétés de l’État. Cela concerne la sauvegarde et la rénovation des monuments, musées, archives, etc. Le ch. I. est complété d’un article sur le don fait par le gouvernement à l’Église des locaux du palais Falconeri (Rome) et à l’Institut pontifical hongrois en vue de la formation des prêtres. L’art. 4 du ch. II est partiellement remplacé. Le nouveau texte affirme que l’État maintient la possibilité pour les personnes physiques d’offrir 1 % de l’impôt sur le revenu (IR) à l’Église de leur choix. En plus de cela, l’État garantit aux Églises 1 % de l’ensemble des IR même si les citoyens ont donné moins. L’art. 2 du ch. II est remplacé. De ce fait, la rente assurée par le gouvernement hongrois pour les biens immobiliers non repris par l’Église sera revalorisée chaque année pour traduire le changement de l’indice des prix à la consommation. D’autre part, l’État complète la valeur de la rente relative aux biens immobiliers non repris par l’Église, d’une valeur de 54 millions HUF en 2011.

La Loi fondamentale de 2012 et les lois organiques (cf. Art.7 n°3) relatives aux Églises ont été plutôt favorables au fonctionnement de 14 cultes (réformée, luthérienne, 3 fédérations ou communautés juives, 5 diocèses ou exarchats orthodoxes serbes, bulgares, roumains et russes, et liés au Patriarcat de Constantinople, l’Église unitarienne, l’Église baptiste et l’Assemblée de la Foi). Selon le site internet Index.hu (en hongrois), les représentants de l’Église réformée et de l’Église luthérienne seraient intervenus auprès des instances gouvernementales pour que la nouvelle loi reconnaisse le statut d’Église à tous les principaux groupes religieux et aux communautés religieuses dont les services sociaux améliorent le sort collectif des plus modestes et des exclus. Cela aurait permit d’inclure dans cette liste d’autres groupes religieux (méthodiste, anglicane, bouddhiste, ou musulman).
À la suite de ce changement de législation, une vingtaine de cultes ont présenté une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme (voir une présentation détaillée de la question par Balazs Schanda). Plusieurs chercheurs hongrois affirment qu’il y a eu méprise de la Cour quant à la nouvelle législation de la Hongrie au sujet de la reconnaissance des Églises. En effet, B. Schanda affirme que la législation de 2011 concernant les cultes n’a pas effacé les enregistrements, de certains cultes, mais a introduit un nouveau système, en annulant l’enregistrement de tous les cultes pour introduire un nouveau système à deux niveaux avec les associations religieuses comme entités de base et avec une reconnaissance spécifique accordée à certaines Églises, reconnues comme telles par l’Assemblée nationale. Le législateur hongrois a affirmé que cette nouvelle reconnaissance est appelée à rendre plus transparente l’utilisation des fonds publics accordés aux Églises et à éviter l’utilisation abusive des subventions, des avantages fiscaux, etc. En même temps, il faut souligner le fait que la CEDH a jugé incompatible avec la neutralité de l’État le fait que la décision d’accorder ou non la reconnaissance à une Église relève du Parlement et doive reposer sur une majorité de 2/3 des voix. En outre, si le législateur a mis en avant des critères de reconnaissance, comme la durée de l’existence ou le nombre des membres des cultes, en réalité peu d’Églises, en Hongrie, ne remplissent pas ces critères (critères jugés d’ailleurs excessifs, si on se base sur le rapport de la « Commission de Venise ».
Un cas mériterait aujourd’hui une réflexion plus approfondie. Il s’agit de la communauté musulmane en Hongrie. En effet, même si aujourd’hui le nombre de musulmans ne dépasse guère les 20 000 personnes (majoritairement originaires de pays arabes, de Turquie, d’Iran, de Bosnie), la présence de l’islam était déjà attestée avant l’an 1000. Alliés ou occupants, les musulmans ont, au cours des siècles, érigé des bâtiments, des lieux de culte, des mosquées et des minarets. Avec la nouvelle législation, des communautés musulmanes ont perdu une partie des subventions d’État. Or dans le contexte européen actuel, au-delà de la question des lieux de culte, la question de la formation des cadres religieux musulmans est devenue une question d’actualité. La reconnaissance des 14 Églises, nous l’avons vu, assure également la subvention de la formation de leurs cadres : clergé, théologiens, etc.
Aujourd’hui, après la mise à jour de la législation sur les cultes et à la suite de la nouvelle Loi fondamentale, le gouvernement hongrois cherche le modèle « définitif » de la relation de l’État avec les cultes. L’interprétation actuelle du principe de laïcité en Hongrie n’exclut pas que des Églises soient considérées comme des partenaires de premier plan dans la vie publique. Toutefois, les représentants des grandes Églises, en accord avec le Parti chrétien-démocrate (membres de la coalition gouvernementale), ont protesté contre l’adoption éventuelle du modèle allemand où, bien qu’il existe un véritable partenariat entre les Églises et l’État, le mode de financement semble moins favorable que celui aujourd’hui en vigueur en Hongrie. Les Églises historiques admettent qu’en raison de la décision de la CEDH, la législation sur les cultes a besoin de modifications, mais elles protestent contre la création d’une Loi entièrement nouvelle, surtout sans une concertation large des Églises. Il existe aujourd’hui deux conceptions divergentes au sein de la majorité parlementaire : a) il faudra créer une loi entièrement nouvelle sur les Églises ; b) il faut prendre en considération la demande des Églises de ne pas mettre en place une législation entièrement nouvelle au cours des années à venir (conception soutenue par le ministre des Ressources humaines, M. Zoltan Balog (pasteur et théologien calviniste). La consultation entamée par le gouvernement se poursuit auprès des gouvernements étrangers pour prendre connaissance des modèles de législation sur les cultes. Le modèle mis en œuvre aujourd’hui en Hongrie ressemble à ceux adoptés par l’Espagne ou l’Italie, avec des éléments spécifiques en raison de la situation historique d’un pays postcommuniste. Pour ceux qui ont travaillé sur la législation dans les années 1990, comme M. Ivan Platthy, ancien délégué aux affaires religieuses, c’est aux principes fixés en 1990 qu’il faut revenir et le modèle à choisir doit être le « modèle hongrois ».

D 23 février 2015    ARozalia Horvath

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