Le cadre juridique de l’abattage rituel
En droit français, l’étourdissement préalable à l’abattage des animaux est obligatoire, mais une dérogation à ce principe est prévue pour l’abattage rituel, lorsque l’étourdissement n’est pas compatible avec les prescriptions religieuses (article R. 214-70 du Code rural et de la pêche maritime). Dans sa décision du 5 juillet 2013, le Conseil d’Etat a d’ailleurs jugé que ces dispositions ne portent pas atteinte au principe de laïcité, qui impose que la République garantisse le libre exercice des cultes (CE, 5 juillet 2013, n° 361441, Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs). Cette dérogation à l’étourdissement est toutefois encadrée et l’abattage rituel doit observer des conditions strictes relatives aux sacrificateurs et aux abattoirs.
Ainsi, l’abattage rituel ne peut être pratiqué que dans des abattoirs autorisés par le préfet et respectant un certain nombre d’obligations tenant, essentiellement, à un matériel adapté, un personnel formé et au niveau d’hygiène (Article R. 214-70 du Code rural et de la pêche maritime). L’abattage est interdit en dehors des abattoirs (Article R. 214-73 du Code rural et de la pêche maritime). Toutefois, l’augmentation importante du nombre de bêtes abattues au moment de la fête de l’Aïd al Adha rend le nombre d’abattoirs insuffisants et des abattoirs provisoires sont alors mis en place sur autorisation préfectorale.
L’abattage rituel ne peut être effectué que par « des sacrificateurs habilités par les organismes religieux agréés, sur proposition du ministre de l’intérieur, par le ministre chargé de l’agriculture » (Article 214-75). La Grande mosquée de Paris, en 1994, la Grande mosquée de Lyon et la mosquée d’Évry en 1996, ont ainsi été agréées par arrêté ministériel. Cette procédure d’agrément ministériel était au cœur de l’affaire Cha’are Shalom Ve Tsedek : une association juive s’était vu refuser cet agrément, alors accordé à l’Association consistoriale israélite de Paris. La Cour européenne des droits de l’homme avait confirmé le refus ministériel (Cha’are Shalom Ve Tsedek c. France, 27 juin 2000, n° 27417/95).
Depuis 2012, et en application du Règlement européen (CE) n°1099/2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort, toutes les personnes procédant à l’abattage d’animaux, y compris les sacrificateurs rituels, doivent suivre une formation en vue de la délivrance du certificat de compétence concernant la protection des animaux dans le cadre de leur mise à mort (Arrêté du 31 juillet 2012).
Ce règlement européen, entré en vigueur en 2013 sur le territoire national, a pour objectif principal de protéger le bien-être des animaux. Son article 4§4 prévoit néanmoins la possibilité de déroger à l’étourdissement préalable des animaux faisant l’objet de méthodes d’abattage prescrites par des rites religieux. Ces dernières années, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu plusieurs décisions concernant cette dérogation (voir notamment : F. Curtit, "Bien-être animal et abattage rituel en droit de l’Union européenne : une difficile conciliation", Revue de droit des religions, n° 12, 2021).