eurel     Données sociologiques et juridiques sur la religion en Europe et au-delà

2005

  • Novembre 2005 : un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme sur le port du foulard

Le 10 novembre 2005, la Grande Chambre de Cour européenne des Droits de l’Homme a rendu sa décision finale concernant l’Affaire "Leyla Sahin contre la Turquie". Il s’agit d’une ressortissante turque de 22 ans, portant le foulard, qui demandait la condamnation de la Turquie selon l’article 9 de la CEDH sur la liberté religieuse, car elle n’avait pas pu poursuivre ses études en 5e année à la Faculté de Médecine de l’Université d’Istanbul à cause d’une circulaire interdisant l’accès aux cours aux étudiants barbus et aux étudiantes portant le foulard. La Grande chambre a débouté Mlle Sahin en notant que "cette ingérence" de l’Université dans la vie religieuse "… était fondée sur les principes de laïcité et d’égalité".
Cette décision a provoqué un vif débat politique et sociétal en Turquie. En effet, le pouvoir actuel, détenu par le Parti de Justice et de Prospérité (AKP), issu du plus grand mouvement de l’islam politique, le Millî Görüş, mais qui avait pris ses distances avec celui-ci depuis, avait fait campagne pour la suppression de l’interdiction du foulard dans les universités. Ainsi, peut-être pour la première fois dans l’histoire de la CEDH, un gouvernement désirait sa propre condamnation, afin que celle-ci puisse servir de référence juridique incontestable pour l’abrogation de l’interdiction du foulard. Au lendemain de la publication de l’arrêt, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan accusait la CEDH de ne pas avoir pris l’avis des dignitaires religieux musulmans sur la question alors qu’elle le ferait régulièrement, selon lui, pour des questions touchant la chrétienté. Cette évocation de l’autorité des "oulémas" a immédiatement provoqué de vives réactions au sein des milieux laïcs dans le pays ; ils accusent le pouvoir de déroger au principe de laïcité, inscrit dans un des articles non modifiables de la Constitution turque, l’article 2. Depuis, le Premier ministre turc a adouci son discours, tout en maintenant l’idée que cet arrêt n’empêchait pas les modifications futures de la loi.

Voir le texte de l’arrêt du 10 novembre 2005.

  • Augmentation des débats sur les question religieuses

Depuis les élections de novembre 2002 où, pour la première fois, une formation politique issue du mouvement "Vision nationale" (Millî Görüş, fondé par Necmettin Erbakan dans les années 1960) est arrivée seule au pouvoir, les débats sur les questions religieuses se sont envenimés plus que jamais. Alors que les dirigeants d’AK, parti au pouvoir, se démarquent de plus en plus de ce mouvement historique d’islam politique, se présentant comme des "musulmans démocrates" à l’instar des chrétiens démocrates des pays occidentaux, l’intelligentsia turque, les milieux militaires et les kémalistes les accusent de dissimulation de leurs véritables objectifs et déclarent ne pas croire à ce discours de changement.
Les débats atteignent régulièrement des pics sur des sujets comme la place de l’armée dans le pouvoir vue, par une partie des kémalistes, comme garante de la laïcité ; la question du foulard, interdit dans les écoles primaires et secondaires mais aussi dans l’enseignement supérieur ; les écoles d’imams et de prédicateurs (Imam hatip okullarý) et leur place dans l’enseignement général.

D 25 novembre 2005    ASamim Akgönül

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