Les aumôneries des institutions militaires et du système pénitentiaire
L’assistance religieuse dans les institutions publiques a été règlementée assez rapidement après la mise en place de l’Etat roumain moderne : en 1870, un règlement du clergé militaire de l’armée permanente prévoyait la présence d’un prêtre orthodoxe dans chaque bataillon de l’armée. La loi sur le clergé militaire de 1921, la loi pour l’organisation de l’Eglise orthodoxe roumaine et la loi pour le régime général des cultes de 1928 établissaient l’organisation du clergé militaire sous la forme d’un évêché de l’armée, administré par un hiérarque orthodoxe.
Après l’avènement du régime communiste, le décret n° 177/1948 pour le régime général des cultes élimine toute forme d’assistance religieuse dans les institutions publiques et dissout le clergé militaire. La possibilité d’une assistance religieuse aux militaires "sur demande" demeure dans le statut de l’Eglise orthodoxe roumaine, mais sans application concrète.
Après la chute du régime communiste, l’Eglise orthodoxe roumaine a réclamé au pouvoir provisoire d’autoriser l’assistance religieuse dans les institutions médicales, militaires et pénitentiaires, dès janvier 1990, afin de rétablir une tradition juridique remontant aux débuts de l’Etat roumain moderne.
Dans une première étape, cette assistance est organisée d’une manière plus ou moins informelle par des accords avec les directeurs ou commandants des différents établissements concernés. Dans la Constitution de la Roumanie de 1991, l’Etat s’engageait à "faciliter" l’assistance religieuse dans ces institutions.
L’assistance religieuse dans les institutions militaires et dans le système pénitentiaire commence à être formalisée par la mise en place de protocoles inter-institutionnels entre les ministères concernés et l’Eglise orthodoxe roumaine majoritaire. Des protocoles sont ainsi signés en octobre 1993 (revisé en 1997) avec le ministère de la Justice pour le système pénitentiaire, et en octobre 1995 avec le ministère de la Défense nationale pour les institutions militaires. D’autres accords similaires sont établis pour la police et les autres forces de l’ordre. Hors quelques différences spécifiques, ces protocoles comprennent plusieurs principes communs : l’Eglise orthodoxe est le principal partenaire des institutions publiques concernées par la mise en place de systèmes d’assistance religieuse ; les prêtres-aumôniers deviennent fonctionnaires au sein de ces institutions et sont soumis tant à la discipline interne de ces institutions qu’à la discipline canonique (principe de la double subordination des aumôniers) ; les aumôniers ont des attributions aussi bien spirituelles qu’éducatives, mais pas exclusivement ; les prêtres orthodoxes sont les médiateurs de l’assistance religieuse pour les personnes appartenant à d’autres cultes, leur assurant l’accès à une assistance dans la religion de leur choix ; les institutions concernées doivent assurer le financement de la construction de lieux de culte pour leurs établissements respectifs. Les aumôniers du système pénitentiaire ne sont pas membres du clergé militaire.
En 2000, une loi sur le clergé militaire consacre la mise en place d’un système unifié d’assistance religieuse dans les institutions militaires, les forces de l’ordre et le système pénitentiaire. Les aumôniers de toutes ces institutions appartiennent désormais au clergé militaire. La loi est forgée sur le modèle du protocole de 1995 passé entre l’Eglise orthodoxe roumaine et le ministère de la Défense. Les principes généraux des protocoles sont préservés. Les prêtres aumôniers des prisons sont, eux aussi, assimilés au clergé militaire. La possibilité de recruter un second prêtre pour la même unité, de même qu’un chantre, est ouverte dans certaines conditions. La loi ouvre aussi, explicitement, l’accès à ces institutions des aumôniers appartenant aux autres cultes reconnus, que ce soit par le recrutement à titre permanent dans certaines unités (où il existe une majorité de fidèles ayant déclaré appartenir au culte concerné) ou par des contrats à durée limitée.
La loi sur le clergé militaire développe également le système d’assistance religieuse dans les institutions concernées et se propose de l’homogénéiser, mais cela au moment même où ces institutions commencent à se réformer : le système pénitentiaire est démilitarisé progressivement, de même que la police, et l’armée elle-même commence à évoluer d’une armée de conscription à une armée professionnelle.
Le système de l’assistance religieuse dans les institutions publiques a rarement été contesté et n’a pas fait l’objet de grands débats publics. L’Association pour la défense des droits de l’homme de la Roumanie – Comité Helsinki a surtout signalé, dans les années 1990, les difficultés de plusieurs cultes minoritaires à obtenir pour leurs fidèles un accès à l’assistance religieuse dans ces institutions. Des problèmes du même ordre ont été signalés à plusieurs reprises dans l’International Freedom Report du Département d’Etat américain. L’association Solidarité pour la liberté de conscience (une association humaniste) a par ailleurs contesté dans un rapport publié en 2005 le principe du financement de la construction de lieux de culte dans les institutions publiques.
La loi 489/2006, concernant la liberté religieuse et le régime général des cultes, n’apporte pas de nouveauté concernant le système d’assistance religieuse dans les institutions évoquées ici. Elle confirme le soutien de l’Etat aux diverses activités des cultes reconnus. En reconnaissant aux cultes le statut de "prestataires de services sociaux" (art. 10.7) et en autorisant la mise en place de partenariats entre les institutions publiques et les cultes reconnus "dans des domaines d’intérêt commun", elle pourrait permettre – sans le viser directement – le développement de la dimension sociale de l’assistance religieuse dans les prisons.
En 2010, le nombre des prêtres orthodoxes actifs dans les institutions militaires et pénitentiaires était de 134.
2 octobre 2012