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2023

D 24 octobre 2023   

2020

D 17 novembre 2020   

2018

20 novembre 2018 : proposition de subventionner la théologie dans l’enseignement universitaire
Le ministère de l’Éducation et des Sciences bulgare a proposé aux étudiants de certains domaines (...)

  • 20 novembre 2018 : proposition de subventionner la théologie dans l’enseignement universitaire

Le ministère de l’Éducation et des Sciences bulgare a proposé aux étudiants de certains domaines d’études, à savoir les mathématiques, la chimie, la physique, la pédagogie et la théologie, de ne pas payer de taxes universitaires. Si le choix des quatre premiers est déterminé par la pénurie de professionnels dans ces domaines, la justification n’est pas clairement énoncée en ce qui concerne la théologie. Par ailleurs, les universités de Bulgarie n’offrent que des programmes en théologie orthodoxe. Les autres religions ne disposent pas de formation théologique de niveau universitaire reconnue par les autorités bulgares.

Source : “Le ministère de l’Éducation et des Sciences propose à l’État de subventionner l’enseignement universitaire dans le domaine de la théologie” [Vissheto obrazovanie po teologiya da stane bezplatno, predlaga Ministerstvoto na obrazovanieto], Dveri.bg, 17 octobre 2017 (en Bulgare).

  • 13 novembre 2018 : discussions sur les amendements de la loi relative aux confessions religieuses en Bulgarie (mai à octobre 2018)

Début mai 2018, deux projets de loi relatifs à la religion ont été soumis au parlement bulgare. Le premier (n° 854-01-34/04.05.2018) était soutenu par le parti politique GERB (Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie), c’est-à-dire la première force politique actuelle du pays, ainsi que par deux partis de l’opposition, à savoir le BSP (Parti socialiste bulgare) et le DPS (Mouvement pour les droits et la liberté). Le second projet (n° 854-01-35/09.05.2018) a été soumis par le Front patriotique, une alliance de trois petites formations nationalistes, le NFSB (Front national pour le sauvetage de la Bulgarie), le VMRO (parti politique nommé d’après l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne, parti historique ayant lutté pour la libération de la Macédoine entre 1893 et 1944) et « Ataka » (parti coutumier d’une agressivité affichée à l’égard des musulmans de Bulgarie et à la base de critiques acerbes contre la politique de l’UE en matière de défense des droits des homosexuels). Cette alliance est devenue un partenaire clé de l’actuelle coalition au pouvoir en Bulgarie.

Les deux projets visent à renforcer le contrôle de l’État sur la participation de ministres du culte étrangers à l’administration et aux activités proposées par les confessions religieuses en Bulgarie, sur les dons étrangers aux communautés religieuses locales, sur l’utilisation (abusive) de la religion à des fins politiques, sur la gestion des finances des communautés religieuses, sur les règles d’enregistrement des nouvelles organisations religieuses, sur les procédures d’ouverture d’écoles religieuses, etc. À cet égard, le premier projet de loi prévoit des mesures et des sanctions plus modérées que celles du projet soumis par le Front patriotique. Autre différence : la référence du Front patriotique au soi-disant « radicalisme religieux ». Selon son projet de loi, le radicalisme religieux englobe « les activités, sermons, textes, déclarations ou appels d’organisations religieuses qui :
a) réfutent le caractère laïc de l’État, remettent en question l’État de droit, remplacent le droit civil par un autre ou donnent la priorité à un autre type de droit [par exemple, le droit religieux] ;
b) contredisent la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Charte des droits fondamentaux de l’UE et les actes internationaux liés ;
c) dressent les gens les uns contre les autres pour des raisons de religion ou de foi [sans que la différence entre religion et foi ne soit explicite] ;
d) prêchent, promeuvent ou justifient le terrorisme religieux et les guerres de religion ;
e) utilisent des symboles ou des signes d’organisations terroristes et coopèrent avec celles-ci ».

Le Front patriotique considère par ailleurs les amendements proposés comme des mesures contre la « politisation de la religion », définie comme une « violation du principe de séparation entre la sphère politique et la religion, qui met en danger la sécurité nationale », et comme une « utilisation abusive de toute confession religieuse, de ses organes dirigeants, des églises et des lieux de prière, des traditions et des rites à des fins politiques par une institution religieuse ou une organisation politique ». Ces deux documents, rédigés sans consulter les confessions religieuses locales et leurs administrations centrales, ont suscité une vague de critiques. De fin mai à début octobre, les administrations centrales des communautés religieuses de Bulgarie ont déposé une série de plaintes contre les deux projets de loi. Toutes ont convenu que les amendements proposés
 contredisent le principe de séparation des institutions religieuses et de l’État (Constitution bulgare, article 13.2),
 portent atteinte à la liberté de culte protégée par cette même Constitution (article 37)
 et ne prennent pas en considération les arrêts de la Cour constitutionnelle bulgare, interprétant les textes constitutionnels relatifs à la religion (arrêts n° 5 du 11 juin 1922 et n°2 du 18 février 1998).

En outre, les autorités religieuses ont souligné que bon nombre des amendements proposés avaient déjà été abordés dans d’autres lois spéciales, telles que le Code pénal, les lois relatives à la lutte contre le terrorisme, aux mesures de lutte contre le financement du terrorisme, à la gouvernance et au fonctionnement du système de défense de la sécurité nationale, à l’agence nationale de sécurité, à l’agence nationale des services de renseignement, aux mesures de prévention du blanchiment d’argent, à la limitation des paiements en espèces, etc.

Il a également été souligné que certaines de ces « innovations » constituent un retour à des actes normatifs et à des pratiques de l’époque communiste qui avaient été supprimés de la législation bulgare après la chute du régime communiste, comme l’interdiction des contacts entre les confessions religieuses locales et des organisations à l’étranger sans l’autorisation des autorités de l’État (loi de 1949 relative aux confessions religieuses, article 22).

Dans le même temps, les différentes communautés religieuses ont concentré leurs critiques sur différents textes des projets de loi proposés.

Le Saint-Synode de l’Église orthodoxe bulgare, qui représente la religion majoritaire dans le pays, a souligné l’immunité/inviolabilité de ses biens sur la base des canons créés au cours des premiers siècles du christianisme. Elle a affirmé que tout ce qu’elle a reçu par le biais de dons, d’héritages, de legs, etc. est devenu la propriété éternelle de l’Église et qu’aucune institution séculière n’est en droit de s’accaparer ces biens, tout en faisant preuve d’une attitude sélective par rapport aux changements proposés dans la politique financière de l’État à l’égard des organisations religieuses. Le Saint-Synode a ainsi accepté l’audit des dépenses des subventions issues du budget de l’État, mais a refusé de présenter des comptes sur ses revenus provenant de ses propriétés. À cet égard, il convient de mentionner que les revenus de l’Église provenant de ses propres ressources étaient contrôlés par l’État avant l’émergence du régime communiste. De plus, après la chute de ce régime, l’Église orthodoxe bulgare a récupéré l’ensemble de ses ressources économiques qui avaient été nationalisées par l’État athée. Elle est ainsi devenue le deuxième propriétaire de terres arables et de forêts le plus important du pays, après l’État. Elle a également récupéré ses droits de propriété sur l’industrie des cierges destinés aux églises et sur de nombreux immeubles de bureaux situés dans les centres-villes bulgares. En outre, l’Église orthodoxe bulgare a protesté contre le contrôle exercé par l’État sur les dons provenant de l’étranger. Or, jusqu’à présent, il n’existe pas de registre public des biens de l’Église orthodoxe, qui ne présente pas non plus de comptes publics de ses revenus et des dépenses correspondantes. En outre, en ce qui concerne les amendements relatifs aux dons aux communautés religieuses, il est important de mentionner que l’Église orthodoxe bulgare peut recevoir de tels dons non seulement de ses communautés issues de la diaspora, mais aussi d’autres Églises orthodoxes, comme l’Église orthodoxe russe, qui a commencé à faire de tels dons dès l’instauration du régime communiste en Bulgarie. Enfin, le Saint-Synode a accueilli favorablement l’idée que les prêtres orthodoxes soient rémunérés par le budget de l’État, mais n’était pas satisfait du plafond proposé pour cette subvention.

Selon lui, en vertu de cette règle, l’Église orthodoxe recevra moins d’argent par habitant que les autres confessions religieuses éligibles à cette subvention. Le bureau du grand mufti a quant à lui été particulièrement attentif à l’utilisation de l’expression « radicalisme religieux » et a souligné l’absence d’un tel terme et d’une telle définition dans les actes internationaux relatifs à la religion. Il a également protesté contre les amendements prévus, qui mettent en danger l’existence future de l’Institut supérieur d’études islamiques de Bulgarie, dénonçant par exemple la nouvelle compétence envisagée du Bureau fédéral des confessions religieuses à certifier les diplômes délivrés par des écoles religieuses.

Enfin, toutes les minorités religieuses, à l’exception de la minorité musulmane, ont critiqué l’introduction d’un nouveau critère d’éligibilité des communautés religieuses aux subventions de l’État. Selon ce critère, seules les confessions religieuses dont le nombre de fidèles dépasse 1 % de la population bulgare peuvent se voir octroyer ce soutien financier. Ces minorités ont par ailleurs fait remarquer que lors du recensement de 2011, les citoyens bulgares n’étaient pas tenus de déclarer leur confession religieuse, leur langue maternelle et leur autoreconnaissance ethnique, si bien que les communautés religieuses n’avaient aucune idée que les données du recensement seraient utilisées pour calculer les subventions accordées par l’État.

Le 11 octobre 2018, lors de la première discussion parlementaire concernant les deux projets de loi, le parlement bulgare a pris la décision de les unifier mécaniquement en un nouveau projet de loi, enregistré sous le n° 853-14-10, qui fera l’objet de nouveaux débats devant ce même parlement.

Sources :
1. Projet de loi proposé par les députés du Parti politique "Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie" (GERB), du Parti socialiste bulgare (BSP) et du Mouvement pour les droits et les libertés (DPS). Enregistrée sous le numéro 854-01-34 le 4 mai 2018. La page web contient également des liens vers les déclarations des différentes communautés religieuses sur ce projet de loi.
2. Projet de loi proposé par les députés du Front patriotique uni composé du Font national pour le sauvetage de la Bulgarie (NFSB), du VMRO (un parti politique portant le nom de l’Organisation révolutionnaire interne macédonienne historique qui a lutté pour la libération de la Macédoine entre 1893 et 1944), et du Parti politique "Ataka". Enregistré sous le numéro 854-01-35 le 9 mai 2018. La page web contient également des liens vers les déclarations des différentes communautés religieuses sur ce projet de loi.
3. Projet de loi unifié sur l’amendement de la loi sur les dénominations religieuses. Enregistré sous le n° 853-14-10 le 19 octobre 2018.

D 13 novembre 2018    ADaniela Kalkandjieva

2017

Mars 2017 : Un prêtre catholique quitte la Bulgarie après des manifestations contre l’Église abritant une famille de réfugiés syriens
La crise migratoire de l’année dernière a provoqué (...)

  • Mars 2017 : Un prêtre catholique quitte la Bulgarie après des manifestations contre l’Église abritant une famille de réfugiés syriens

La crise migratoire de l’année dernière a provoqué différentes réactions dans la société bulgare. Certaines villes et certains villages ont accueilli les réfugiés avec hospitalité, comme c’est le cas du village de Banya près de la ville de Nova Zagora, mais il existe aussi des endroits où la population n’a pas permis aux nouveaux arrivants de s’installer et d’envoyer leurs enfants dans les écoles locales (par exemple le village de Kalishte ou les villes d’Elin Pelin et de Béléné). Selon ces derniers, tous les migrants, même ceux qui ont légalisé leur statut, représentent une menace sérieuse pour les communautés où ils vont s’installer. Certaines maires refusent même d’enregistrer ces réfugiés. L’un des derniers exemples de ces actes de rejet a eu lieu dans la ville de Béléné, sur les rives du Danube, célèbre pour la communauté de catholiques romains qui y vit depuis des siècles.

Début mars 2017, l’Agence des réfugiés de l’État bulgare s’en est remis au père Paolo Cortese, responsable de la paroisse catholique de Béléné, qui s’était porté volontaire pour héberger des réfugiés, à l’appel du pape. Il était invité à accueillir dans sa maison une famille syrienne avec deux enfants, qui avait obtenu le statut humanitaire légal. Les nouveaux arrivants ont été accueillis par la paroisse locale. Néanmoins, un des conseillers municipaux a initié des manifestations contre l’hébergement des réfugiés, affirmant que le prêtre n’avait pas demandé l’autorisation de la municipalité (voir Sofia Globe, 10 mars 2017). Il était soutenu par un groupe d’environ 30 personnes partageant le même état d’esprit, qui affirmaient que les réfugiés mettraient en danger la société locale. Après cette campagne, les réfugiés ont quitté la ville. Au même moment, le père Paolo a été rappelé de Béléné en raison des menaces de mort qu’il avait reçues du camp anti-réfugiés. Avant de partir, il a rappelé lors d’une interview les événements de mars 1943, lorsque les dirigeants de l’Église orthodoxe bulgare alors en exercice se sont opposés au projet de déportation des juifs bulgares et ont sauvé leur vie. Il a déclaré :

« Je n’ai pas réussi à protéger une famille paisible. Aujourd’hui, les Syriens sont des réfugiés. Il y a soixante-dix ans, les réfugiés en Europe étaient des Juifs. Demain, ce pourrait être nous. » (Sofia Globe, 12 mars 2017)

À cette occasion, la fondation « Vérité et souvenir » a lancé une pétition en soutien au père Paolo Cortese. En outre, un groupe de partisans du père Paolo Cortese a organisé une manifestation pacifique devant le bureau du président de la Bulgarie, mais n’a reçu aucune réponse (Nova Television, 12 mars 2017). Le Saint-Synode de l’Église orthodoxe bulgare a toutefois réagi en confirmant à nouveau sa déclaration sur la question des réfugiés de 2015 (rééditée en 2016).

D 20 mars 2017    ADaniela Kalkandjieva

2016

Novembre 2016
Le 26 novembre 2016, le Saint-Synode de l’Église orthodoxe bulgare (EOB) a publié un discours exclusif sur la crise des réfugiés, exprimant la crainte que les réfugiés des zones (...)

  • Novembre 2016

Le 26 novembre 2016, le Saint-Synode de l’Église orthodoxe bulgare (EOB) a publié un discours exclusif sur la crise des réfugiés, exprimant la crainte que les réfugiés des zones de conflit militaire au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ne mettent en péril l’existence de l’État bulgare. Le document signifie entre autres que la migration massive des non-indigènes représente un défi de taille, non seulement pour ces organes laïcs comme de nombreux gouvernements nationaux européens et la Commission européenne, mais aussi pour certaines églises chrétiennes. Il souligne également la difficulté de la hiérarchie de l’Église orthodoxe bulgare à traiter de la démocratie lorsque le pluralisme religieux est en jeu.

Au début de son discours, le Saint-Synode réfute les nombreuses critiques publiques de la position passive de l’EOB sur la crise des réfugiés. Les hiérarques commencent leur défense par des arguments relatifs à l’Église orthodoxe en général. Plus précisément, ils rappellent que cette Église ne prend pas de décisions hâtives, ni ne se plie aux opinions populistes ou aux opinions qui servent ceux qui sont au pouvoir. Puis l’attention est portée sur les devoirs de l’Église orthodoxe bulgare envers ses ouailles. En conséquence, le document parle de « notre troupeau […] confié à nos soins par le Seigneur Jésus-Christ ». Dans les phrases qui suivent, le Synode indique explicitement que les « foules qui viennent » vont remettre en question la stabilité et l’existence de l’État bulgare, et mettre en péril « l’équilibre ethnique existant sur le territoire de notre patrie bulgare ». Pour ces motifs, le Synode appelle le gouvernement national à ne pas « admettre plus de réfugiés dans notre pays ». Pour aller plus loin, le Synode ferme les yeux sur la séparation constitutionnelle de la religion et de l’État en Bulgarie et évoque son pouvoir exécutif « comme le gouvernement d’un État orthodoxe ». Plus précisément, les hiérarques de l’EOB demandent au gouvernement de travailler au niveau international pour l’arrêt immédiat des guerres au Moyen-Orient et en Afrique du Nord comme moyen de prouver son engagement envers la philanthropie et les normes européennes des sciences humaines. En outre, le Synode exige « de la manière la plus catégorique » que les représentants de l’État dans divers forums internationaux lancent une enquête pour déterminer si le christianisme en Égypte, en Syrie, en Irak, etc., est devenu l’objet d’un génocide religieux et quelles mesures ont été prises pour sauvegarder la tolérance religieuse et ethnique dans ces pays. À cet égard, le Synode formule des recommandations politiques concrètes au gouvernement bulgare, en disant notamment que ce dernier :
 « devrait concentrer ses ressources de politique étrangère sur […] la cessation des hostilités militaires plutôt que de se contenter de manifester sa solidarité avec les conséquences de leur interminable poursuite » ;
- « devrait prévoir et prendre en considération qu’il serait beaucoup mieux que les réfugiés […] soient des personnes qui s’intègreraient bien à notre environnement » (c’est-à-dire qu’ils « ne considèreraient pas comme moral […] le fait qu’ils seraient pris en charge par des membres d’une communauté chrétienne orthodoxe »).

Le Synode clôt son discours en avertissant que le gouvernement devrait s’attendre à des problèmes encore plus graves s’il ne respecte pas la deuxième condition. L’original bulgare du document et sa traduction officielle sont publiés sur le site de l’Église orthodoxe bulgare. À cet égard, il convient toutefois de mentionner que les deux textes ne sont pas totalement identiques. Alors que le texte bulgare ne parle que de « réfugiés », sa traduction reprend le terme plus vague de « migrants » qui ne fait pas la distinction entre ceux qui ont quitté leur pays pour éviter les périls de la guerre ou des persécutions politiques et religieuses, et ceux qui ont quitté leur pays à la recherche de meilleures conditions de vie économiques et sociales. Une différence non moins importante est le ton affirmé du texte bulgare et la modalité d’expression dans sa traduction officielle, par exemple le « must » bulgare devient « would like » en anglais.

 Septembre 2016 : La nouvelle loi bulgare interdit le port du voile intégral

Le 30 septembre 2016, le parlement bulgare a adopté une loi interdisant la couverture partielle et totale du visage dans les espaces publics (art. 2). La nouvelle loi permet l’utilisation de cette couverture pour des raisons de santé ou professionnelles ainsi que dans les cas d’événements sportifs, culturels ou éducatifs qui envisagent une couverture temporaire des visages des participants (art. 3.1). En même temps, les croyants sont libres de couvrir leur visage dans les lieux de prière des confessions religieuses enregistrées (art. 3.2). Cette loi définit la couverture de la bouche, du nez OU des yeux comme une couverture partielle du visage (art. 4.1). Elle prévoit également des amendes pour ceux qui enfreignent les nouvelles règles (art. 6).

En général, le projet de loi bulgare est en phase avec les restrictions similaires adoptées par d’autres États membres de l’UE. Il a été initié par les députés bulgares du Front patriotique en avril 2016. Selon eux, la couverture faciale contredit la nature laïque de l’État bulgare et cache un risque d’attentats terroristes similaires à ceux perpétrés en France et en Belgique. Ils sont d’avis que la propagation de la couverture faciale complète n’est pas le résultat d’un comportement religieux mais d’une démonstration du radicalisme islamique parrainé par les pays du Moyen-Orient, qui poursuit des objectifs purement politiques. Ils ont souligné le fait que la mode de la couverture totale du visage était importée du monde arabe et diffère des traditions de la population musulmane locale, qui habite les terres bulgares depuis des siècles. Leur premier projet prévoyait une interdiction du port du voile (voir le texte bulgare du projet de loi). Voter celui-ci signifierait interdire le foulard traditionnel musulman. Plus tard, au cours des débats parlementaires, cette restriction a été levée. La version votée du projet de loi n’impose donc pas une telle interdiction.

Il est intéressant de constater que la loi débattue a été précédée par les décisions de plusieurs conseils municipaux qui ont interdit le port du voile intégral aux habitants. Le premier d’entre eux a été le conseil municipal de Pazardzhik, où, en quelques années, de nombreuses femmes roms musulmanes ont adopté la coutume de couvrir entièrement leur corps et leur visage. Selon les représentants de l’administration communale et des structures politiques locales, ces femmes ont reçu de l’argent pour adopter ce code vestimentaire. Ils ont donc infligé une amende de 300 levs bulgares (environ 150 euros) afin d’éliminer les motifs économiques derrière ce comportement. L’exemple de Pazardzhik a été suivi par d’autres villes bulgares alors que leurs administrations n’ont enregistré aucun cas de burqa. Cette mesure était justifiée comme une mesure préventive contre la propagation de l’islam radical.

Voir aussi :
 Siobhan Fenton, “Bulgaria imposes burqa ban – and will cut benefits of women who defy it”, Independent, 1 October 2016 ;
 Kristina Beck, “Bulgarians ban the veil, echoing European trend”, The Christian Science Monitor, 1 October 2016.

  • Avril 2016 : Amendements déposés à la loi bulgare sur les confessions religieuses

Deux projets de loi, proposant des modifications à l’actuelle loi sur les confessions religieuses, ont été déposés au parlement bulgare en mars 2016. Le premier a été initié par Georgi Kadiev, ancien député du Parti socialiste bulgare (BSP), et le second par ses anciens collègues du groupe parlementaire du BSP. Ces deux documents demandent un contrôle accru de l’État sur la citoyenneté et la formation professionnelle des ministres du culte, ainsi que sur l’origine des ressources financières des ordres religieux en Bulgarie. Si le projet de loi de Georgi Kadiev répond à la menace d’une radicalisation des communautés religieuses en général, le projet du BSP est plus précis. Ce dernier est en effet motivé par des « tendances récemment enregistrées à la diffusion des traditions religieuses étrangères et à la propagande des religions et des enseignements confessionnels de nature douteuse, voire agressive » dans la société bulgare. Plus précisément, les auteurs du projet de loi du BSP pointent du doigt la propagande de « l’islam radical dans certains endroits du pays ». Ils alertent aussi sur les activités des religions étrangères, sans enregistrement judiciaire, dont « les rites, les coutumes et les particularités ne sont pas simplement étrangers aux Bulgares, mais présentent une ingérence flagrante dans la paix intérieure, et une menace pour la sécurité nationale de la Bulgarie ».

Les documents discutés présentent de nombreuses similitudes. Ils promeuvent en particulier le principe selon lequel les dénominations religieuses en Bulgarie devraient être des « dénominations religieuses bulgares ». Selon lui, seules les structures religieuses enregistrées par la justice bulgare sont éligibles à l’exercice d’activités religieuses. En outre, seuls les citoyens bulgares et européens devraient être autorisés à endosser le rôle de religieux ou ministres du culte à l’intérieur du pays. Les ministres religieux qui viennent de l’extérieur de l’UE ne seraient autorisés à le faire qu’après en avoir informé la direction des affaires religieuses au Conseil des ministres (et avoir présenté un ensemble de documents, selon la proposition du BSP), et pour au plus 2 (dans le projet du BSP) ou 3 (dans le projet de Kadiev) mois.

Le projet de loi de Kadiev prévoit également que la direction des cultes tienne un registre avec les coordonnées de tous les ministres religieux. Un autre amendement important dans ce document concerne les diplômes reçus des institutions étrangères pour l’éducation religieuse. À cet égard, Georgi Kadiev propose d’établir une liste des institutions d’éducation religieuse reconnues par l’État bulgare. Seuls les anciens de ces institutions auraient le droit d’agir en tant que ministres du culte en Bulgarie. Les députés socialistes mettent à leur tour l’accent sur la « sécurité nationale ». Dans leurs motivations aux amendements proposés, ils déclarent que la liberté de religion est incompatible avec toute prédication contre l’unité territoriale et la souveraineté nationale de la Bulgarie, ou contre l’ordre constitutionnel du pays. En outre, le projet socialiste impose une interdiction de l’établissement de confessions religieuses parallèles. Cela ne donne aucune chance de s’enregistrer auprès d’organismes qui répètent de facto l’enseignement religieux et les principes d’une confession religieuse déjà légalement enregistrée. Très probablement, cet amendement vise à empêcher le rétablissement de structures telles que le bureau du chef alternatif Mufti ou le synode alternatif de l’Église orthodoxe bulgare, et les complications éventuelles que ces structures religieuses peuvent entraîner, par exemple le cas de Hasan et Chaush c. Bulgarie ou le cas du Saint-Synode de l’Église orthodoxe bulgare (Innocent, métropolite de Sofia).

La dernière série de changements proposée par Georgi Kadiev et ses collègues du Parti socialiste envisage une série de mesures pour garantir la transparence des affaires financières des confessions religieuses en Bulgarie, ce qui a été omis par les auteurs de la loi de 2002 sur les confessions religieuses. Les projets contiennent des exigences pour les rapports annuels des organes religieux sur leurs activités financières. Il est intéressant de noter que ces rapports financiers sont adressés à la Direction des confessions religieuses et non directement aux autorités publiques correspondantes. En vertu de ces règles, la Direction déciderait s’il y a des problèmes et des lacunes dans les rapports soumis, et elle devrait alors entreprendre les démarches nécessaires à leur solution. À cet égard, le projet de loi socialiste envisage que tous les rapports soient publics et publiés sur le site internet du Journal officiel. Enfin, les deux projets de loi proposent une augmentation sérieuse des amendes pour violation de la loi sur les cultes.

Sources :

  • Projet de loi sur l’amendement et complément à la loi sur les cultes religieux, proposé par le député indépendant Georgi Kadiev, enregistré sous le numéro 654-01-26 le 1er mars 2016 (en bulgare).
  • Projet de loi sur l’amendement et le supplément à la loi sur les cultes religieux, proposé par un groupe de parlementaires du parti socialiste bulgare, le parlementaire indépendant Georgi Kadiev, enregistré sous le numéro 654-01-32 le 14 mars 2016 (en bulgare).

Voir aussi : "Proposed changes to laws on religions in Bulgaria spark ire”, Sofia Globe, 30 March 2016.

D 12 octobre 2016    ADaniela Kalkandjieva

2015

Janvier 2015 : Attentat contre Charlie Hebdo : débats publics en Bulgarie
L’attentat terroriste contre le siège de Charlie Hebdo à Paris a provoqué une réaction immédiate au sein de la société (...)

  • Janvier 2015 : Attentat contre Charlie Hebdo : débats publics en Bulgarie

L’attentat terroriste contre le siège de Charlie Hebdo à Paris a provoqué une réaction immédiate au sein de la société bulgare. Apprenant la tragique nouvelle, les journalistes ont été les premiers à condamner cet acte. Ils ont aussi organisé des manifestations de solidarité sous le slogan « Je suis Charlie », observant une minute de silence en hommage à leurs collègues français qui ont perdu la vie lors de cet horrible événement. Leur exemple a été suivi par des politiciens, des universitaires, des citoyens ordinaires... les chefs religieux les ont également rejoints. L’église orthodoxe bulgare a lu des prières spéciales pour les victimes de l’attentat terroriste. Le chef du Muftiat a publié une déclaration définissant l’agression contre les journalistes français comme une attaque contre tous les musulmans. Selon lui, non seulement les terroristes ont violé la loi de Dieu mais ils ont également imposé la menace de la ségrégation à l’égard de la communauté musulmane dans le pays et dans le monde (voir la déclaration du Grand Muftiat, 7 janvier 2015). Les juifs bulgares ont également organisé une cérémonie de commémoration consacrée aux victimes de Paris.

En outre, l’attaque contre Charlie Hebdo a provoqué une série de discussions dans les médias bulgares. Tout en condamnant unanimement le meurtre des journalistes comme acte contre l’humanité, les participants aux discussions étaient divisés sur la question de la liberté d’expression. La majorité l’a perçue comme une valeur absolue et a défendu les droits des journalistes et des caricaturistes à exprimer leur attitude à l’égard de toute religion, même si cela pouvait blesser les sentiments des croyants. Certains défendaient un point de vue opposé. De nombreux chrétiens et musulmans orthodoxes pratiquants ont trouvé les caricatures religieuses de Charlie Hebdo extrêmement humiliantes. Selon eux, il devrait exister des normes éthiques ou des limites à la liberté d’expression lorsque des questions d’intérêt religieux sont en jeu. Autrement, il n’existe aucune garantie contre les futurs cas de terrorisme d’inspiration religieuse. Sur ces bases, un des principaux journaux bulgares satiriques, Starshel [« Frelon »], a décidé de ne pas publier les dessins de Charlie Hebdo. Il est intéressant de noter qu’il y a eu une division similaire au sein des médias bulgares en 2005, lors de la controverse mondiale sur les caricatures danoises du prophète Mahomet. L’attentat terroriste contre Charlie Hebdo a toutefois eu un effet plus marqué sur les médias et la société en Bulgarie. Cela dépassait la question des caricatures. Certains journalistes se sont interrogés sur la pertinence du slogan « Je suis Charlie » dans le contexte bulgare. Ils ont demandé si le soutien aurait été le même s’il avait été question d’un nom musulman, par exemple « Je suis Mustafa », ou pourquoi le meurtre de chrétiens au Moyen-Orient n’a pas suscité le même type de réaction (Ahmed Ahmed Ahmedov, « Liberté d’expression entre deux extrêmes », site du Grand Muftiat).

Des débats publics ont également été initiés par des universitaires et des théologiens. Le problème de l’équilibre entre liberté d’expression et liberté de religion a suscité les discussions les plus houleuses. Les théologiens musulmans en particulier ont décrit la mort violente des journalistes et dessinateurs français comme un acte qui contredit l’esprit de l’islam en tant que religion de paix (voir le site du Grand Muftiat). Ils ont également déclaré que les croyants et les athées percevaient différemment la liberté de religion. De même, les théologiens et croyants orthodoxes considéraient que la liberté d’expression ne pouvait justifier le blasphème (voir Teodora Dimova, « Liberté sur pilote automatique » et l’entretien avec le Pr Kalin Yanakiev, 9 janvier 2015). En parallèle, un site internet axé sur l’orthodoxie a publié une collection de caricatures orthodoxes pour démontrer une satire alternative qui épargne l’estime de soi des croyants (voir le site orthodoxe « Dveri », 11 janvier 2015).

À leur tour, les universitaires offraient une perspective différente de l’événement parisien. Le professeur Vladimir Gradev, philosophe, a défendu l’idée qu’il ne devrait pas exister de limites à la liberté d’expression. Selon lui, le message des caricatures relève de la conscience personnelle de leurs auteurs, tandis que leur appréciation finale est entre les mains de la société. Pourtant, les attaques terroristes comme celles perpétrées contre Charlie Hebdo suscitent également des questions parmi les chrétiens sur leur propre tradition, leur identité et leur rôle dans le monde contemporain. Anna Krasteva, professeure en sciences politiques, a également analysé la sensibilité identitaire accrue suite à l’attentat terroriste. Elle a abordé ce cas dans le contexte du choix de la société contemporaine entre fanatisme et laïcité. Selon elle, la manifestation internationale de solidarité avec Charlie Hebdo ne signifie pas l’acceptation du message de leurs caricatures, mais illustre le soutien de la liberté d’expression et la protestation du terrorisme (voir le débat public « Les fantasmes religieux sous contrôle ?! », organisé par la Red House – Sofia (2 février 2015), le 25 février 2015 et disponible sur Youtube). À son tour, Arif Abdullah s’est intéressé aux menaces pour la laïcité et le pluralisme dans le monde contemporain. Il a souligné qu’une guerre était en cours contre le terrorisme et non contre la religion, et a affirmé que des cours sur l’islam dans les écoles publiques bulgares, donnés par des enseignants bien formés, aideraient à prévenir une radicalisation de l’islam en Bulgarie. Simeon Evstatiev, qui enseigne les études arabes à l’Université de Sofia, a souligné que tous les musulmans n’acceptaient pas les valeurs occidentales comme universelles. Enfin, Kalin Yanakiev, professeur d’anthropologie culturelle au sein de la même université, a partagé son point de vue selon lequel Charlie Hebdo est lui-même un exemple de laïcité militante, et que le slogan « Je suis Charlie » est trompeur. Selon lui, il existe un danger pour ceux qui refusent de soutenir ce slogan d’être identifiés avec les partisans de Poutine, ou d’être perçus comme des fondamentalistes religieux.

D 18 mars 2015    ADaniela Kalkandjieva

2014

Le statut de la propriété des ordres religieux en Bulgarie
Le 16 juillet 2013, un groupe de députés de la 42e Assemblée nationale bulgare nouvellement élue a proposé divers amendements légaux (...)

  • Le statut de la propriété des ordres religieux en Bulgarie

Le 16 juillet 2013, un groupe de députés de la 42e Assemblée nationale bulgare nouvellement élue a proposé divers amendements légaux concernant la restitution des propriétés des ordres religieux de Bulgarie, l’exemption d’impôts à l’égard de ces biens, ainsi que les conditions de travail des ecclésiastiques et ministres du Culte, y compris leur retraite et assurance santé.

Le 7 novembre 2013, l’Assemblée nationale bulgare a adopté par vote l’un de ces amendements. Ce dernier a plus précisément modifié le texte de l’Article 24, § 9, de la Loi sur les impôts et charges locaux. L’ancienne version de cette réglementation prévoyait une exonération d’impôt pour « les lieux de culte appartenant aux ordres religieux légalement enregistrés dans leur pays ». Le nouveau texte fait état d’une exemption non seulement à l’égard de ces bâtiments, mais aussi pour « la propriété foncière [pozemleni imoti en bulgare] où ils ont été bâti », c.-à.-d. également les propriétés qui appartiennent aux ordres légalement enregistrés.

Parallèlement, les amendements qui concernent les conditions de travail, la retraite et l’assurance santé du clergé n’ont suscité aucun débat public. Considérant que les hiérarques du diocèse orthodoxes avaient pour habitude de rémunérer leurs prêtres avec des bougies, il paraît étrange que ces derniers gardent le silence sur ce point. Qui plus est, en 2010, le Podrepa Trade Union a annoncé que le Saint Synode de l’Église Orthodoxe Bulgare devait environ 1,75 million € à la Caisse Nationale de Retraite et à la Caisse d’Assurance Maladie. Depuis, le problème a disparu de la scène publique et, à l’heure actuelle, la société ignore qui finance les assurances santé et la retraite de ce groupe professionnel. On ignore également si ce problème est spécifique à l’Église orthodoxe bulgare, qui représente la majorité religieuse du pays, ou si d’autres ordres religieux nationaux sont concernés.

L’amendement qui a suscité les débats les plus houleux au sein de la société bulgare concerne cependant les revendications en matière de propriété des ordres religieux sur certains bâtiments urbains (principalement pour les musulmans) et les fouilles archéologiques (surtout pour l’Église orthodoxe bulgare). Le projet de loi du 16 juillet 2013 initie une seconde vague de restitution de ces biens en Bulgarie. La première vague, entamée avec les lois de restitution de 1991 et 1992 et qui s’est achevée en 2012, visait au retour des terres arables, des forêts, des industries, des propriétés urbaines et des autres biens confisqués par le régime communiste. De ce fait, l’Église orthodoxe a reçu 120 000 hectares de terres arables et de forêts, et les musulmans 80 000 hectares (voir l’article de S. Stoykov, en langue bulgare). De plus, ces deux ordres religieux ont restauré leurs droits de propriété sur de nombreux immeubles de bureaux et d’habitation (à l’exclusion des temples). À l’heure actuelle, il n’existe aucun registre des biens tangibles et intangibles remis. À cet égard, il est important de remarquer qu’aucune information publique n’a été donnée concernant le versement d’impôts sur les propriétés et revenus par les deux principaux ordres religieux, l’Église orthodoxe bulgare et l’administration musulmane. Cette première vague de restitution n’a pourtant soulevé aucun débat dans la société. À l’époque, l’utilisation abusive de ces biens révélée par les médias était au centre des principales préoccupations. Les gens étaient particulièrement agacés par le goût du luxe qu’affichaient certains métropolitains. Par conséquent, ils sont très critiques à l’égard du manque de transparence en matière de gestion des biens de l’église, ainsi qu’en ce qui concerne les dépenses des revenus résultant de ces biens.

La situation a changé après l’annonce du projet de loi de juillet 2013. Celui-ci proposait d’ajouter un nouveau paragraphe (§ 3) à l’Article 21 de la Loi sur les ordres religieux de 2002, qui précise : « les monastères, temples et lieux de prière qui existaient au moment de l’application de la présente loi, et qui ont été désignés comme étant des lieux de culte, ainsi que les propriétés foncières où ils sont construits, sont la propriété respective de l’Église Orthodoxe Bulgare - du Patriarcat bulgare, ou des autres ordres religieux enregistrés et de leurs branches locales ». Les auteurs revendiquent cet amendement comme une garantie de la liberté de religion, conforme à la Charte européenne des droits fondamentaux (article 10), la Constitution bulgare (Articles 13.1 et 37.1) et la Loi sur les ordres religieux de 2002 (Article 4.2). D’après eux, la séparation des institutions religieuses de l’État demande un traitement spécial des droits de propriété sur les lieux de culte. Dans leurs motivations, les auteurs du projet de loi évoquent le fait que les églises, les monastères et les lieux de prière constituent des res sacrae, et que cette catégorie spéciale de biens immobiliers doit être exclue du domaine civil. Cela signifie que les lieux de culte, ainsi que les diverses propriétés des ordres religieux, doivent être exemptés des impôts nationaux et municipaux.

Cette proposition spécifique a toutefois suscité des débats houleux dans la société, et a même provoqué des conflits ouverts qui ont menacé la paix religieuse et ethnique en Bulgarie. Les critiques principales concernaient la restitution des propriétés religieuses. Elles se fondaient sur la force rétroactive et sans restriction des amendements. Selon les motifs du projet de loi, la restitution produit ses effets pour une période commençant au Baptême des Bulgares (864) jusqu’à aujourd’hui. D’une part, cette approche permet aux administrations des ordres religieux, dont l’Église orthodoxe bulgare, de revendiquer des droits de propriété concernant également les fouilles archéologiques. D’autre part, de nombreux temples ont vu leur objet modifié à plusieurs reprises au cours de la période concernée (les églises orthodoxes ont été converties en mosquées sous la domination ottomane ; les mosquées ont été converties en églises après la libération de la Bulgarie en 1878, puis les bâtiments religieux ont été transformés en lieux publics sous l’ère communiste). De ce fait, plusieurs communautés religieuses peuvent revendiquer des droits de propriété sur un même bâtiment. De plus, une telle situation implique les intérêts de groupes non religieux, notamment les archéologues qui s’opposent aux revendications de l’Église orthodoxe bulgare sur certains sites de fouilles. Enfin, les tensions au sein de la société sont aggravées par les poursuites judiciaires entamées par le Bureau du Grand Mufti qui prétend à la propriété de bâtiments urbains. Les cas les plus problématiques concernent les villes où la population musulmane est presque inexistante, dont les bâtiments n’ont jamais été des mosquées ou qui ont cessé d’avoir cette fonction avant d’être saisis par les communistes.

Afin d’adoucir les tensions relatives à la restitution des biens religieux, un groupe de députés de la 42e Assemblée nationale a proposé un nouveau projet de loi, déposé le 9 décembre 2013. Ce projet excluait les bâtiments servant actuellement de musée, galerie ou aux expositions archéologiques, et qui ont le statut de propriété publique ou municipale. Le Saint Synode de l’Église orthodoxe bulgare a toutefois protesté contre cette proposition qui allait à l’encontre des accords de propriété lui profitant sur certaines constructions. Parallèlement, les protestations contre les poursuites entamées par le Bureau du Grand Mufti continuent. Le 14 février 2014, des manifestations ont eu lieu devant le tribunal régional de Plovdiv, donnant lieu à des blessés et des arrestations. Le parti nationaliste Ataka a utilisé cet événement à son avantage et, le 19 février 2014, a déposé son propre projet de loi visant à empêcher les restitutions supplémentaires de biens religieux par voie judiciaire.

Sources :
Projet de loi 354-01-40/16 juillet 2013 (en bulgare), Projet de loi 354-01-91/9 décembre 2013 (en bulgare), Projet de loi N° 454-01-22 /19 février 2014 (en bulgare).

Stefan Stoykov, avocat, ‘If the New Law on religions enters in force : The Mufitiate and the Synod take back 1,000,000 hectares’, Pressa Daily, 18 septembre 2013.

Daniela Kalkandjieva, "The Bulgarian Draft Law on Religious Properties", voir Orthopuzzle.

D 7 août 2013    ADaniela Kalkandjieva

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