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École

L’éducation religieuse en Bulgarie

Contexte historique

Après la libération de la Bulgarie (1878), l’éducation religieuse est organisée selon les critères confessionnels hérités de l’Empire ottoman : l’encadrement de l’éducation religieuse est confié aux dirigeants religieux correspondants. Cependant, seule l’orthodoxie orientale, « la religion dominante » selon la première Constitution bulgare (1879-1947), est enseignée dans les écoles publiques. Durant la même période, les minorités religieuses obtiennent le droit d’organiser leur propre enseignement religieux dans les écoles privées musulmanes, catholiques, protestantes et juives. En conséquence, le budget de l’État prend uniquement en charge les cours relatifs à l’orthodoxie tandis que les cours des autres confessions sont payés par leurs propres sources de financement. Une autre différence essentielle concerne le personnel enseignant. L’Église orthodoxe bulgare n’a jamais été autorisée à recruter des prêtres en qualité d’enseignant religieux dans les écoles publiques, ainsi l’orthodoxie est enseignée uniquement par des enseignants laïques. Néanmoins, dans les écoles privées des minorités religieuses, l’éducation religieuse est confiée aux ministres du culte (imams, prêtres, religieuses, etc.). Parallèlement, les élèves des écoles publiques n’appartenant pas à la confession orthodoxe sont dispensés des cours d’enseignement religieux.

En dépit des avantages constitutionnels et financiers, l’enseignement religieux de l’orthodoxie reste assez peu développé dans la période précommuniste de la Bulgarie. Il est réservé à la deuxième, troisième et quatrième année d’école jusqu’en 1939 et n’est enseigné qu’une heure par semaine. Pendant la deuxième guerre mondiale, il s’étend à deux années supplémentaires dans l’enseignement secondaire. Par conséquent, lorsque le parti communiste bulgare cesse d’exercer le pouvoir dans le pays, l’expérience de l’Église orthodoxe locale en matière d’éducation religieuse est faible. Dans le milieu des années 1940, les tentatives de l’Église orthodoxe pour organiser des écoles du dimanche sont systématiquement bloquées par le régime communiste. Elles sont finalement interdites en février 1949 lors de l’adoption de la loi sur les confessions religieuses.

En outre, dans la période précommuniste de la Bulgarie, les confessions religieuses possèdent un réseau d’écoles pour la formation professionnelle de leurs ministres du culte. L’Église orthodoxe bulgare possède deux séminaires et plusieurs écoles pour les prêtres et les chanteurs des chœurs. L’Église catholique organise également de tels séminaires durant l’entre deux-guerres. A son tour, la communauté musulmane possède une haute école religieuse et dispense des cours aux imams. A la même époque, seuls des prêtres et des ministres du culte des communautés chrétiennes possèdent des diplômes universitaires. Jusqu’en 1917, la plupart des prêtres orthodoxes bulgares possédant une qualification élevée sont diplômés des écoles ecclésiastiques russes. Cependant, après la révolution bolchévique, ils sont contraints de rechercher d’autres possibilités de formation. Nombre d’entre eux se rendent en Allemagne ou en Suisse où ils obtiennent des diplômes dans les facultés de théologie protestante. En 1923, ils ont également la possibilité d’étudier en Bulgarie, en effet une faculté de théologie est créée à l’université de Sofia. En qualité de structure universitaire, elle bénéficie d’une indépendance administrative et financière par rapport au Saint-Synode de l’Église orthodoxe bulgare, mais ses programmes d’enseignement restent limités à la tradition orthodoxe orientale. Aucune autre confession religieuse n’obtient la possibilité de développer son propre enseignement théologique à un niveau universitaire.

L’éducation religieuse en Bulgarie durant la période postcommuniste

Après la chute du communisme, la religion réapparaît sur la place publique. Suite au changement politique, des tentatives afin d’organiser des cours de religion dans les écoles publiques ont lieu. Les premiers cours de religion se déroulent à l’automne 1996 sous la forme d’un projet pilote dans des écoles maternelles sélectionnées à Sofia. En 1997, une « Commission sur la religion » est mise en place au ministère de l’Éducation. Sa mission est de préparer un cursus pour l’étude de la religion dans les écoles publiques. Durant l’année scolaire 1997/98, la « Religion » est introduite dans les écoles publiques pour le deuxième, troisième et quatrième niveau en tant que matière facultative. L’enseignement de la religion est étendu au cours de l’année scolaire suivante et concerne les élèves de la première à la huitième année d’école. En 1999, des cours facultatifs de religion sont également organisés pour les élèves musulmans dans les régions avec une population musulmane importante.
Le renouveau de l’enseignement religieux dans les écoles publiques est stimulé dans une large mesure par les changements dans les programmes universitaires. En 1991, la faculté de théologie est rétablie et réintégrée à l’université de Sofia, après en avoir été dissociée en 1951 et transformée en école ecclésiastique sous la supervision du Saint-Synode de l’Église orthodoxe bulgare. La même année, une autre faculté de théologie orthodoxe est créée à l’université de Veliko Tarnovo. La communauté musulmane rétablit également leur haute école des études islamiques fermée par le régime communiste. En 1998, cette école est devenue l’institut supérieur des études islamiques. Puis, les Églises évangéliques de Bulgarie fondent également un institut supérieur des études bibliques en 1999. Cependant et jusqu’à présent, seule la théologie orthodoxe est présente dans les universités bulgares. L’institut supérieur des études islamiques et l’institut supérieur des études bibliques sont habilités pour les programmes de l’enseignement secondaire uniquement. C’est pourquoi, leurs diplômés poursuivent souvent leurs études à l’étranger puisque les universités bulgares ne proposent pas de programme de master en théologie non orthodoxe.
La loi sur les confessions religieuses adoptée le 21 décembre 2002 provoque une nouvelle étape dans le développement de l’éducation religieuse dans les écoles publiques bulgares. En parallèle, la loi relative aux diplômes scolaires, aux matières obligatoires et aux programmes scolaires est amendée. Ainsi, la « Religion » est intégrée dans les programmes scolaires comme l’une des huit matières obligatoires avec les sciences sociales et l’éducation civique (article 10 §4). Des cours sont ajoutés en langue maternelle et en religion aux matières dites « matières obligatoires optionnelles » qui déterminent le nombre minimum d’heures nécessaires à l’obtention d’un diplôme défini (article 10 §3).

En 2003, les règles d’application de la loi relative à l’éducation sont également modifiées. Elles autorisent l’étude de la « Religion » en tant que matière « obligatoire optionnelle » ou matière « optionnelle de choix libre » dans toutes les écoles publiques (article 4 §3). Sur cette base, les cours de religion sont étendus et couvrent l’ensemble de la scolarité (niveaux I à XII). Les règles définissent que la « Religion » doit être étudiée en termes de philosophie, d’histoire et de culture au moyen du matériel pédagogique mis à disposition dans les différentes matières scolaires (article 4 §2). Le 23 juin 2003, le ministère de l’Éducation et des Sciences publie Instruction N° 2 (Consignes n° 2) concernant l’étude de la religion dans les écoles publiques. Les consignes prévoient l’organisation de deux types de cours : « Religion » et « Religion-Islam » (article 3 §3). « Religion-Islam » est spécialement conçu pour les élèves musulmans. En suivant cette approche confessionnelle, l’article 11 définit que les diplômés des facultés de théologie orthodoxe et de l’institut supérieur des études islamiques sont les seuls professionnels qualifiés pour l’enseignement de ces matières.

En 2007, un conseil public nommé par le ministère de l’Éducation et des Sciences mandate une équipe interdisciplinaire de spécialistes afin de développer un nouveau concept pour l’éducation religieuse dans les écoles publiques. Ce concept est le premier à prendre au sérieux le cadre juridique de l’éducation religieuse dans les écoles publiques. Il tient compte non seulement de la législation nationale mais également de tous les actes internationaux ratifiés par la Bulgarie. Le conseil ne propose pas un rétablissement mécanique des modèles précommunistes, ni une imitation des modèles existants dans les autres pays orthodoxes comme la Grèce, la Roumanie et la Russie. Il prend en considération les caractéristiques spécifiques, de même que les forces et les faiblesses qui se sont révélées durant la première décade de l’éducation religieuse en Bulgarie (1997-2007). Le conseil respecte également le droit des communautés et institutions religieuses d’organiser leurs propres écoles du dimanche ou leurs séminaires parallèlement aux cours de religion dans les écoles publiques. Cependant, en raison de la forte opposition du Saint-Synode de l’Église orthodoxe bulgare et du Bureau du grand Mufti, le concept est refusé et la forme précédente d’éducation religieuse reste préservée.

En conclusion, l’éducation religieuse en Bulgarie ne connaît pas un grand succès parmi les élèves en dépit de sa réussite initiale. En 1998/99, 25 000 élèves assistent aux cours de religion, mais ce chiffre tombe à 14 000 en 2006. Au cours des années suivantes, le nombre d’élèves inscrits aux cours de religion dans les écoles publiques bulgares n’a jamais dépassé 2 % du nombre total d’élèves.

Pour plus d’information, voir :
 Histro P. Berov, "Religion in the public education system of Bulgaria", in Gerhard Robbers (Hrsg.), Religion in Public Education – La religion dans l’éducation publique, European Consortium for Church and State Research, Trier, 2011, p. 73-86,
 Daniela Kalkandjieva and Maria Schnitter, "Teaching Religion in Bulgarian Schools : Historical Experience and Post-Atheist Developments", in Adam Seligman (ed.), Religious Education and the Challenge of Pluralism. New York : Oxford University Press, 2014, p. 70-95,
 Rositsa Atanasova, "Citizenship Education and Muslims in Bulgaria", in Ednan Aslan and Marcia Hermansen (eds.), Islam and Citizenship Education, Wiener Beiträge zur Islamforschung, Springer, 2015, p. 149-159.

D 7 janvier 2014    ADaniela Kalkandjieva

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