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Archives des débats

2023

Juin 2023 : La désignation de conseillers spirituels dans les écoles
L’enseignement religieux est obligatoire à l’école en Turquie en vertu de la Constitution turque de 1982. Il est dispensé (...)

  • Juin 2023 : La désignation de conseillers spirituels dans les écoles

L’enseignement religieux est obligatoire à l’école en Turquie en vertu de la Constitution turque de 1982. Il est dispensé par des enseignants spécialement formés, sous le nom de cours de « culture religieuse et morale ». De nouvelles dispositions prises récemment modifient cependant cet enseignement, et suscitent le questionnement dans le pays.

En effet, dans le but d’inculquer aux élèves des valeurs culturelles, spirituelles, morales, humaines et nationales, des « conseillers spirituels » (voir le document définissant cette profession rédigé par Mesleki Yeterlilik Kurumu, l’institution de qualification professionnelle) sont missionnés dans le cadre de protocoles signés entre les directions locales de l’Éducation nationale et les directions locales des Affaires religieuses.

De plus, selon l’article 9 de l’arrêté de décembre 2006 concernant les heures de cours et d’heures supplémentaires, en cas de pénurie d’enseignants, des directeurs et enseignants du ministère de l’Éducation nationale, et les fonctionnaires officiels autres que les directeurs et enseignants, ainsi que ceux qualifiés d’experts et de formateurs peuvent se voir confier des heures supplémentaires d’enseignement. Cette réglementation ouvre la voie à l’emploi de personnels non enseignant pour dispenser des cours dans les établissements scolaires. Notamment, en cas de pénurie d’enseignants pour les matières de culture religieuse et morale, des imams et d’autres ministres du culte peuvent être engagés sous contrat à durée déterminée pour dispenser ces cours.

Par ailleurs, les conseillers spirituels qui travaillent principalement dans les hôpitaux, les établissements de services sociaux, les établissements pénitentiaires et les bureaux de conseil familial peuvent également intervenir dans les écoles du fait des protocoles signés à cet effet. Les conseillers spirituels, rattachés à la Présidence des Affaires religieuses (Diyanet), peuvent ainsi être sélectionnés si nécessaire parmi les prédicateurs, les spécialistes des services religieux, les enseignants des cours coraniques et les enseignants.

Le projet Çevreme Duyarlıyım, Değerlerime Sahip Çıkıyorum (« Je suis sensible à mon environnement et je défends mes valeurs »), réalisé en collaboration entre le ministère de l’Éducation nationale de la République de Turquie, la présidence des Affaires religieuses de la République de Turquie et le ministère de la Jeunesse et des sports de la République de Turquie, ainsi que les protocoles signés localement, permettent aux ministres du culte d’intervenir en tant que conseillers spirituels dans les écoles.

Pour mieux former ces conseillers, certaines universités proposent même un programme de master intitulé « Conseil et orientation spirituelle », comme le master de l’université Zaim d’İstanbul qui comprend principalement des cours de psychologie et des enseignements sur les doctrines religieuses, notamment sur l’islam.

Ces derniers jours, les médias ont fait état de nominations de conseillers spirituels dans des villes telles qu’Eskişehir et İzmir, dans le cadre de ce projet et de ces protocoles qui permettent aux ministres du culte de donner des cours dans les écoles. Les principales critiques portent sur le fait que des personnes sans formation pédagogique puissent enseigner dans les établissements d’enseignement, et sur le fait que les cours dispensés par des religieux peuvent conduire à des discours qui impactent la liberté de croyance ou mènent à des polarisations.

D 13 juin 2023    AKerem Görkem Arslan

2019

Mars 2019 : Réactions de la Turquie à l’attaque terroriste en Nouvelle-Zélande
Le 15 mars 2019, 50 personnes ont été tuées dans deux mosquées à Christchurch, en Nouvelle-Zélande. Il s’agit en (...)

  • Mars 2019 : Réactions de la Turquie à l’attaque terroriste en Nouvelle-Zélande

Le 15 mars 2019, 50 personnes ont été tuées dans deux mosquées à Christchurch, en Nouvelle-Zélande. Il s’agit en effet de l’une des questions les plus tragiques de 2019. Il montre également le niveau mondial de l’augmentation des tensions ethno-religieuses parmi les individus et les groupes radicaux. Juste après cette tragique affaire, le président turc Recep Tayyip Erdoğan a condamné les attaques terroristes contre les mosquées. Il a vu dans cette affaire l’un des tristes exemples de la montée du racisme et de l’islamophobie.
Il a également déclaré : "Avec cet attentat, l’hostilité à l’égard de l’islam, que le monde observe sans rien faire et encourage même depuis un certain temps, a dépassé le stade du harcèlement individuel pour atteindre celui du massacre de masse... Il est clair que les idées portées par le tueur, qui visent également notre pays, notre peuple et moi-même, ont commencé à s’emparer des sociétés occidentales comme un cancer..." De même, le président turc, le chef de la présidence turque des affaires religieuses (Diyanet Isleri Baskanlığı), Ali Erbaş, a noté que cette attaque est l’un des exemples de la montée de l’intolérance à l’égard des musulmans dans les pays à majorité non musulmane. Au-delà de ces déclarations officielles, certaines communautés musulmanes sunnites de Turquie ont réagi aux attaques sur leurs comptes de médias sociaux.

D 19 mars 2019    AAhmet Erdi Öztürk

2018

Janvier 2018 : L’église orthodoxe bulgare historique d’Istanbul rouvre ses portes aux prières après sept ans de restauration
Le 7 janvier, les dirigeants de deux pays voisins, la Turquie et (...)

  • Janvier 2018 : L’église orthodoxe bulgare historique d’Istanbul rouvre ses portes aux prières après sept ans de restauration

Le 7 janvier, les dirigeants de deux pays voisins, la Turquie et la Bulgarie, ont rouvert l’église bulgare Saint-Étienne d’Istanbul après sept ans de restauration. Cette église a une structure unique en fonte. La réouverture de l’église représente un tournant remarquable, politiquement parlant, puisque cela marquerait l’ouverture de portes pour les minorités non musulmanes et leurs droits en Turquie.

Depuis 2002, la Turquie est le témoin de gouvernements successifs à parti unique sous l’AKP (Parti de la justice et du développement, Adalet ve Kalkınma Partisi), qui dispose d’un cadre de direction pro-islamique (sunnite). Avançant initialement un programme pro-démocratique, l’AKP a pris depuis 2010 un virage autoritaire clair, qui instrumentalise une rhétorique à la fois nationaliste et pro-islamiste pour mobiliser des soutiens et étouffer l’opposition. La nouvelle préférence politique a influencé l’identité et la bureaucratie de l’État, et les décideurs ont donc commencé à agir sans respecter les droits des non-musulmans en Turquie. En outre, ces préférences politiques pro-sunnites ont commencé à affaiblir la compréhension turque de la laïcité. Ainsi, Sumantra Bose, professeur de politique internationale et comparative à la London School of Economics and Political Science, a récemment affirmé que « l’État laïc turc est mort ». Soulignant les politiques hégémoniques de la majorité hanafite-sunnite du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir, il note que « l’État laïc de Kemal [père fondateur de la Turquie moderne, crédité de la laïcité du pays] n’est littéralement qu’un souvenir ».

Il existe a des indications claires que la compréhension turque de la laïcité pourrait être en danger et que l’État ne respecte plus les groupes non musulmans. Par exemple, le budget de la Diyanet sunnite (Présidence des affaires religieuses, Diyanet Işleri Başkanlığı) a quadruplé sous le régime de l’AKP. La Diyanet émet désormais des fatwa (décisions religieuses) à la demande et s’aventure dans des questions politiques, soutenant souvent l’idéologie pro-sunnite de l’AKP. Le programme scolaire national de la Turquie a été réécrit, excluant toute évolution mais ajoutant le concept de « jihad ». Le nombre d’élèves inscrits dans les écoles religieuses, officiellement appelées imam hatip, est passé de 60 000 à plus de 1,2 million depuis 2002. Par ailleurs, la plus grande mosquée de Turquie moderne est actuellement construite sur une colline de Çamlıca, surplombant Istanbul. Le président Erdoğan a déclaré qu’elle serait visible depuis n’importe où à Istanbul. Elle n’est qu’une des centaines qui sont sorties de terre ces dernières années à travers le pays, où il n’y a presque aucune nouvelle tentative pro-politique et/ou positive de fournir des lieux de culte aux non-musulmans.

Cependant, comme indiqué précédemment, dans cette atmosphère pro-sunnite, la réouverture de l’église orthodoxe bulgare et les messages des dirigeants turcs ont été étonnamment positifs. En d’autres termes, les phrases des dirigeants étaient pleines de tolérance religieuse et d’optimisme quant à l’avenir des non-musulmans de Turquie.

Par exemple, le Premier ministre turc Binali Yıldırım a noté que « la réouverture de l’église représente un exemple de l’atmosphère tolérante en Turquie ».

Après le discours de Yıldırım, le président turc Recep Tayyip Erdoğan a souligné qu’« une telle ouverture porte un message significatif pour l’audience internationale en [son] nom. Istanbul a une fois de plus montré au monde qu’elle est une ville où différentes religions et cultures existent en paix. » Et d’ajouter : « La Turquie a soutenu la restauration de plus de 5000 objets anciens au cours des 15 dernières années. »

Enfin, le Premier ministre bulgare Boïko Borissov a déclaré : « Il est de la responsabilité de l’État de veiller à ce que chacun puisse adorer librement », et ajouté que « des efforts pour "normaliser” les relations entre la Turquie et l’UE en 2018 » étaient nécessaires. À ce stade, il convient de noter que la Bulgarie a endossé la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne pour six mois le 1er janvier et est donc devenue un acteur important du processus de négociation entre la Turquie et l’UE.

Pour plus d’information, voir France 24.

D 15 janvier 2018    AAhmet Erdi Öztürk

2017

Juin 2017 : Le Professeur Ali Erbaş est nommé nouveau Président de la Diyanet Le 31 juin 2017, le Professeur Mehmet Görmez, religieux turc à la tête de la Direction des Affaires religieuses de (...)

  • Juin 2017 : Le Professeur Ali Erbaş est nommé nouveau Président de la Diyanet

Le 31 juin 2017, le Professeur Mehmet Görmez, religieux turc à la tête de la Direction des Affaires religieuses de Turquie (Diyanet), un département gouvernemental qui gère plus de 85 000 mosquées, fait ses adieux à son poste qu’il occupait depuis 2010. À la suite de Görmez, le Professeur Ali Erbaş est nommé nouveau président de la Diyanet. Le Professeur Erbaş a également été nommé Recteur de l’Université de Yalova.

Pour plus d’information voir tdv.org

  • Mars 2017 : Le président de la Diyanet, Görmez, s’est exprimé pour la deuxième fois lors de la 9e Conférence des ambassadeurs

La mise en œuvre par la Turquie du laiklik (comprendre « laïcité ») a eu une incidence importante : la mise en place de la présidence des Affaires religieuses (la Diyanet). La Diyanet est une unité administrative requise par la loi pour maintenir la structure laïque de l’État. Elle est néanmoins principalement chargée de la gestion de la religion, en particulier de la régulation de la foi et de la pratique musulmanes (qui signifie ici musulmane sunnite), de l’éducation religieuse, ainsi que de la construction et de l’entretien des lieux de prière. En outre, la Diyanet turque joue un rôle multidimensionnel et actif dans d’autres pays depuis plus de 30 ans. Cette année, pour la deuxième fois, le président de la Diyanet, le prof. Dr. Mehmet Görmez, s’est adressé aux ambassadeurs lors de la 9e Conférence des ambassadeurs. Bien que sa présentation traitait des développements récents dans le monde musulman et le monde occidental, Görmez a abordé deux questions cruciales. La première portait sur les luttes stratégiques avec le prétendu État islamique et d’autres organisations terroristes (supposément) confessionnelles. La seconde était directement liée à un problème de politique intérieure turque : le conflit entre l’AKP et le mouvement Gülen.

Il est à noter que si le Professeur Görmez s’adressait aux organisations terroristes, il affirmait que « le terme ‘jihad’, qui signifie en fait travailler et montrer des efforts au nom d’Allah, et inclut toutes sortes d’efforts des vrais croyants de l’islam, a été transformé en doctrine de guerre moderne ». Toujours selon lui, « De telles affirmations font perdre des occasions de promouvoir, d’introduire et d’expliquer l’islam comme religion d’amour, de paix, de compassion et de justice. Les musulmans et l’islam deviennent une source de peur ailleurs, surtout dans le monde occidental, en raison du cycle violent fanatique de ces mouvements. »

Source : Discours du prof. Mehmet Görmez.

D 7 novembre 2017    AAhmet Erdi Öztürk

2016

Octobre 2016 : Rapport du Diyanet sur le terrorisme
La Direction des affaires religieuses de la Turquie (le Diyanet) est une unité administrative laïque créée en 1924, avant la mise en œuvre (...)

  • Octobre 2016 : Rapport du Diyanet sur le terrorisme

La Direction des affaires religieuses de la Turquie (le Diyanet) est une unité administrative laïque créée en 1924, avant la mise en œuvre du code de la laïcité en 1937. Dans la Constitution de 1924, la religion de l’État turc est l’islam. Cette mention a été retirée de la Constitution en 1928. En 1937, le principe de Laiklik (laïcité) a été ajouté à la Constitution. La mission du Diyanet est d’exécuter des services concernant la foi islamique et ses pratiques, d’éclairer la société sur la religion, et de gérer les lieux de prière. Depuis 1983, elle a également le devoir de fournir des services religieux aux Turcs vivant à l’étranger par le biais de la DITIB (Diyanet Isleri türk Islam Birligi [Union turco-islamique pour les affaires religieuses]). Bien que le poste attribué au Diyanet soit lié à la religion, ses mécanismes structurels et juridiques sont laïques, et il a récemment gagné une position de plus en plus politique, en particulier pendant la période de pouvoir Parti de la justice et du développement (AKP).

Par ailleurs, le Diyanet s’est doté d’une nouvelle posture, en phase avec les discours et les actions du parti au pouvoir. À cet égard, alors que le monde subit les activités terroristes de DAESH/ISIS, le Diyanet vient de publier un rapport, au moment où la Turquie participe à des opérations transfrontalières avec les forces de la coalition internationale pour s’opposer aux forces terroristes, sur sa mentalité, ses activités et ses relations avec l’islam. En outre, selon le Diyanet, l’un des objectifs de ce rapport est de contribuer au processus de sensibilisation.

Le rapport souligne quatre points importants :

1) Il explique l’idéologie et l’état d’esprit de l’organisation terroriste, du point de vue du bureau administratif religieux de la Turquie.
2) Il examine la compréhension islamique de l’organisation appelée DAESH/ISIS et leur approche des textes religieux, et fournit des informations sur ses processus de formation.
3) Il donne une réponse explicative à la revendication de DAESH/ISIS d’être le califat de l’islam.
4) Il classe différents groupes qui ont été poursuivis par DAESH/ISIS, comme Ahl-Al-Kitab (les gens du Livre, c’est-à-dire les chrétiens ou les juifs), les Yézidis, les femmes et les enfants.

Ahmet Erdi Öztürk
  • Septembre 2016 : La gestion de la religion en Turquie

Il existe aujourd’hui un débat en Turquie sur la laïcité et le Diyanet (Diyanet Işleri Başkanlığı, direction des affaires religieuses). Deux articles peuvent aider à comprendre le contexte de ces discussions, en soulignant l’importance du Diyanet et en expliquant la compréhension turque de la laïcité.

Tout d’abord, un rapport sur La gestion de la religion en Turquie (The Management of Religion in Turkey), publié par le Turkey Institute en 2014, décrit la relation entre religion et politique dans un pays à majorité musulmane. Cette relation a des implications plus larges pour la région voisine, en raison du fait que la Turquie se caractérise par une structure étatique laïque et une population majoritairement musulmane. En outre, les implications pour les minorités, le contrôle de la religion par l’État et la liberté de religion ou de croyance ont une grande importance non seulement pour la recherche universitaire et la discussion, mais aussi pour la prise de décision politique quotidienne. Cette analyse est très pertinente par rapport aux développements récents en Turquie, actuellement gouvernée par l’AKP (Parti de la justice et du développement), qui utilise la rhétorique religieuse et attire le public avec et par la sensibilité religieuse. Enfin, la gestion de la religion en Turquie a également un impact sur la démocratie, les droits de l’homme, l’égalité et la bonne gouvernance de la Turquie. En ce sens, elle sera suivie de près par l’Union européenne, comme l’indique son rapport sur la Turquie récemment publié.

Un article de Murat Somer, de l’université de Koç, « Moderate Islam and Secularist Opposition in Turkey » (« Islam modéré et opposition laïque en Turquie »), peut également intéresser, bien qu’ayant été publié en 2007. Tout en développant un argument basé sur des théories de consolidation démocratique et de concurrence religieuse et en discutant des raisons de l’opposition laïque au gouvernement, cet article analyse la façon dont le gouvernement d’un parti ancré dans l’islamisme modéré peut affecter la démocratie laïque particulière de la Turquie, le développement et les relations extérieures, ainsi que la façon dont les musulmans dans le monde se rapportent à la modernisation et à la démocratie.

Source : Istar Gozaydın and Ahmet Erdi Ozturk, The Management of Religion in Turkey, Turkey Institute, November 2014 ;
Murat Somer, "Moderate Islam and Secularist Opposition in Turkey", Third World Quarterly Vol. 28, No. 7, 2007, p. 1271–1289.

Ahmet Erdi Öztürk
  • Juillet 2016 : la tentative de coup d’Etat et la question religieuse

Durant la soirée du 15 juillet 2016, la Turquie a connu une tentative de coup d’Etat militaire, avortée. Dans l’histoire contemporaine de la Turquie, l’armée a pris le pouvoir quatre fois, directement en 1960 et 1980, et indirectement, en imposant une administration aux ordres, en 1971 et 1997. Ainsi, la tentative de juillet 2016 s’inscrit dans la « tradition » politique du pays où l’armée fut toujours la plus importante des forces politiques. Comme lors des précédents coups d’Etat militaires, là aussi le « religieux » était au cœur des débats, et l’est toujours.
Durant la nuit même de la tentative du putsch, le gouvernement du Parti de la Justice et de Développement (AKP) et surtout son leader incontesté, le Président de la République Recep Tayyip Erdogan, ont pointé du doigt leur ancien allié, le mouvement Hizmet, et son fondateur Fethullah Gülen, exilé aux Etats Unis depuis 1999.
Le mouvement Hizmet a été créé par cet ancien imam turc à la fin des années 1970 à Izmir, sur les bases de l’enseignement de Said-i Nursi. Le mouvement Hizmet (ce qui signifie service) a investi depuis les années 1990 deux secteurs-clé de la société, les médias et l’éducation, en Turquie mais également à travers le monde. Il est souvent comparé aux jésuites (ou à l’Opus Dei par ses détracteurs). Les sympathisants du mouvement, issus de milieux modestes, éduqués dans les écoles de Hizmet grâce à des bourses d’étude et au soutien de l’empire financier qu’est le mouvement, ont pu pénétrer l’appareil étatique dès les années 1990. Ils ont reçu l’aide et le soutien des divers gouvernements, mais leur ascension fulgurante coïncide avec l’arrivée au pouvoir des islamistes de l’AKP (Parti de la justice et du développement) en 2002. Au début des années 2000, l’AKP manquait cruellement de personnel éduqué pour conquérir l’appareil étatique, alors principalement laïciste et sous contrôle de l’armée. Pendant une décennie, le gouvernement AKP d’une part et le mouvement Hizmet de l’autre ont ainsi collaboré pour reformater le personnel fonctionnaire dans tous les ministères, y compris l’armée à travers les procès-fleuves Ergenekon dans les années 2007-2011. La coalition a volé en éclat, une fois que l’AKP a pu maîtriser tous les pans du pouvoir. En 2013, les scandales de corruption, révélés à travers les écoutes téléphoniques opérées par les policiers, accusés d’être proches de Hizmet, ont approfondi le divorce et depuis, une purge à l’envers a commencé. Justice, éducation, universités, médias, banques… tous les secteurs publics ou privés ont fait objet d’une chasse aux sorcières.
Celle-ci a pris des proportions phénoménales depuis la tentative de coup d’Etat. Mise sur le dos des officiers gulenistes (partisans de Fethullah Gülen), qui, dit la presse sous contrôle strict du gouvernement, avaient fomenté ce coup de peur d’être prochainement évincés de l’armée. D’autre y voient une manipulation du pouvoir, d’autres encore y décèlent une coalition contre nature entre gulenistes et laïcistes pour évincer Erdogan du pouvoir.
Quoi qu’il en soit, cette tentative de coup a créé une atmosphère mystique ultrareligieuse (pendant 48 heures, les mosquées ont appelé à tue-tête à la prière) et ultranationaliste (des rassemblements géants ont été organisés, avec la participation du parti kémaliste-nationaliste et du parti d’extrême droite, qui craignaient d’être sinon associés aux putschistes).
Depuis, la purge de l’Etat et du secteur privé continue à grande vitesse. Près de 200 000 fonctionnaires ont été déchus de leur statut. Des centaines d’écoles et universités ont été fermées, des dizaines de journaux et chaines télévisées interdites. Il s’agit d’un putsch, instrumentalisée par le pouvoir pour compléter la mutation d’un régime vers un système ultra-présidentiel où l’ensemble des pouvoirs sont regroupés entre les mains du Président, Recep Tayyip Erdogan. Depuis le 15 juillet, la moindre critique ou opposition est immédiatement accusée de putschisme et/ou de gulenisme. Les seuls à ne pas être inclus dans ce « Front National » à la turque est le parti proche des Kurdes et des démocrates, réduit à peau de chagrin, et coincé entre le marteau (une junte militaire doublée d’une confrérie ésotérique) et l’enclume (un régime autoritaire islamiste et nationaliste).

Samim Akgönül
  • 25 avril 2016 : Le président du Parlement turc voudrait une constitution religieuse

Le 25 avril 2016, Ismail Kahraman, le président du Parlement turc, a plaidé pour l’abandon du principe de laïcité dans le cadre de la réforme constitutionnelle souhaitée par le président Recep Tayyip Erdoğan. Kahraman estime que la prochaine constitution de la Turquie doit être religieuse puisque c’est un pays musulman.
Cette affirmation controversée a suscité de nombreuses réactions. Des manifestations contre le risque d’une constitution religieuse ont éclaté dans les grandes villes du pays (Istanbul, Ankara, Izmir), et ont été réprimées violemment par la police. Les partis de l’opposition (CHP, HDP) ont appelé à la démission du président du Parlement.
Toutefois, le projet de nouvelle constitution conserve l’idée de la laïcité, l’AKP n’a même pas évoqué l’éventualité de l’en retirer, a affirmé le 26 avril le chef de la commission constitutionnelle et député de l’AKP Mustafa Sentop.
Le Premier ministre Ahmet Davutoğlu a assuré le 27 avril que la nouvelle constitution turque maintiendrait le caractère laïque de l’Etat.

Sources : Habertürk, Cumhuriyet, Hürriyet, France 24.

Nihal Durmaz
  • Janvier 2016 : L’emploi du temps des fonctionnaires turcs aménagé pour la prière du vendredi

Le Premier ministre turc Ahmet Davutoğlu a annoncé mardi 5 janvier, lors d’une réunion du groupe parlementaire de son Parti de la justice et du développement (AKP), sa volonté de publier un décret qui aménagerait pour les fonctionnaires qui le souhaitent les horaires des pauses déjeuner, afin de pratiquer la prière du vendredi sans empiéter sur le temps de travail.

Source : Le petit journal-Istanbul.

Nihal Durmaz

D 1er septembre 2016    AAhmet Erdi Öztürk ANihal Durmaz ASamim Akgönül

2015

Décembre 2015 : les Alévis en grève de la faim pour protester contre les opérations militaires dans le Sud de la Turquie
Pour mettre fin au couvre-feu et aux opérations qui continuent dans (...)

  • Décembre 2015 : les Alévis en grève de la faim pour protester contre les opérations militaires dans le Sud de la Turquie

Pour mettre fin au couvre-feu et aux opérations qui continuent dans l’Est et le Sud de la Turquie, les organisations alévies implantées dans plusieurs régions de la Turquie ont lancé une grève de la faim le 29 décembre 2015. Ce mouvement a pris un caractère illimité et de nombreuses organisations alévies ou de la société civile s’inscrivent dans le mouvement en continu.
Les différentes organisations syndicales ou associatives soutiennent ce mouvement (DİSK, KESK, TMMOB, Kent Konseyleri, HDP, EMEP, İHD).

Sources : Evrensel et Cumhuriyet.

  • Mai 2015 : Légalisation du mariage religieux en Turquie

La Cour constitutionnelle de Turquie a annulé le 30 mai 2015 une loi qui interdisait de célébrer un mariage religieux avant le mariage civil. Cette loi, qui visait à l’origine à protéger la femme, a été considérée comme contraire aux droits fondamentaux inscrits dans la Constitution.

L’interdiction, qui date de 1936, visait à prévenir les mariages forcés, les mariages d’enfants mineurs et les abus, dans les régions où l’archaïsme et le patriarcat dominent. La loi visait également à protéger les droits des femmes et ceux de leurs enfants qui, en dehors du mariage civil, ne peuvent bénéficier des droits de succession, de la pension alimentaire et autres aides qu’obtiennent les couples mariés civilement. Mais, par 12 voix contre 4, les juges ont estimé que cette disposition contrevenait à l’égalité devant la loi, à la liberté religieuse et au respect de la vie privée. Ils ont relevé que la législation ne prévoyait aucune peine pour l’union libre, contrairement au mariage religieux, et y ont vu une discrimination.

Les associations de défense des droits des femmes craignent que cette nouvelle décision ne facilite les mariages forcés, les mariages des très jeunes filles et l’insécurité pour les femmes.

Sources : Laïcité-Revue de presse et Le Petit Journal-Istanbul.

D 31 décembre 2015    ANihal Durmaz

2014

Octobre 2014 : L’introduction des cours de théologie chrétienne dans les programmes des écoles en Turquie
L’enseignement de la religion à l’école a toujours été une question épineuse en (...)

  • Octobre 2014 : L’introduction des cours de théologie chrétienne dans les programmes des écoles en Turquie

L’enseignement de la religion à l’école a toujours été une question épineuse en Turquie, en particulier pour la communauté alévie, une branche hétérodoxe de l’islam. Des plaintes ont été exprimées par des ressortissants turcs alévis, concernant le contenu des cours de religion et de morale obligatoires dans les écoles, qui sont basés sur la compréhension sunnite de l’islam. Suite à cela, en septembre 2014, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu un verdict, déclarant que le système éducatif turc n’est pas encore en mesure d’assurer le respect des différentes convictions, et que la Turquie doit réformer son enseignement des programmes d’études religieuses dans les écoles.
Le gouvernement turc a critiqué le verdict en exprimant la nécessité de l’enseignement des valeurs morales pour prévenir une information religieuse qui serait néfaste et incorrecte. En ce début du mois d’octobre 2014, le ministre de l’Education nationale Turque a déclaré que l’enseignement de la théologie chrétienne serait inclus dans le programme des écoles pour les élèves issus de milieux chrétiens. Il a également annoncé la préparation d’un programme d’enseignement religieux par des citoyens juifs.

Source : Daily Sabah.

  • 22 septembre 2014 : le port du voile est désormais autorisé dans les lycées en Turquie

A la suite de la réunion du Conseil des Ministres du 22 septembre 2014, à Ankara, le porte-parole du gouvernement et vice-Premier ministre Bülent Arinç a annoncé que le règlement concernant les interdictions et les autorisations vestimentaires a été modifié. Selon les explications d’Arinç, le terme de « tête découverte » présent dans le paragraphe « e » de l’article 4 du règlement, ainsi que la dernière phrase de ce même paragraphe, ont été abrogés.
Ce changement est présenté comme une mesure destinée à élargir les libertés individuelles ; il a été cible de vives critiques. L’opposition laïque estime qu’il s’agit d’ un acte visant à renforcer l’islamisation du pays, en soulignant que les libertés ne sont élargies que dans un seul domaine.

Pour en savoir plus voir Le Nouvel Observateur.

  • 16 septembre 2014 : la CEDH appelle la Turquie à réformer l’enseignement obligatoire de la religion dans le système éducatif turc

A la suite de la mise en place de cours de religion obligatoire en Turquie, 14 citoyens turcs de confession alévie avaient demandé en 2005, la révision du programme d’enseignement de la culture religieuse et morale en tenant compte de la culture et de la philosophie alévie. Face à l’absence de réponse du ministère de l’Education, les mêmes avaient fait appel auprès de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) en 2011, estimant que le contenu des cours obligatoires de culture religieuse et morale mettait en avant l’approche sunnite de l’islam.
Le 16 Septembre 2014, la CEDH a donné son verdict en appelant la Turquie à réformer l’enseignement religieux à l’école. Rappelant que le système éducatif turc devait garder sa neutralité et son impartialité sur les questions religieuses afin de garantir le respect des différentes convictions, la CEDH a condamné la Turquie pour violation du droit à l’instruction. La cour a estimé que la Turquie devait rapidement mettre en place des moyens appropriés pour remédier à cette situation, en instaurant un système de dispense donnant un caractère facultatif à ces cours.
Suite à la décision de la CEDH, le premier ministre turc Ahmet Davutoglu a affirmé que la décision de la CEDH sera examinée par l’exécutif turc, tout en rappelant l’importance de l’enseignement d’une culture religieuse appropriée. L’arrêt sera définitif dans un délai de trois mois, si aucune partie ne demande d’ici-là son réexamen par la Grande chambre de la Cour.

Pour en savoir plus : Le Nouvel Observateur, Radikal (en turc).

  • Le mouvement des musulmans anticapitalistes de Turquie : un nouveau type d’action religieuse contre le pouvoir

Ces dernières années, on a pu constater l’apparition d’une nouvelle mouvance politico-religieuse sur la scène publique, en Turquie. Il s’agit du mouvement des musulmans anticapitalistes, dont la doctrine résulte du croisement de l’idéologie marxiste et du Coran. La participation de ces derniers à de nombreuses mobilisations sociales, tel que le mouvement de Gezi, le 1er Mai 2013, témoigne d’ une réappropriation du discours de gauche par les musulmans anticapitalistes. Par ailleurs, la participation d’activistes provenant de diverses sensibilités de gauche à la cérémonie de « rupture de jeûne » (yeryüzü sofrasi, iftar) organisée par les musulmans anticapitalistes témoigne du succès et de l’ampleur que prend ce mouvement.
Dans un article intitulé « Appartenir à l’islam sans paraître musulmans : le dilemme des alévis en Turquie » (Orient XXI, 23 Janvier 2014), Samim Akgönül propose une analyse de ce mouvement de l’islam politique : « Depuis que l’islam politique est au pouvoir, et surtout depuis l’émergence d’une génération de musulmans intellectuels urbains, l’islam politique perd son caractère monolithique. Il abrite plusieurs tendances opposées. Un des exemples les plus surprenants de cette multiplicité des facettes de l’islamité politisée est l’émergence d’un groupe de jeunes musulmans qui s’opposent violemment au parti au pouvoir, le Parti pour la justice et le développement (AKP), principal représentant de l’islam politique en Turquie. Ces musulmans anticapitalistes reprochent au pouvoir islamiste d’être plus capitaliste… qu’islamiste. […]
Les musulmans anticapitalistes turcs sont souvent des jeunes issus des couches populaires, politisés à l’université, familiarisés avec les idées marxistes mais qui continuent à se définir comme musulmans. La conciliation entre une appartenance marxiste et une appartenance musulmane convaincue se fait à travers un certain nombre de principes islamiques interprétés comme fondements d’une position solidaire, sociale, socialiste et surtout anticapitaliste. Ce groupe ne s’oppose pas seulement au capitalisme de l’AKP. Il rejoint sur bien des points les autres mouvements politiques de la gauche socialiste et/ou libérale. […] ».

D 12 novembre 2014    ANihal Durmaz

2013

Novembre 2013 : grande réunion des alévis à Kadiköy
Les alévis de Turquie ont organisé une grande réunion à Istanbul le 3 novembre 2013 pour protester contre le « paquet démocratique » annoncé (...)

  • Novembre 2013 : grande réunion des alévis à Kadiköy

Les alévis de Turquie ont organisé une grande réunion à Istanbul le 3 novembre 2013 pour protester contre le « paquet démocratique » annoncé par le gouvernement en septembre 2013. Après la visite du Président de la République, M. Abdullah Gül, à un cemevi (lieu de culte alévi) à Tunceli en juillet 2013, visite qui marque un progrès dans la politique interne de la Turquie, près de 200 000 alévis se sont rassemblés à Istanbul dans le quartier de Kadiköy pour demander au gouvernement l’égalité citoyenne sur les droits religieux et une réelle reconnaissance de leur croyance.

Source : Le petit journal.

  • Septembre 2013 : un « paquet démocratique » adopté par le gouvernement turc

Le Premier ministre, M. Tayyip Erdogan, a annoncé le 30 septembre 2013 un « paquet démocratique » sur les libertés et les droits des minorités.
Certains points concernent les minorités :
a. Il sera possible de choisir entre différentes langues et dialectes pour la langue de l’enseignement dans les écoles privées, certaines matières continueront toutefois d’être enseignées en turc.
b. Le Monastère Mor Gabriel, situé près de la ville de Midyad, dans la province de Mardin en Turquie, va être restitué aux syriaques orthodoxes. Ce monastère était en conflit depuis 2009 avec l’État turc.
c. Le grand séminaire orthodoxe de l’île Heybeliada, Halki en grec, ne sera pas réouvert. L’institut de théologie orthodoxe de Halki est un établissement d’enseignement supérieur destiné à la formation théologique du clergé orthodoxe situé sur l’ile de Heybeli dans la mer de Marmara près d’Istanbul. Il dépend du Patriarcat œcuménique de Constantinople. Crée en 1844, il a été fermé par les autorités turques en 1971. Parmi les nombreux points de discussion, sa réouverture est jugée importante pour l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.
d. Les villes et villages dont les noms ont été turquifiés depuis 1980 pourront reprendre leur nom d’origine. Tunceli redeviendra ainsi Dersim. Ce processus était déjà en cours. Les lettres Q, X et W, qui existent en kurde mais pas en turc, pourront être utilisées.
e. La propagande électorale sera autorisée dans d’autres langues que le turc. A l’écrit et lors de réunions publiques, les responsables politiques pourront aussi utiliser d’autres langues que le turc. La Cour constitutionnelle avait déjà enjoint le gouvernement en 2011 de respecter ce droit.
f. Il n’y a pas de progrès concernant le statut des Cemevi - les lieux de culte alévis ; qui ne sont toujours pas reconnus, ce qui demeure problématique pour cette communauté.
g. La création d’un institut des langues et des cultures roms est garantie par le gouvernement.

Source : Libération, l’Express, Le petit journal.

  • Septembre 2013 : premiers baptêmes depuis un siècle dans l’Eglise d’Akdamar – Van

Les Arméniens de Turquie ont célébré pour la première fois depuis un siècle des baptêmes dans l’église de l’île d’Akdamar, à Van, une ville de l’Est du pays. Six personnes, dont un bébé, ont été baptisées dans les eaux du lac de Van après une cérémonie religieuse dans l’église Sainte-Croix de l’île d’Akdamar (Akhtamar en arménien), un édifice du Xème siècle restauré entre 2005 et 2007 par les autorités turques. M. Aram Atessian, l’intérim du patriarcat arménien, a présidé la cérémonie religieuse.

  • Avril 2013 : évolution des relations interreligieuses en Turquie

Des événements concernant différents domaines (bâtiments religieux, aide aux réfugiés, de politique culturelle, de droit ou de mouvement social) témoignent de l’évolution des relations interreligieuses.
 La restauration de l’Eglise de Surp Giragos, la plus grande église arménienne du Moyen-Orient, située à Diyarbakir est réouverte à la prière après une longue durée de restauration en novembre 2012. Le nouveau campanile, construit à Moscou, pèse 150 kilos. Avec la participation d’Aram Atesyan, archevêque du patriarche des arméniens turcs, à la cérémonie, l’église est réouverte à la prière.
 Le gouvernement turc a annoncé en avril 2013 sa stratégie concernant les réfugiés syriaques ou d’autres groupes ethniques et religieux qui fuient la guerre civile qui se déroule depuis 2011 en Syrie. Le gouvernement a planifié de construire à Midyad deux camps destinés à recevoir 10 000 personnes au total ; le premier près du monastère Mor Abraham (4 000 réfugiés), l’autre près des territoires de la Trésorerie. Le premier camp accueillera les syriaques et les catholiques, l’autre les kurdes et les musulmans. Le gouvernement met ainsi en place une aide humanitaire, en coopération avec le Croissant rouge turc. Le budget annoncé par le gouvernement pour cette aide humanitaire est d’environ 10 millions de livres turques.
 Le célèbre pianiste turc Fazil Say avait été accusé d’ « insulte à la religion » en octobre 2012 pour avoir tweeté un message citant un quatrain du célèbre poète persan Omar Khayyam tournant en dérision les plaisirs charnels promis dans l’au-delà. Le jugement a été rendu le 15 avril 2013, et le pianiste est condamné à dix mois de prison. Cette décision a été transformée par les organes juridiques en cinq années de contrôle par la police. Si Fazil Say ne commet pas de délit durant ces cinq années, la sentence sera annulée. Say a seulement dit : « Je suis triste pour mon pays » lors de sa courte déclaration à la presse turque.
Plusieurs journalistes et écrivains turcs ont publié le 24 avril 2013 une déclaration concernant les événements de 1915 dans le journal français Libération. Le titre de la déclaration est « Nous sommes tous arméniens le 24 avril ». Parmi les signataires de la déclaration, on trouve Ayşe Günaysu, Ahmet İnsel, Halil Berktay, Ferda Keskin, Ferhat Kentel, Şenol Karakaş, Sait Çetinoğlu, Ümit Efe, İsmail Beşikçi, Roni Margulies, Lale Mansur, Erdal Doğan, Yasemin Göksu, Ergin Cinmen et Ragıp Zarakolu.

  • Mars 2013 : conflit sur les bâtiments religieux : nouveaux développements à propos du Monastère Mor Gabriel

Le monastère orthodoxe Mor Gabriel, fondé en 397 par Mor Shmuel et Mor Shemun de Qartmin, est situé près de la ville de Midyad (province de Mardin, Turquie. Depuis 2009, le monastère est en conflit avec l’État turc. Kuryakos Ergün, président de la Fondation du monastère Mor Gabriel, affirme que tout est clair politiquement en ce qui concerne la propriété du monastère, mais que la volonté administrative de régler le problème fait défaut. Après discussion avec M. Ahmet Davutoglu, Ministre des Affaires étrangères de Turquie, Ergün a déclaré en mars 2013 que le gouvernement est au courant de la question de la propriété du Monastère, mais que l’affaire est aux mains des organes juridiques depuis longtemps. Il ne reste donc rien d’autre à faire que d’attendre la décision juridique.

Source : Le petit journal.

D 5 décembre 2013   

2012

Décembre 2012 : publication du premier livre en syriaque par le Ministère de la Culture et du tourisme
Le premier livre en syriaque publié en décembre 2012 par le Ministère de la Culture et du (...)

  • Décembre 2012 : publication du premier livre en syriaque par le Ministère de la Culture et du tourisme

Le premier livre en syriaque publié en décembre 2012 par le Ministère de la Culture et du tourisme de la République turque contient une grande partie de la littérature syriaque et la plupart des poèmes de Mor Afram, célèbre poète syriaque. Le livre de 400 pages, intitulé Le chalumeau de l’Esprit sacré, a été traduit par Gabriel Akyüz, abbé de l’Eglise Syriaque de Mardin.

  • Octobre 2012 : l’affaire Fazil Say

Le célèbre pianiste turc Fazil Say a été accusé d’ « insulte à la religion » en octobre 2012 pour avoir tweeté un message citant un quatrain du célèbre poète persan Omar Khayyam, qui tourne en dérision les plaisirs charnels promis dans l’au-delà. « L’Etat, qui se permet de juger un pianiste pour un simple tweet, est dirigé par un Premier ministre qui fut pourtant lui aussi condamné en son temps pour avoir lu un poème » a déclaré le pianiste turc. En 1997, Erdogan avait en effet été condamné pour avoir lu en public un poème jugé islamiste (voir le Courrier international).

  • Octobre 2012 : l’école théologique de l’île de Heybeli

L’école théologique de l’île de Heybeli (Halki), fondée en 1844, est fermée depuis les années 1970. La bibliothèque de l’école contient un trésor de 80 000 ouvrages philosophiques, littéraires, religieux, en grec ancien ou en latin. Il était question d’autoriser la réouverture de l’école théologique (orthodoxe) de Halki en la rattachant à un nouveau département « Culture des religions du monde », lié à la Faculté de théologie de l’Université d’Istanbul. Le Patriarcat œcuménique d’Istanbul n’y était pas favorable, ce département est également fermé depuis octobre 2012.

  • Septembre 2012 : attaque à Sürgü

Les faits ont eu lieu à Sürgü, un village de la province de Malatya en Turquie, durant le Ramadan que les Alévis ne célèbrent pas. Ainsi, lorsque le tambour a annoncé à 4h du matin l’heure du sahur, les Alévis ne se sont pas réveillés pour débuter le jeûne, contrairement à leurs voisins sunnites. Une dispute a éclaté entre une famille alévie et la personne en charge du réveil du voisinage.
Le jour suivant la dispute, environ 50 villageois ont fait irruption en jetant des pierres sur les fenêtres de la maison de la famille alévie, tout en chantant l’hymne national turc. Selon la famille, des coups de feu ont été tirés. La manifestation s’est poursuivie pendant deux heures durant lesquelles les autres familles alévies ont attendu l’intervention de la police. Le jour suivant, le maire de Dogansehir, membre du parti AKP, le sous-préfet et plusieurs ministres membres des partis AKP et CHP, y compris Huseyin Aygün, le ministre CHP de Tunceli, se sont rendus sur les lieux pour tenter de calmer les esprits.

  • Septembre 2012 : la question des cemevis

Quelques semaines après les évènements de la province de Malatya, M. Hüseyin Aygün, un des ministres membre du parti CHP, a demandé au Parlement d’ouvrir pour chaque mosquée existante un cemevi (le lieu de culte des Alévis). Le président de l’Assemblée, M. Cemil Çiçek, a répondu que l’alévisme était une branche de l’islam et qu’à cet égard les mosquées sont également un lieu de culte pour les Alévis.

  • Août 2012 : l’église de Surp Kevork (Saint Georges)

L’église arménienne de Surp Kevork est située à Mardin en Turquie. Elle a été longtemps utilisée comme entrepôt de stockage de médicaments par le ministère de l’Agriculture. En 2004, le gardien a été déclaré coupable d’avoir détruit l’édifice en creusant le sol jusqu’à sept mètres de profondeur à la recherche d’un trésor. Par la suite, l’église a été placée sous la protection de l’État.
La population arménienne attend la restauration de l’église depuis 2007, sans qu’aucun avancement n’ait été observé. L’église est en ruine depuis si longtemps que seuls quatre murs et une fondation subsistent. En raison de son manque d’intérêt pour l’organisation des travaux de restauration, le ministère de l’Agriculture a de nouveau attribué l’église à la Fondation catholique arménienne de Mardin en 2012. La population arménienne espère que ce transfert permettra une avancée vers la restauration de l’église.

  • Juin 2012 : modification du ’cours de culture religieuse et de connaissances morales’

Il est affirmé fréquemment que 99% des Turcs sont musulmans, sans préciser de quelle interprétation de l’Islam il s’agit. Pourtant, une partie non négligeable d’entre eux sont des alévis qui pour la plupart ne souhaitent pas être assimilés aux sunnites.

La discrimination des alévis est longtemps restée absente du débat public. Depuis plusieurs années, des discussions ont été ouvertes entre les représentations alévies et le gouvernement, pour traiter les demandes des alévis. Celles-ci sont nombreuses, mais concernent principalement l’égalité de droits avec les sunnites sur deux points : le cours de religion dans les écoles publiques et les subventions accordées par le Diyanet (le département des affaires religieuses de Turquie). Le Diyanet est chargé du traitement de plusieurs milliers d’imams (environ 59 617 en Turquie et 1525 à l’étranger, auxquels on peut encore rajouter 22 000 fonctionnaires occupants des postes autres qu’imam au sein du Diyanet en 2010). Cependant, le Diyanet ne subventionne pas les autorités religieuses alévies, les « dedes ».

Les avis sont très partagés, au sein des alevis, quant aux remèdes à apporter à ces inégalités. Certains défendent la suppression pure et simple du Diyanet et des cours de religion obligatoires, considérés comme pro-sunnites. Ce sont principalement les groupes laïques réticents à une intervention de l’Etat dans la sphère religieuse. D’autres ont émis la volonté de recevoir du Diyanet les mêmes services que les sunnites. L’Etat subventionnerait ainsi le traitement des « dedes » et la construction des lieux de culte (bien que le Diyanet ne subventionne quasiment jamais les mosquées, dont les constructions sont financées par les dons des croyants).

Au sujet du « cours de culture religieuse et de connaissances morales » et de son caractère obligatoire (stipulé par l’article 24 de la Constitution instaurée par le régime militaire de 1982), plusieurs propositions de solution ont été émises : la suppression du caractère obligatoire de ce cours, la suppression totale du cours du programme des écoles publiques, ou encore une adaptation du programme pour qu’il soit, comme son nom l’indique, « Cours de culture religieuse et de connaissances morales », c’est-à-dire neutre et non pro-sunnite.

Après les longs débats autour de la question du « cours de culture religieuse et de connaissances morales » et la décision du 9 octobre 2007 de la CEDH (Hasan et Eylem Zengin c. Turquie), le gouvernement actuel a opté pour la troisième solution et a donné, dans le nouveau programme de 2012-2013, une place à l’alévisme qu’il estime proportionnelle au besoin des populations alévies. Jusqu’à présent, l’alévisme était évoqué rapidement, parmi « les interprétations ésotérique de l’islam ». Dans le nouveau programme, l’alévisme est maintenant présenté dans de nombreux chapitres qui présentent ses croyances, son culte, son éthique et son histoire.

Les ajouts apportés au programme sont donc nombreux. A titre d’exemple, on peut citer l’explication du jeûne du mois de muharram ; l’importance d’Ali (gendre et cousin du prophète) et d’Ahlu al-Bayt (la famille du prophète) ; la présentation de figures de l’alévisme (Ahmed Yesevi, Haci bektas Veli et Ali al-Riza). Le nevruz (fête traditionnelle des peuples iraniens, kurdes et turcs) sera traité dans l’unité consacrée aux jours importants de l’islam et dans l’objectif : « partageons nos malheurs et nos bonheurs ». L’alévisme sera évoqué dans le cours sur les « interprétations de l’islam » ainsi que dans celui sur « l’islamisation des Turcs ». Des pratiques alévies telle que le « cem » et le « semah » (le cem est un rituel religieux constitué de douze services, un de ces douze services est le semah qui désigne une danse sacrée, composée de mouvements corporels de type mystique) ou la calligraphie alévie, ou des principes alévis (« musahip » (frère de l’au-delà) et « Dört Kapı Kırk Makam », 4 Seuils, 40 Stations, qui désignent des étapes du progrès dans la foi) seront également exposés.

Arif Gümus

  • Février 2012 : débat sur la réforme de l’éducation

Le ministère de l’Éducation nationale a adopté une réforme qui porte de 8 à 12 ans la durée de l’éducation obligatoire. L’opposition critique notamment la segmentation en trois cycles de ces douze années (en nommant ce dispositif « 4+4+4 »).

Avant cette réforme, les élèves du primaire et du secondaire en Turquie passaient au minimum huit années dans les classes ; à partir de l’âge de six ans, ils passaient par huit années obligatoires et ininterrompues de scolarité. Le gouvernement a porté cette durée à douze ans. Personne ne s’oppose à la durée de l’éducation obligatoire ; par contre, la polémique porte sur la segmentation des douze années en trois cycles de quatre années chacune.

La première critique de l’opposition au Parlement et de nombreuses ONG sur la formule 4+4+4 concerne les enfants qui sont obligés de commencer l’école primaire à l’âge de 5 ans. L’ancienne loi prévoyait qu’un enfant âgé de 72 mois (6 ans) pourrait commencer l’école primaire, mais la nouvelle réforme abaisse cette limite de 72 mois à 60 mois. Cela veut dire que les enfants âgés de 60 mois (5 ans) qui répondent à certains critères pédagogiques devront commencer l’école, même si leurs parents ne l’acceptent pas, la seule possibilité d’échapper à cette loi étant de payer une indemnité.

L’autre critique porte sur l’autorisation de la réouverture des écoles dites Imam Hatip dès le niveau élémentaire. La nouvelle loi prévoit qu’à l’issue du premier cycle de quatre ans, lorsque l’enfant atteint donc l’âge de dix ans, il pourrait être orienté vers une filière d’enseignement professionnel, et notamment vers les écoles Imam Hatip.

Selon la nouvelle loi, les enfants qui n’ont pas choisi une école Imam Hatip ont maintenant la possibilité de choisir trois cours optionnels de religion à l’école, intitulés « le Coran », « la vie de Mohammed » et « les principales connaissances religieuses ». Avec ce cours de religion obligatoire, un enfant de l’âge de 11 ans qui ne va pas à une école Imam Hatip a la possibilité de prendre quatre cours de religion, équivalant à 8 heures de cours de religion au total.

Source : Le petit journal.

D 20 décembre 2012    AArif Gümus

2009

Octobre 2009 : reprise des relations diplomatiques entre l’Arménie et la Turquie
Par l’intermédiaire de la Suisse, le 10 octobre 2009, les ministres arménien et turc des affaires étrangères (...)

  • Octobre 2009 : reprise des relations diplomatiques entre l’Arménie et la Turquie

Par l’intermédiaire de la Suisse, le 10 octobre 2009, les ministres arménien et turc des affaires étrangères ont signé deux protocoles à Zurich (Suisse) en présence des ministres des Affaires étrangères des pays du groupe MINSK (États-Unis, Russie et France).
Ces accords prévoient "l’établissement des relations diplomatiques" et "le développement des liens bilatéraux" entre ces deux pays. Outre leur contenu, la signature de ces accords représente le premier pas vers un dialogue entre deux pays n’ayant plus de relations depuis une quinzaine d’années, c’est à dire depuis l’occupation de la province du Haut-Karabakh par l’Arménie en 1993. Les protocoles répondent à deux problèmes encore non résolus à ce jour et mettant à mal les relations entre ces deux voisins. Il s’agit en effet d’une part de rouvrir leur frontière commune, fermée par la Turquie en 1993. D’autre part, une commission mixte d’histoire et de recherche sera créée afin de lever le voile entourant les évènements de 1915, qualifiés de génocide par les Arméniens.
Ajoutons que cette signature intervient entre deux États où le nationalisme reste très vif. La diaspora arménienne, farouchement opposée à ce rapprochement a un fort pouvoir dans ces deux pays ; l’Azerbaïdjan s’oppose également à ce rapprochement et accuse la Turquie de l’avoir abandonné.
Aujourd’hui, les débats font rage. Les deux protocoles doivent encore être soumis aux assemblées nationales turque et arménienne pour ratification dans un proche avenir. La bonne volonté politique des deux États en l’espèce n’écarte pas cependant les difficultés liées à ces accords, dont la vive opposition de l’Azerbaïdjan à l’ouverture de la frontière : il refuse cette possibilité tant qu’il ne reprend pas le contrôle des territoires actuellement sous administration arménienne.
Ce rapprochement entre Arméniens et Turcs a débuté avec les efforts de Hrant Dink, journaliste et intellectuel de gauche arméno-turc, qui a été assassiné en janvier 2007 par des milieux nationalistes encore mal définis. Le tabou sur la question arménienne est désormais levé en Turquie où des intellectuels, la presse et l’opinion publique débattent de la qualification de génocide.

D 19 novembre 2009    AInan Sevinç

2008

Novembre 2008 : reconnaissance de l’alévisme
Depuis la rentrée de septembre 2008, un des principaux sujets qui agitent la société turque est la reconnaissance ou non, en tant que religion, de (...)

  • Novembre 2008 : reconnaissance de l’alévisme

Depuis la rentrée de septembre 2008, un des principaux sujets qui agitent la société turque est la reconnaissance ou non, en tant que religion, de l’alévisme dans le pays. Les alévis reprochent à la laïcité turque d’être coercitive et de prendre en compte uniquement l’aspect sunnite, tant dans les cours de religion obligatoires que dans le cadre de l’Administration des Affaires religieuses. Le 11 novembre 2008, plus de 10 000 manifestants ont marché dans les rues d’Ankara pour réclamer la suppression des cours de religion ou la suppression de l’Administration des affaires religieuses. Cela dit, les Alévis, eux aussi, sont divisés aussi, entre ceux qui demandent être intégrés dans le système de gestion des cultes existant et ceux qui demandent la suppression pure et simple de ce système. Le gouvernement d’AKP donne des signes d’ouvertures pour intégrer l’alévisme dans ce système, notamment en proposant de fonctionnariser les dignitaires religieux alévis.

  • Juillet 2008 : procès de l’AKP

Le 14 mars 2008, le procureur de la République, Abdurrahman Yalcinkaya, a engagé un procès contre l’AKP l’accusant d’être "un foyer d’activités anti-laïques" et de "chercher à transformer le pays en un État islamique". Il a demandé que le parti soit interdit et que soient exclus de la politique pendant une période de cinq ans le premier ministre Recep Tayyip Erdogan et ses 70 principaux collègues, dont le président Abdullah Gül.
Le procureur a déclaré que l’AKP est le successeur des partis islamiques turcs précédents, qui, selon lui, basent leur politique sur une lutte contre les "valeurs républicaines" et plus particulièrement contre la laïcité. "L’AKP est fondé par un groupe qui a tiré les leçons de l’interdiction antérieure des partis islamiques et qui utilise la démocratie pour atteindre son objectif qui est d’établir la charia en Turquie", dit l’acte d’accusation.
L’acte d’accusation de 162 pages cite plusieurs incidents pour prouver les mobiles islamistes de l’AKP. Il critique aussi le nouveau directeur du Conseil de l’enseignement supérieur (YOK), organisme qui supervise les universités turques, pour avoir soutenu les amendements constitutionnels encouragés par le gouvernement et visant à restreindre l’interdiction pesant sur les étudiantes portant le voile islamique à l’université.
La décision a été rendue le 30 juillet 2008. Il s’agit manifestement d’une décision respectant des équilibres politiques fragiles autant que des considérations juridiques, dans la mesure où la Cour constitutionnelle n’a pas interdit l’AKP, mais l’a sérieusement averti en lui infligeant une sanction financière (privation de la moitié de son financement public). Par conséquent, les conservateurs peuvent s’estimer "vainqueurs" car l’AKP continue à gouverner sans provoquer d’élections anticipées et conduire le pays vers une crise politique, mais les laïcs également estiment que cette décision de compromis confirme leurs craintes quant au caractère anti-laïc du pouvoir.

  • Février 2008 : le voile islamique dans les universités

Plusieurs dizaines de milliers de manifestants ont dénoncé, samedi 2 février à Ankara, un projet gouvernemental de lever l’interdiction du voile islamique dans les universités. La question de la laïcité, la signification et l’application de ce concept, ont toujours été une préoccupation majeure dans la vie politique turque, surtout depuis l’apparition de l’islam politique au milieu des années 1960, à travers le mouvement Millî Görüs. La formation politique AKP (Adalet ve Kalkinma Partisi, parti de la Justice et du Développement), issue de ce mouvement, est arrivée au pouvoir en 2002 ; la présidence de la République ainsi que la direction de la haute administration sont occupées par des proches de ce mouvement. Depuis, la question de l’avenir laïque du pays, devenue brûlante, se cristallise autour de deux points essentiels touchant la jeunesse : la question du foulard islamique dans les universités et celle du statut des écoles d’imams et de prédicateurs.
L’AKP et le MHP (Parti du Mouvement Nationaliste) se sont mis d’accord pour quelques changements constitutionnels qui ouvriront les portes de l’université aux jeunes filles portant le foulard islamique, jusqu’alors interdit (ou toléré dans certaines universités). L’opposition laïque y voit un moyen de miner les fondements séculaires, modernistes et occidentalistes de la société turque sous couvert de "droit de l’homme et liberté de croyance". En grande partie issus de la "gauche" néokémaliste urbaine, les milieux d’opposition ne craignent pas tant la présence des "enturbannées" sur les bancs de l’université que le moment où cette génération intégrera la vie politique, sociale et publique, étendant leur vision conservatrice, religieuse, et leur compréhension particulière de la "modernité" à l’ensemble de la sphère publique. Des dizaines de milliers de personnes ont marché le 2 février 2008 vers le mausolée d’Atatürk, le père de la Turquie laïque coercitive, CHP en tête (Parti Républicain du Peuple, fondé par Mustafa Kémal lui-même), entendant porter l’affaire devant la Cour constitutionnelle. Ils espèrent que celle-ci va s’y opposer, considérant qu’il s’agit d’une atteinte au principe de laïcité gravé dans le marbre, comme les articles de la Constitution, "immuables et dont il est interdit de proposer le changement".
Pourtant, depuis 2002 (et surtout depuis juillet 2007), la haute administration juridique et bureaucratique est de plus en plus souvent constituée, soit de personnes proches de l’AKP, soit de libéraux qui considèrent que le dogme kémaliste doit évoluer (c’est le cas du président de la Cour constitutionnelle ou du président de l’Institution de l’Enseignement Supérieur - YÖK), même si les fonctionnaires et le personnel juridique restent fidèles au dogme kémaliste. L’opposition juridique (cour constitutionnelle) ou bureaucratique (YÖK) peuvent alors s’avérer insuffisantes à enrayer cette intrusion de la religiosité dans l’espace publique.
Malgré les manifestations de l’opposition, en effet, le Parlement turc a adopté cet amendement à la Constitution jeudi 7 février par 404 voix pour et 92 contre, soit bien plus que les deux tiers des suffrages requis (367).

D 9 décembre 2008    ASamim Akgönül

2007

Octobre 2007 : la question de la laïcité
Après les élections législatives et présidentielles qui ont confirmé la suprématie politique de l’AKP (le parti au pouvoir a obtenu 47% des suffrages (...)

  • Octobre 2007 : la question de la laïcité

Après les élections législatives et présidentielles qui ont confirmé la suprématie politique de l’AKP (le parti au pouvoir a obtenu 47% des suffrages et son candidat, Abdullah Gül a été élu président de la République), les débats se sont encore intensifiés sur la question de la laïcité. Les partis d’opposition, les kémalistes ainsi que les militaires accusent l’AKP d’affaiblir le caractère laïc du régime turc. Il s’agit là d’une interprétation bien particulière de la laïcité qui contient un contrôle étatique sur la religion. Dans la conception de l’AKP laïcité doit rimer avec liberté de pratique y compris le port des signes religieux dans l’espace publique, autrement dit le foulard islamique. Après la formation du nouveau gouvernement, le pouvoir en place vient d’entreprendre la rédaction d’une nouvelle constitution "civile". La constitution actuelle, bien que très modifiée, est l’héritage du coup d’Etat militaire de 1980. Dans cette nouvelle constitution, bien que la religion soit absente, la laïcité coercitive est, si le texte reste tel quel, adoucie.

  • Les cours de religion dans le secondaire

Les débats se concentrent également autour des cours de religion obligatoires dans le secondaire. Ces cours s’adressant à l’ensemble des étudiants musulmans (les non-musulmans en sont exemptés) sont fortement orientés et prennent en compte uniquement la version hanéfite du sunnisme musulman. Or, la frange alévie de la population (islam hétérodoxe issu du chiisme mais propre aux croyances populaires anatoliennes) élève de plus en plus la voix contre cette obligation. La récente décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme donnant raison à un plaignant alévi (décision du 9 octobre 2007) a accéléré la recherche d’une solution. Une des solutions envisagées dans la nouvelle constitution serait de séparer en deux les cours de religion en "religion" et morale".

D 27 novembre 2007    ASamim Akgönül

2006

Décembre 2006 : revendications alévies et ’neutralité’ de l’État turc
Depuis le mois de décembre, l’actualité religieuse de Turquie tourne principalement autour de la question des alévis. Ces (...)

  • Décembre 2006 : revendications alévies et ’neutralité’ de l’État turc

Depuis le mois de décembre, l’actualité religieuse de Turquie tourne principalement autour de la question des alévis. Ces derniers, adeptes d’un islam hétérodoxe avec des éléments syncrétiques, font l’objet d’un débat intense quant à la gestion officielle du fait religieux.
La Direction des Affaires religieuses étant exclusivement une institution sunnite, certaines voix s’élèvent depuis l’ouverture des négociations avec l’UE pour réclamer une prise en compte de l’alévisme, au nom de la nécessité d’une position neutre de l’État.
Dernièrement, deux développements ont eu lieu dans ce domaine. En ce qui concerne les cours obligatoires d’instruction religieuse dans les écoles secondaires, un certain nombre d’alévis, arguant qu’il s’agissait principalement d’un cours sur le sunnisme, réclamaient le droit d’en être exemptés. Une première : le vice-président de la Fédération des Associations Alévies-Bektachies Ali Kenanoglu a obtenu une décision de justice : il a obtenu le droit pour son fils de ne pas suivre ces cours (voir les quotidiens turcs du 26.11.2006). D’autres requêtes ont été déposées depuis, et un dossier est toujours en cours d’examen à la CEDH.
Pour contrecarrer ces plaintes et satisfaire aux exigences européennes, le gouvernement turc a décidé d’intégrer la présentation de l’alévisme dans les programmes de ces cours obligatoires. Dans le même temps, la Direction des Affaires Religieuses a décidé de publier 17 livres fondamentaux de l’alévisme. Cette décision a attiré les foudres d’une partie des alévis qui restent méfiants à l’égard d’une intervention étatique. Les alévis sont en effet très divisés sur la question des relations avec l’État.

  • Novembre 2006 : la visite du pape en Turquie : un bénéfice pour le Vatican, pour le gouvernement turc et le Patriarcat grec orthodoxe

L’actualité la plus médiatisée pour la Turquie fut la visite du Pape Benoît XVI à Ankara, à Éphèse et à Istanbul, entre le 28 novembre et le 1er décembre 2006.
Selon la plupart des observateurs, cette visite fut une réussite pour le Vatican. Il est vrai que, contrairement à son prédécesseur, Benoît XVI montre plus d’intérêt pour l’œcuménisme que pour le dialogue islamo-chrétien. Ainsi, à l’origine, l’objectif principal de la visite était d’amorcer un rapprochement avec le Patriarcat grec-orthodoxe. En ce sens, la visite a rempli cette attente, dans la mesure où Benoît XVI et Bartholomeos 1er ont pu afficher des positions proches et ont célébré une messe commune.
Il est évident qu’après les déclarations de Ratisbonne, la visite du Pape en Turquie avait aussi pris un autre sens. Là aussi, les attitudes réconciliatrices du Pape - qui alla jusqu’à prier en personne dans la Mosquée de Sultan Ahmet - et des responsables turcs (le Premier ministre a accueilli personnellement le Pape, le directeur de la Direction des Affaires religieuses l’a rencontré...) ont amélioré l’image du Pape dans le monde musulman.
Enfin, le Patriarcat grec-orthodoxe sort également renforcé de cet épisode : il montre qu’il a à la fois un rôle spirituel à jouer dans le monde chrétien, mais aussi un rôle politique à jouer au niveau international. Ainsi, ses responsabilités sont beaucoup plus importantes que celles d’une Eglise locale, statut dans lequel les autorités turques aimeraient le cantonner.

D 29 décembre 2006    ASamim Akgönül

2005

Novembre 2005 : un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme sur le port du foulard
Le 10 novembre 2005, la Grande Chambre de Cour européenne des Droits de l’Homme a rendu sa décision (...)

  • Novembre 2005 : un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme sur le port du foulard

Le 10 novembre 2005, la Grande Chambre de Cour européenne des Droits de l’Homme a rendu sa décision finale concernant l’Affaire "Leyla Sahin contre la Turquie". Il s’agit d’une ressortissante turque de 22 ans, portant le foulard, qui demandait la condamnation de la Turquie selon l’article 9 de la CEDH sur la liberté religieuse, car elle n’avait pas pu poursuivre ses études en 5e année à la Faculté de Médecine de l’Université d’Istanbul à cause d’une circulaire interdisant l’accès aux cours aux étudiants barbus et aux étudiantes portant le foulard. La Grande chambre a débouté Mlle Sahin en notant que "cette ingérence" de l’Université dans la vie religieuse "… était fondée sur les principes de laïcité et d’égalité".
Cette décision a provoqué un vif débat politique et sociétal en Turquie. En effet, le pouvoir actuel, détenu par le Parti de Justice et de Prospérité (AKP), issu du plus grand mouvement de l’islam politique, le Millî Görüş, mais qui avait pris ses distances avec celui-ci depuis, avait fait campagne pour la suppression de l’interdiction du foulard dans les universités. Ainsi, peut-être pour la première fois dans l’histoire de la CEDH, un gouvernement désirait sa propre condamnation, afin que celle-ci puisse servir de référence juridique incontestable pour l’abrogation de l’interdiction du foulard. Au lendemain de la publication de l’arrêt, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan accusait la CEDH de ne pas avoir pris l’avis des dignitaires religieux musulmans sur la question alors qu’elle le ferait régulièrement, selon lui, pour des questions touchant la chrétienté. Cette évocation de l’autorité des "oulémas" a immédiatement provoqué de vives réactions au sein des milieux laïcs dans le pays ; ils accusent le pouvoir de déroger au principe de laïcité, inscrit dans un des articles non modifiables de la Constitution turque, l’article 2. Depuis, le Premier ministre turc a adouci son discours, tout en maintenant l’idée que cet arrêt n’empêchait pas les modifications futures de la loi.

Voir le texte de l’arrêt du 10 novembre 2005.

  • Augmentation des débats sur les question religieuses

Depuis les élections de novembre 2002 où, pour la première fois, une formation politique issue du mouvement "Vision nationale" (Millî Görüş, fondé par Necmettin Erbakan dans les années 1960) est arrivée seule au pouvoir, les débats sur les questions religieuses se sont envenimés plus que jamais. Alors que les dirigeants d’AK, parti au pouvoir, se démarquent de plus en plus de ce mouvement historique d’islam politique, se présentant comme des "musulmans démocrates" à l’instar des chrétiens démocrates des pays occidentaux, l’intelligentsia turque, les milieux militaires et les kémalistes les accusent de dissimulation de leurs véritables objectifs et déclarent ne pas croire à ce discours de changement.
Les débats atteignent régulièrement des pics sur des sujets comme la place de l’armée dans le pouvoir vue, par une partie des kémalistes, comme garante de la laïcité ; la question du foulard, interdit dans les écoles primaires et secondaires mais aussi dans l’enseignement supérieur ; les écoles d’imams et de prédicateurs (Imam hatip okullarý) et leur place dans l’enseignement général.

D 25 novembre 2005    ASamim Akgönül

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