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Parcours historique

Moravia Magna

Les début de la chrétienté attestés historiquement sur le territoire qui englobe la Slovaquie actuelle remontent à la période de la Grande-Moravie, et donc à la première moitié du 9è siècle. (...)

Les début de la chrétienté attestés historiquement sur le territoire qui englobe la Slovaquie actuelle remontent à la période de la Grande-Moravie, et donc à la première moitié du 9è siècle. Cette époque fut marquée par l’achèvement sur ce territoire du processus d’unification d’ethnies slaves apparentées. Mojmír était le souverain de la principauté, caractérisée par sa bonne organisation et sa composition multiethnique, et disposant de plusieurs centres économiques et politiques. Il maintint de bonnes relations avec les Francs et autorisa le clergé franc, des missionnaires, à entrer dans la principauté. A la même période, un autre centre occidental slovaque multiethnique naquit autour de Nitra, sur le territoire de la Slovaquie actuelle. La principauté de Nitra, qui étendit progressivement son pouvoir sur l’ensemble de la partie occidentale et sur une partie du centre de la Slovaquie actuelle, comptait trente centres économiques et politiques.
Pribina fut le premier prince slave historiquement reconnu. Son attitude, à l’origine dédaigneuse vis-à-vis de la chrétienté, était une réaction à l’aversion que lui inspirait l’expansion franque. Bien qu’il tolérât les activités de missionnaires bavarois sur le territoire slovaque, il resta lui-même païen. Durant son règne, en 828, l’archevêque de Salzbourg, Adalram, consacra le premier temple chrétien au château de Nitra, sur son territoire. En 835, le prince morave Mojmír I, lui-même déjà chrétien, conquit Nitra et expulsa Pribina. Les deux principautés ne constituèrent plus qu’une unité territoriale, qui fut ensuite appelée Grande-Moravie. Plus tard, le roi de Francie orientale, Louis II le Germanique, usurpant le trône de Mojmír I, confia la couronne à son fils Rastislav. Rastislav s’attela sans relâche à former la nouvelle conception moravo-slovaque. Du point de vue militaire et économique, il tenta d’échapper complètement à l’influence bavaroise et de construire une administration religieuse souveraine de Grande-Moravie indépendante de l’épiscopat bavarois. En 861, il envoya un message au pape Nicolas Ier lui demandant de lui envoyer un évêque et des missionnaires parlant le slavon. Le pape n’accéda pas à sa requête, probablement parce qu’il n’avait pas de tels missionnaires à sa disposition. Comme le prince Rastislav désirait réaliser son projet d’administration religieuse indépendante de Grande-Moravie dans les plus brefs délais, il se tourna vers l’empereur byzantin Michel III en 862. On peut supposer qu’il tenta d’obtenir l’aide de Constantinople, aussi bien dans le domaine religieux que dans le domaine politique. Du fait de son extension territoriale, la Grande-Moravie se retrouva dans le voisinage direct du puissant royaume bulgare. A cette même période, Louis II le Germanique commençait à établir des contacts de plus en plus fréquents avec les Bulgares. Rastislav, redoutant probablement une attaque, espérait se voir envoyer un soutien potentiel avec les missionnaires. Un an plus tard, Michel III envoya les frères Constantin et Méthode en Grande-Moravie. Grecs, ils étaient originaires de Thessalonique et parlaient une langue slave – un dialecte du sud de la Macédoine. Constantin créa l’alphabet slave – l’alphabet glagolitique, qu’il utilisa pour la traduction des livres sacrés en slavon (vieux slave). Cette mission apporta également les œuvres de Méthode, qui avait été formé au droit : les "Lois pour le peuple" (Zákon sudnyj ljudem) et "Recommandation au gouverneur" (Nomokanon) par exemple. Dans le premier ouvrage, il dépeint l’organisation légale et religieuse du pays, et dans le second il décrit les devoirs d’un gouvernant et se livre à une critique morale de la noblesse de l’époque, n’épargnant pas le roi.
Le rôle important joué par l’Eglise dans le renforcement de la position de la Grande-Moravie et du pouvoir de l’Etat est reflété dans le fait que l’archevêque Méthode se soit vu confié la charge de chef du cabinet du roi de Grande-Moravie. Le pape Adrien II nomma Méthode premier archevêque de Grande-Moravie et de Pannonie – légat dans les pays slavons durant l’hiver 869 et 870.
Le pape Jean VIII rédigea un épître Industriae tue (juin 880), adressé à Svätopluk (Sventibald) – le gouverneur de Grande-Moravie, dans lequel il exprimait notamment son approbation de la liturgie en slavon. Au 9e siècle, la Grande-Moravie jouissait d’une organisation étatique relativement stable, et un royaume assez important se forma autour du centre morave de Nitra. Ce royaume joua un rôle significatif dans les territoires d’Europe centrale. Les valeurs culturelles slavonnes, héritées de la Grande-Moravie, survécurent jusqu’au cœur du haut Moyen-Age et enrichirent la civilisation féodale européenne encore en formation, principalement dans le monde slave.

D 3 octobre 2012    AMichaela Moravcikova

Le royaume hongrois et la monarchie des Habsbourg

Après la chute de la Grande-Moravie en 906, l’ensemble de la métropole slavone disparut progressivement. Il fallut deux à trois siècles pour que le territoire abritant des habitants slaves soit (...)

Après la chute de la Grande-Moravie en 906, l’ensemble de la métropole slavone disparut progressivement. Il fallut deux à trois siècles pour que le territoire abritant des habitants slaves soit intégré à la toute jeune Hongrie, au sein de laquelle il demeura pendant près de mille ans. La partie du territoire qui accueillait au 9e siècle la principauté de Pribina resta le noyau historique du pays slovaque. Le patriarche byzantin Teofilaktos (933 – 956) missionna des moines bulgares en Hongrie afin de maintenir la langue liturgique ainsi que l’ensemble des rites orientaux. Le premier évêque de Hongrie, Hieroteos, fut l’un des envoyés.
Le territoire de la Slovaquie actuelle, intégré au royaume hongrois, rejoignait progressivement la sphère d’influence de l’Eglise occidentale. Du 10è au 12è siècle, le territoire de la Slovaquie actuelle était parcouru d’un réseau de monastères bénédictins, cisterciens et prémontrés qui constituaient de véritables centres de développement culturel et économique.
Durant le règne du premier roi hongrois, Etienne Ier (1000 - 1038) fut formée une organisation étatique exclusivement hongroise qui par bien des aspects rappelait la précédente organisation de Grande-Moravie. Grâce à ses efforts et aux fonds versés pour asseoir la christianisation, Etienne Ier fut canonisé à la fin du 11e siècle. L’Etat dans son ensemble était construit comme un Etat chrétien européen, avec le latin à la fois langue officielle et langue liturgique. Il constituait la frontière orientale d’une sphère de civilisation catholique latine. La province religieuse hongroise possédait deux archidiocèses : la majorité du territoire slovaque était placée sous l’autorité de l’archidiocèse de Esztergom, et la Slovaquie orientale relevait du diocèse d’Eger. Au début du 12e siècle, le diocèse de Nitra fut restauré. Il existe des preuves historiques attestant de la présence de communautés religieuses juives sur le territoire slovaque au début du 11e siècle. Leur nombre augmenta particulièrement après l’expulsion des Juifs de Bohême et de Moravie au cours de la deuxième moitié du 11e siècle.
Les mouvements hussites de Bohême trouvèrent un écho en Slovaquie, en particulier à cause du conflit persistant entre les Hussites et le roi Sigismond. Ils voyaient en lui leur pire ennemi et le responsable de la mort sur le bûcher de Jan Hus. De 1428 à 1432 les armées hussites firent plusieurs incursions en Slovaquie et conquirent un certain nombre de châteaux et de villes fortifiées. Les idées hussites trouvèrent un certain écho, particulièrement chez les citadins, les châtelains désargentés et les populations pauvres des villes. Les prêcheurs hussites furent également actifs, mais le mouvement hussite ne reçut toutefois pas un large soutien public. Les tentatives des armées hussites pour ruiner l’économie du royaume de leur pire ennemi sont la principale raison de ce manque de popularité. Elles mirent à sac plusieurs villages et quelques villes, ce qui explique la peur justifiée qu’éprouvait le peuple pour les Hussites.
A l’époque des batailles entre les Habsbourgs et l’aristocratie, qui se conjuguaient avec les pressions du redoutable empire d’Osman et la bataille de la Réforme contre la Contre-réforme, la Slovaquie devint le centre de la Hongrie des Habsbourgs. En tant que ville où avaient lieu les rencontres du concile et les couronnements des rois hongrois, Presbourg devînt sa capitale.
Le despotisme éclairé des Habsbourgs au 18è siècle amena les rois à interférer dans les affaires internes de l’Eglise. En 1723, l’empereur Charles VI interdit aux institutions religieuses d’acquérir des terres, l’impératrice Marie-Thérèse mit en place une inspection publique de l’administration des biens des monastères et de l’Eglise. Les profits réalisés par les fondations religieuses furent utilisés au bénéfice de l’armée et du système éducatif public. L’empereur Joseph II émit même des décrets relatifs à des questions liturgiques. Il ferma des monastères contemplatifs et utilisa leurs biens pour créer de nouvelles paroisses avec les revenus fonciers des Eglises. Durant le règne de Joseph II, le clergé devint assujetti aux cours séculières. L’"Edit de tolérance" de 1781 entra en vigueur.
En 1848, une constitution qui garantissait la liberté de religion et de conscience entra en vigueur dans la monarchie autrichienne. Un processus d’émancipation religieuse se mit en branle. Le concordat de 1855 permit à l’Eglise catholique de bénéficier d’une grande autonomie dans différents domaines de son activité. En 1870, l’Etat autrichien mit fin au concordat suite à l’approbation du dogme sur l’infaillibilité pontificale lors du premier concile du Vatican. En 1874, le gouvernement vota une loi relative à la réforme des relations extérieures de l’Eglise catholique, qui permit à plusieurs reprises de consolider les liens entre le Saint-Siège et la monarchie. On s’accorda sur une relation paritaire entre l’Eglise catholique et l’Etat. L’Etat prit la même position vis-à-vis des non-catholiques.
La législation hongroise a établi une différence parmi les Eglises, entre celles qui étaient admises par la loi, reconnues par la loi, et non reconnues par la loi. La principale différence résidait dans le fait que les prérogatives, le soutien et l’aide de l’Etat étaient exclusivement réservés aux Eglises admises, alors que les Eglises reconnues étaient considérées quasiment comme des associations de droit privé. Les Eglises non reconnues n’étaient même pas considérées comme des entités juridiques privées et se voyaient appliquer la règlementation relative aux rassemblements publics. La révolution de mars 1848 légitima l’égalité totale entre toutes les Eglises admises, et le règlement XX/1848 établit que l’Etat devait couvrir les frais et les besoins des Eglises et des écoles des Eglises admises. La loi XX/1895 devint la réglementation de base concernant la position de l’Etat vis-à-vis de la religion. A partir de son entrée en vigueur, le développement politico-religieux de la législation hongroise atteignit son apogée avant 1918. La réforme était fondamentalement identique à la législation autrichienne, et les règlementations précédentes concernant toutes les Eglises et associations religieuses reconnues restèrent valables.

D 3 octobre 2012    AMichaela Moravcikova

Mouvements de réforme, christianisme oriental et Contre-Réforme sur le territoire de la Slovaquie

D 13 octobre 2020   

Tolérance religieuse, pluralisation et renaissance nationale

D 13 octobre 2020   

Comment l’empereur des Habsbourg a mis fin au Concordat avec le Vatican

D 22 octobre 2020   

Comment la séparation de l’Église et de l’État n’a pas eu lieu en 1920

D 3 décembre 2020   

Composition et contextes religieux en République tchécoslovaque

D 13 octobre 2020   

Les minorités religieuses en temps de guerre en République slovaque

D 13 octobre 2020   

La République tchécoslovaque et l’Etat militaire slovaque

La création de la République tchécoslovaque indépendante s’est accompagné d’une modification de la situation des Eglises, ainsi que de conflits ouverts ou latents entre l’Etat et les Eglises. (...)

La création de la République tchécoslovaque indépendante s’est accompagné d’une modification de la situation des Eglises, ainsi que de conflits ouverts ou latents entre l’Etat et les Eglises. Cette situation n’apporta toutefois pas de changements significatifs de la législation et l’attitude de l’Etat envers les Eglises ne changea pratiquement pas. La prise en compte des religions reconnues et admises en tant qu’entités publiques demeura inchangée.
Le problème de la séparation, et avec lui les questions ardues de la résolution constitutionnelle des relations Eglise-Etat en 1918 – 1920 fut l’un des problèmes les plus complexes rencontrés au cours de la mise en place de l’Etat politique et juridique. Cependant ni la constitution temporaire de 1918, ni sa modification en 1919, ne s’attaquèrent finalement aux problèmes posés par la question religieuse.
Le cadre juridique de l’époque procurait certains avantages aux Eglises admises et reconnues en matière d’impôts et de procédure de saisie. Les prêtres des Eglises reconnues et admises se voyaient accorder une "portion congrue" ou des dons. La loi sur la portion congrue annula les "indemnités d’étole", les récompenses et autres versements accordés au clergé conformément aux précédentes règlementations, mais ne toucha pas aux autres revenus, appelés "revenus locaux". La même loi fixa également la pension versée aux prêtres et leurs veuves par analogie avec les règlementations relatives aux pensions des fonctionnaires. L’Etat traitait les prêtres comme des fonctionnaires tant qu’ils fournissaient des services administratifs, tels que la célébration des mariages, la tenue des registres de naissance et de décès, l’enseignement de la religion dans les écoles d’enseignement général et le règlement de problèmes de nature administrative ou politique.
Après la création de la République tchécoslovaque indépendante, un "Modus Vivendi" fut approuvé en 1928. Il s’agit d’un accord entre la Tchécoslovaquie et le Saint-Siège, qui garantissait un respect mutuel des deux signataires. En comparaison avec la période précédente, les relations entre l’Etat et l’Eglise ne changèrent cependant pas de façon significative.
La période de l’Etat militaire slovaque fait partie des époques les plus pénibles de l’histoire slovaque. Il fut créé le 14 mars 1939, comme satellite de l’Allemagne d’Hitler. Dans le préambule de sa constitution, il se définit comme un Etat chrétien. Jozef Tiso, prêtre catholique, devint son président et un cinquième du parlement de la République slovaque était constitué de membres du clergé. Le 25 mars 1939 le Saint-Siège reconnut la République slovaque ; le gouvernement slovaque accorda naturellement beaucoup d’importance à ce geste. Des relations diplomatiques entre les deux Etats furent établies en juin 1939. Elles se refroidirent toutefois presque instantanément, lorsqu’un ambassadeur allemand devint le doyen du corps diplomatique de la République slovaque. Le pape Pie XII commenta l’évènement de la façon suivante : "Nous avons réfléchi à l’idée d’envoyer ou non un nonce en Slovaquie. Après une telle négligence des droits traditionnels du Saint-Siège, cela ne sera plus possible." Les relations diplomatiques complexes qu’entretenaient la République slovaque chrétienne (dont le président était un prêtre catholique) et le Saint-Siège déjà froides au départ devinrent progressivement glaciales. Après le vote du "Code juif" et la répression des soulèvements anti-hitlériens à Banská Bystrica, le Saint-Siège envoya plusieurs messages de protestation au président Tiso. Le nonce du Vatican, Burzio, savait que le président Tiso suscitait l’aversion en particulier de l’épiscopat et des moines slovaques. L’ère de l’Etat militaire slovaque et l’attitude du président Tiso vis-à-vis de "la résolution du problème juif" font partie des questions les plus difficiles de l’histoire slovaque. A ce jour, elles ont encore un impact sur l’ancienne génération en particulier (mais pas uniquement). L’attitude des partis et des élites politiques actuels concernant cette période de l’histoire slovaque est utilisée pour déterminer leurs inclinaisons présentes. Les groupes politiques particulièrement nationalistes interprètent cette période comme un effort de la part de Tiso et de ses collaborateurs pour protéger la nation et le territoire slovaques.

D 3 octobre 2012    AMichaela Moravcikova

La Tchécoslovaquie socialiste

Dans la période d’après-guerre, les Eglises disposaient d’une influence politique importante. D’après un recensement de la population, 99,72 % des habitants s’identifiaient à une Eglise et seuls (...)

Dans la période d’après-guerre, les Eglises disposaient d’une influence politique importante. D’après un recensement de la population, 99,72 % des habitants s’identifiaient à une Eglise et seuls 0,28 % affirmaient ne professer aucune religion. L’Eglise catholique de rite latin et byzantin était la plus importante et disposait de la plus grande influence, forte de ses 82,75 % de la population. Parmi les autres Eglises importantes, on comptait l’Eglise protestante de la confession d’Augsbourg et les calvinistes. Les baptistes, les adventistes, les méthodistes, les orthodoxes et les autres Eglises ne comptaient que de très petits nombres de fidèles. Sous le régime de la démocratie populaire, le gouvernement proclama et garantit dans la pratique la liberté de religion. Toutes les Eglises firent preuve de loyauté envers la République tchécoslovaque restaurée. En Slovaquie, la situation de l’Eglise catholique était légèrement plus compliquée et ses relations avec l’Etat plus tendues que celles des autres Eglises. Elle paya cher ses liens avec le parti populaire de Hlinka – le créateur et le symbole du règne par la force en République slovaque entre 1939 et 1945. L’interdiction du Parti populaire de Hlinka et les poursuites judiciaires engagées contre Tiso et d’autres représentants de l’Etat touchaient également l’Eglise catholique, la frontière entre l’Eglise catholique et le catholicisme politique n’étant pas fermement établie. Le gouvernement eut une attitude négative envers la majorité des évêques qui avaient tissé des liens avec le précédent régime de Tiso. Les hauts représentants de l’Eglise protestante de la confession d’Augsbourg entretenaient des liens politiques étroits avec des leaders du Parti démocrate d’après-guerre, principalement de confession évangélique. L’Eglise réformée était réellement amoindrie et divisée à l’issue de la guerre, et ce en lien avec les relations alors tendues entre la Slovaquie et la Hongrie. Le clergé slovaque conservait la tête de l’Eglise, dont la majorité des croyants était constituée de Hongrois. La majorité des membres du clergé de nationalité hongroise n’avaient pas la citoyenneté slovaque et ne pouvaient remplir des fonctions officielles au sein de l’Eglise. Ainsi leur impact sur la vie sociale était-il minimal.
Au moment du soulèvement de février 1948 et juste après, le démantèlement de ce qui restait de la démocratie en Tchécoslovaquie fut à son maximum. Les communistes prirent le pouvoir, l’objectif premier du régime communiste étant de manipuler les Eglises dans son propre intérêt par le biais de leurs représentants. Cette méthode ne s’avérant pas efficace, le pouvoir communiste mena des activités anti-religieuses afin de minimiser leur influence sociale et d’établir un contrôle strict de l’Etat.
La loi no. 217/1949 créa le Bureau national pour les affaires religieuses en tant qu’organe central de l’administration nationale. Un an plus tard, une loi sur le financement des Eglises et des associations religieuses fut votée par l’Etat. Cette réglementation permit à l’Etat d’adopter des approches différentiées vis-à-vis du clergé. Cette loi donna aussi naissance au concept d’"agrément de l’Etat" pour le clergé. Les Eglises et les associations religieuses cessèrent d’être assujetties au droit public et devinrent complètement dépendantes de l’Etat d’un point de vue économique. La majorité des biens de l’Eglise, ainsi que les écoles confessionnelles, furent nationalisées. L’Etat exerçait un contrôle sur les activités liturgiques, pastorales, sociales, charitables, éducatives, économiques et autres activités des Eglises. Il établit un enregistrement obligatoire des Eglises ; les membres du clergé ne pouvaient s’exprimer en public que s’ils bénéficiaient de l’accord de l’Etat. L’obtention de cet accord était conditionnée à un serment de loyauté à la République.
L’Etat communiste n’a jamais envisagé de séparer l’Eglise de l’Etat. Il supposa qu’une telle mesure dans les conditions historiques de l’époque ne ferait qu’augmenter l’influence sociale des Eglises. Cela renforcerait aussi l’obéissance du clergé envers la hiérarchie religieuse. Une telle séparation représentait un élément contre-productif pour le pouvoir de l’époque qui s’efforçait de désintégrer les Eglises de l’intérieur. Bien entendu, le contrôle totalitaire strict des Eglises généra des activités illégales orchestrées par des croyants, des membres du clergé ou divers groupes qui étaient hors d’atteinte du contrôle de l’Etat. Ils devinrent la cible de persécutions menées par les forces nationales de sécurité.
La période allant de 1948 à 1953 fut marquée par une situation de conflits extrêmement sévères dans les relations entre l’Etat et les Eglises. Les Eglises opposèrent une résistance acharnée aux tentatives de l’Etat d’interférer dans leurs affaires internes et de restreindre la liberté religieuse. Dans une nouvelle phase, l’Etat s’attela à "triompher des vestiges de la religion" par le biais d’interventions gouvernementales, de structures de l’Etat et de partis soutenant la sécularisation et l’athéisation de la société. Certains évêques, prêtres et moines furent emprisonnés. Les postes vacants dans la hiérarchie de l’Eglise furent occupés par des administrateurs nommés par le gouvernement communiste. Le gouvernement disposait également de membres dans les évêchés qui contrôlaient les activités des épiscopats.
En août 1948, les communistes eurent l’idée de créer une Eglise catholique nationale. Du fait des différences existant entre les cérémonies et les disciplines des catholiques romains et des catholiques grecs, les communistes commencèrent à régler le "problème des catholiques grecs". Ils proposèrent le "retour" des catholiques grecs au sein de l’Eglise orthodoxe. En 1946, un sobor (conseil) se tint à Lvov, en Ukraine occidentale. A cette occasion, l’union avec Rome fut abolie et le retour des catholiques grecs aux croyances de leurs ancêtres, et donc à l’Eglise orthodoxe fut proclamé. Comme le point de vue et les actes des communistes russes étaient des ordres pour les communistes slovaques, une procédure similaire fut mise en place en Slovaquie. Après la visite de la délégation de l’Eglise orthodoxe russe en Tchécoslovaquie (dont le but était de préparer la fusion entre les catholiques grecs et l’Eglise orthodoxe en Slovaquie), on donna un nom à ce plan politique : Action P. Le 28 avril 1950, le sobor (conseil) des catholiques grecs, avec la participation de délégués des catholiques grecs nommés par l’Etat, eut lieu à Prešov. Il décida l’abolition de l’Union de Uzhorod de 1646, la séparation de Rome et le retour dans le giron de l’Eglise orthodoxe. En même temps, il s’adressa au patriarche orthodoxe de Moscou et à l’ensemble de la Russie, lui demandant de les accepter sous sa juridiction religieuse. Le 27 mai, l’exarque de l’Eglise orthodoxe de Tchécoslovaquie – Jelefterij, reçut une lettre du Bureau national pour les affaires religieuses qui reconnaissait la légitimité des décisions prises au conseil de Prešov. Du point de vue de l’État, l’Eglise catholique grecque cessa d’exister en Slovaquie. Les membres du clergé gréco-catholique qui refusaient d’intégrer l’Eglise orthodoxe durent abandonner la carrière cléricale. Dans la plupart des cas, ils furent internés puis transférés à la frontière germano-tchèque pour travailler dans l’agriculture ou pour occuper des postes d’ouvriers. Les deux évêques catholiques grecs furent reconnus coupables d’activités séditieuses et condamnés à l’emprisonnement pour une très longue période.
Parallèlement à la liquidation de l’Eglise gréco-catholique, les monastères et les ordres furent également fermés. Cela fut décidé au regard de leur importance au sein de l’Eglise catholique et à leur influence sur la société.
En mars et en avril 1950, à l’occasion d’un procès entièrement fabriqué à l’encontre des représentants de monastères et d’ordres, les monastères se sont "révélés" être des centres de sédition, où l’espionnage était organisé, des armes accumulées et des provocations préparées. L’Action K eut lieu dans la nuit du 12 au 13 avril 1950. Les forces de sécurité saisirent la majorité des monastères et les moines furent rassemblés dans des camps de détention. Bien qu’un grand nombre de membres des forces de sécurité fut mobilisé, il y eut des heurts violents. Des interventions similaires à l’encontre des ordres féminins suivirent dans le cadre de l’Action R. Les nonnes et les moines internés furent d’abord rééduqués, puis transférés dans des usines pour y travailler. Les nonnes furent en particulier transférées à la frontière tchèque pour travailler dans l’industrie textile.
Après 1950, des études théologiques ne pouvaient être poursuivies qu’à la Faculté de théologie Constantin et Méthode de Bratislava et à la Faculté de théologie orthodoxe à Prešov. Tous les autres instituts de théologie furent fermés. L’Etat prit des mesures très strictes contre les prêtres "réactionnaires", qui furent souvent emprisonnés sans aucune forme de procès ou condamnés au service militaire pour y accomplir de dures tâches dans les bataillons techniques auxiliaires des forces armées.
Au début des années cinquante, des centaines de membres du clergé furent emprisonnées ou internées. Les évêques furent isolés et internés dans les évêchés ou emprisonnés. Concernant l’Eglise catholique, une structure religieuse parallèle commença à se développer dans l’illégalité. Elle prit en charge certaines fonctions de l’Eglise officielle. L’Etat organisa par ailleurs un "mouvement pacifiste du clergé catholique", par le biais duquel il s’efforça d’établir des liens entre les prêtres disposés à coopérer avec lui. Toutefois, il rassembla un très petit nombre de membres et le mouvement n’eut pas d’influence significative sur la société. Les Eglises protestantes n’opposaient pas, à cette époque, une grande résistance à l’Etat ; l’Eglise calviniste accordait de l’importance au problème national mais pas à la question de la loyauté envers le régime. La presse religieuse était si soumise au contrôle de l’Etat qu’elle n’avait en définitive plus aucun caractère religieux.
Avant 1968, les premiers symptômes du changement dans la situation politico-religieuse se firent sentir. Ils apparurent sous l’influence du dialogue entamé entre marxistes et chrétiens, qui était particulièrement populaire parmi les communistes français et italiens. Ce dialogue avec les chrétiens fut l’un des instruments spécifiques de la bataille idéologique avec les croyants pour la suppression du mode de pensée religieux. Des demandes de récompenses pour des méfaits perpétrés contre des croyants et des Eglises apparurent sporadiquement. Le Printemps de Prague en 1968, alors qu’Alexander Dubcek devenait premier secrétaire du Parti communiste, marqua le début d’un certain processus de démocratisation et d’une nouvelle politique de gestion des rapports entre l’Etat et les Eglises. La censure imposée à la presse religieuse se relâcha, le "plafond" pour l’accès à des fonctions de cadres par les croyants fut annulé et la communication entre les ordinaires catholiques et le Saint-Siège fut autorisée. Le gouvernement institua un décret approuvant les activités de l’Eglise gréco-catholique. Les limites imposées aux candidats à la prêtrise dans les facultés de théologie furent annulées. Il fut demandé à la Cour Suprême d’examiner les procédures dressées à l’encontre de la hiérarchie catholique, des représentants des monastères et autres responsables religieux. De nombreux officiels et membres du Parti communiste reprochèrent cette attitude aux leaders du parti. Toutefois, les organes du parti planifiaient des changements de plus grande importance pour la politique religieuse avec les modifications des normes juridiques qu’ils avaient prévues depuis 1949. Ces démarches furent plus notables en République tchèque qu’en Slovaquie où le dialogue entre les marxistes et les chrétiens n’eut pas lieu du tout. L’occupation de la Tchécoslovaquie par les armées des cinq Etats liés par le pacte de Varsovie en 1969 mit un coup de frein au processus de démocratisation de l’Etat. Un processus de "normalisation" fut enclenché. Des représentants de la ligne dure du parti remplacèrent les responsables politiques défendant la réforme. Ils considérèrent qu’il y avait une perte de contrôle de l’Etat sur les Eglises. Une régression de la situation politico-religieuse et un retour aux relations Eglises-Etat d’avant 1968 s’ensuivirent. Un nouveau mouvement pour la collaboration avec l’État – Pacem in terries, apparu dans le clergé catholique. Par cette entremise, le parti communiste essaya de pénétrer à l’intérieur de l’Eglise et d’influencer ses activités dans le sens des intérêts du parti. Les relations Eglise-Etat furent réduites au contrôle politique de l’Eglise et à la suppression de toutes les activités des Eglises et des manifestations publiques de religiosité.
Demeurèrent cependant d’interminables négociations entre la Tchécoslovaquie et le Saint-Siège. Ils négocièrent au sujet des postes d’évêques laissés vacants, des facultés de théologie et de la réorganisation des limites des diocèses, de façon à ce qu’ils n’empiètent pas sur les frontières de l’Etat. Le pape Paul VI utilisa la constitution Praescriptorum Sacrosancti du 30 décembre 1977 pour créer une province religieuse slovaque ayant son siège à Trnava. La pression du Saint-Siège, ainsi que la pression politique internationale concernant l’application des engagements d’Helsinki en Tchécoslovaquie se firent plus impérieuses après l’accession de Karol Wojtyla au siège pontifical. L’activité religieuse reprit ; les croyants exprimèrent leur mécontentement vis-à-vis de l’attitude du pouvoir politique envers les Eglises et la religion et exigèrent une véritable liberté religieuse. Les pèlerinages religieux furent l’occasion de révoltes et le nombre d’activistes laïcs ne fit qu’augmenter. Le 25 mars 1988 eut lieu à Bratislava une manifestation qui entra dans l’Histoire sous le nom de "manifestation des bougies". Des milliers de personnes venues de la République entière trouvèrent le courage de se rassembler place Hviezdoslav. Portant des bougies dans leurs mains, elles manifestèrent leur soutien à la défense des droits de l’homme et des droits religieux. Après que la foule refusa de se disperser lorsque l’ordre lui en fut donné, une intervention musclée des forces armées eu lieu. Ce fut l’un des derniers soubresauts du pouvoir avant sa chute définitive. En dépit du fait que des événements extérieurs eurent leur rôle à jouer dans la chute du régime, nous ne pouvons omettre les activités des Eglises et des dissidents catholiques. Ce dernier groupe était l’un des plus forts organes symbolisant la résistance au Parti communiste en Slovaquie.

D 3 octobre 2012    AMichaela Moravcikova

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