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Archives des débats

2022

D 17 mars 2022   

2021

D 2 septembre 2021   

2019

Février 2019 : Le terrorisme inspiré par la religion et la liberté religieuse en Italie
En réponse à la nécessité de prévenir les attaques terroristes, au cours de ces dernières années en (...)

  • Février 2019 : Le terrorisme inspiré par la religion et la liberté religieuse en Italie

En réponse à la nécessité de prévenir les attaques terroristes, au cours de ces dernières années en Europe, les législateurs ont tendance à souligner que le terrorisme implique des activités supplémentaires, telles que celles permettant à des groupes de maintenir et de développer davantage des idées radicales sur l’islam et les préceptes islamiques. Ces comportements devraient être sanctionnés lorsqu’ils entraînent le risque que des actes terroristes soient commis. Cela signifie que les lois pénales se concentrent ici sur la tendance criminelle dangereuse. En d’autres termes, lorsqu’une personne met en danger les éléments fondamentaux d’une démocratie constitutionnelle, des sanctions pénales peuvent être imposées à son encontre, même si son comportement n’est pas directement lié aux attaques (terroristes) qui causent des blessures, des décès et d’autres dommages matériels. Dans le cadre de la stratégie de prévention des agressions violentes et aveugles, même la simple diffusion de messages ou d’images glorifiant le terrorisme peut être considérée comme une activité criminelle (terroriste). À la lumière de l’urgence terroriste existante, elle pourrait être considérée comme un crime odieux qui, en tant que tel, entraîne l’application de sanctions pénales, y compris des restrictions aux libertés individuelles, telles que la liberté religieuse.
En outre, dans ce domaine, l’Italie a développé des outils juridiques de haut niveau qui, sans surprise, sont maintenant également utilisés pour lutter contre le terrorisme inspiré par la religion. Le système sophistiqué des "mesures préventives" (réglementé par le décret législatif du 6 septembre 2011, mieux connu sous le nom de "code anti-mafia") en est un exemple illustratif.
L’objectif des mesures préventives est d’intégrer le système pénal italien. L’idée de base est que la protection des intérêts fondamentaux de l’État (comme le maintien d’un bon niveau de sécurité contre les menaces potentielles) ne peut être déléguée exclusivement à la fonction répressive du droit pénal. Cela explique pourquoi l’application de mesures préventives est basée sur des "symptômes de dangerosité". En d’autres termes, la nécessité d’empêcher certaines personnes de commettre ou de soutenir des crimes odieux justifie des mesures préventives ante delictum.
Il reste que, même si le droit pénal ne réglemente pas formellement les mesures préventives, les conséquences pratiques de leurs sanctions ne sont pas très différentes de celles liées aux règles pénales. Par exemple, l’application des mesures préventives implique soit l’interdiction de séjour (divieto di soggiorno) dans une ou plusieurs villes données, soit, dans le cas de personnes particulièrement dangereuses (persona di particolare pericolosità), un ordre de résidence obligatoire dans une municipalité déterminée (obbligo di soggiorno in un determinato comune). La violation de ces dispositions est passible d’une peine d’emprisonnement.
Depuis que le Parlement italien a approuvé le décret antiterroriste de 2015, le système de mesures préventives peut également être appliqué pour lutter contre les formes actuelles de terrorisme inspiré par la religion. Plus précisément, ces mesures peuvent être appliquées à "ceux qui, travaillant en groupe ou individuellement, se livrent à des actes préparatoires, objectivement pertinents, visant à prendre part à un conflit sur un territoire étranger en soutien à une organisation terroriste qui poursuit les objectifs énoncés à l’article 270 sexies du code pénal italien". Cela complique les relations État-islam(s), surtout à la lumière d’autres problèmes urgents, comme ceux liés à l’immigration.
En ce sens, le climat de peur et d’insécurité a produit une sorte d’obstacle épistémologique, sur la base duquel les médias, de nombreux hommes politiques et acteurs publics ont tendance à considérer l’islam et les groupes correspondants comme incapables d’une collaboration factuelle avec l’État. En effet, les organisations islamiques sont considérées comme "autres", différentes des confessions jugées plus compatibles avec le système traditionnel de relations entre l’État et les confessions établi en Italie jusqu’à présent : un système déterminé par l’application des articles 7 et 8 de la Constitution ainsi que de la loi 1159/1929, approuvée sous le régime fasciste.
En bref, les moyens de résoudre ces problèmes sont aujourd’hui fortement influencés par la menace actuelle du terrorisme inspiré par la religion. Une menace qui est accentuée par le décret de sécurité de 2018 (n° 113) - également appelé décret Salvini, du nom de Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur et chef de la Ligue d’extrême droite, qui a remporté un vote au Parlement en décembre 2018. Sans surprise, ce décret souligne la nécessité de prévenir les actes illégaux perpétrés par les organisations mafieuses et les groupes terroristes (articles 16 à 23). Le fait que le décret de 2018 ne mentionne pas l’islam est très significatif ; en réalité, cette absence n’est remarquable que par son silence assourdissant.
En d’autres termes, lorsqu’ils sont confrontés à des questions relatives à la liberté religieuse et aux dispositions constitutionnelles correspondantes, l’attitude des décideurs politiques est souvent soumise à des questions relatives à l’islam. À la lumière de la vague émotionnelle résultant du climat d’insécurité et de peur, ces questions pourraient être influencées, voire manipulées, par les analyses artificielles et sensationnelles concernant à la fois les formes actuelles de terrorisme inspiré par la religion et le processus urgent d’immigration.

  • Février 2019 : Suicide assisté en Italie. L’affaire Cappato

M. Marco Cappato, un militant du droit à mourir, est actuellement accusé d’avoir aidé Fabiano Antoniani, mieux connu sous le nom de DJ Fabo, à se suicider. Plus précisément, M. Cappato a accompagné DJ Fabo à la clinique suisse où il s’est suicidé. En février 2018, un tribunal de Milan a renvoyé l’affaire devant la Cour constitutionnelle, lui demandant de vérifier si l’article 580 du Code pénal italien (qui punit l’incitation au suicide et qui a été approuvé sous le régime fasciste) est conforme à la Constitution de 1948. À la suite d’un accident de voiture en 2014, DJ Fabo était resté tétraplégique. De 2014 à 2017, il avait été nourri artificiellement et partiellement soutenu par un ventilateur. Durant cette période, il souffrait de spasmes musculaires fréquents, lui causant des douleurs considérables. En mai 2016, DJ Fabo a contacté l’association suisse Dignitas, dont la mission principale est d’aider les personnes à exercer leur droit à mourir dignement. Durant la même période, il rencontre M. Cappato, qui se déclare disponible pour accompagner DJ Fabo dans un établissement Dignitas, situé en Suisse. M. Antoniani a alors déposé une demande auprès de l’association, qui a donné suite à sa demande. En février 2017, M. Cappato l’a conduit jusqu’à l’établissement suisse. Une fois arrivé à la clinique, les médecins ont examiné Fabiano et ont approuvé l’intervention. Grâce à un appareil actionné par la langue du patient, DJ Fabo a alors pu lui injecter dans les veines un cocktail mortel de barbituriques, ce qui a causé une mort apparemment indolore.
De retour en Italie, M. Cappato s’est dénoncé à la police. En février 2018, le tribunal pénal de Milan chargé de l’affaire Cappato a décidé d’arrêter la procédure et de poser les deux questions préliminaires suivantes à la Cour constitutionnelle : 1) l’article 580 du Code pénal italien est-il compatible avec les droits fondamentaux du patient (y compris l’article 8 CEDH), telle qu’interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme ? ; 2) la peine (emprisonnement de 5 à 12 ans) prévue par l’article 580 du Code pénal italien est-elle compatible avec les dispositions constitutionnelles (dont l’article 32 de la Constitution de 1948) ?
Selon la Cour constitutionnelle, il existe aujourd’hui des situations qui n’étaient pas imaginables au moment de l’entrée en vigueur du Code pénal. Certaines de ces situations concernent ceux qui souhaitent mettre fin à leurs jours, comme ce fut le cas pour M. Antoniani. En effet, ces personnes souffrent d’une maladie incurable qui leur cause des douleurs intenses et intolérables. Ils sont maintenus en vie grâce à des traitements de survie et conservent leur pleine capacité mentale.
Il convient de noter que, selon la législation italienne en vigueur, dans de tels cas, les patients sont déjà autorisés à mettre fin à leurs jours en refusant certains traitements médicaux (cette possibilité est également accordée au patient par une récente loi n° 219/2017, qui reconnaît explicitement le droit fondamental du patient de refuser tout traitement médical). Ainsi, selon la Cour constitutionnelle, le système juridique actuel crée des vides juridiques dans lesquels les personnes vulnérables ne seraient pas suffisamment protégées contre d’éventuels abus. Cela signifie que la législation italienne a besoin d’une loi-cadre établissant en détail les conditions dans lesquelles les patients peuvent être légalement aidés à mettre fin à leur vie. En d’autres termes, le système juridique de l’État devrait garantir que ces décisions soient prises sous contrôle médical, dans le cadre d’une relation fondée sur la confiance mutuelle entre patients et médecins. Afin d’éviter le risque d’un renoncement prématuré aux soins palliatifs, ce type de législation pourrait permettre aux patients de vivre dignement même dans le contexte d’une maladie incurable.
Pour toutes ces raisons, la Cour constitutionnelle a décidé de renvoyer l’affaire à une nouvelle audience, qui aura lieu le 24 septembre 2019. Cela donnera au Parlement italien l’occasion d’approuver une législation conforme aux principes établis dans la Constitution italienne, comme interprété par la Cour constitutionnelle. De cette manière, la Cour a donné lieu à un débat animé dans un contexte où les questions éthiques sont fortement liées à la fois aux relations État-Églises et au principe de laïcité (voir "The Place of Minority Religions and The Strategy of Major Denominations. The Case Of Italy").

D 6 février 2019    AFrancesco Alicino

2017

Octobre 2017 : Italie et islam, relation entre État et religion(s) et programmes de déradicalisation
Au cours des dernières décennies, des changements spectaculaires se sont produits dans les (...)

  • Octobre 2017 : Italie et islam, relation entre État et religion(s) et programmes de déradicalisation

Au cours des dernières décennies, des changements spectaculaires se sont produits dans les sphères culturelle et religieuse en Italie. La présence de musulmans et de groupes islamiques dans le pays en est le meilleur exemple, même si ces changements ne concernent pas que l’islam et les musulmans. Néanmoins, compte tenu de sa spécificité (surtout par rapport aux religions présentes de longue date en Italie) et de son histoire complexe, l’islam met en évidence les aspects les plus marquants du nouveau pluralisme culturel et religieux qui caractérise le pays et la société italienne dans son ensemble. En d’autres termes, l’islam incarne ce pluralisme sujet à débat, et avec lui d’autres questions sensibles qui lui sont liées d’une manière ou d’une autre : rôles de genres, codes vestimentaires, modèles familiaux, rapport entre religion et politique, rôle des religions dans un système démocratique, droits et devoirs de la religion principale et des minorités religieuses. Sur ces sujets, l’islam est devenu le représentant « le plus extrême » des autres religions (c’est-à-dire des religions non traditionnelles).
Avec les questions liées à l’émergence du radicalisme et du terrorisme transnationaux, ces éléments peuvent également expliquer les activités en lien avec le rôle et la place de l’islam dans la société qui se sont produites ces dernières années en Italie. Revenons sur quelques exemples importants.

Durant le premier semestre 2016, le ministre italien de l’Intérieur, Angelino Alfano, a créé le Conseil pour les relations avec les musulmans d’Italie, un organe consultatif créé par le gouvernement italien dans l’espoir qu’il aide les minorités musulmanes à mieux s’intégrer. Composé d’universitaires et d’experts de la culture et de la religion islamiques, le Conseil était chargé de soumettre des propositions et des recommandations sur les questions d’intégration fondées sur le respect et la coopération.
Un an plus tard, le nouveau ministre de l’Intérieur, Marco Minniti, et les représentants des neuf principales organisations musulmanes italiennes ont signé un accord intitulé « Pacte national pour un islam italien, reflet d’une communauté ouverte et intégrée, adhérant aux valeurs et aux principes du système juridique italien ». Ce pacte visait à créer un registre des imams et à leur imposer de prêcher en italien. En contrepartie, le gouvernement italien s’engageait à « faciliter la voie » vers la reconnaissance officielle des organisations islamiques en Italie (voir Preparativi all’intesa con l’Islam ?). Le pacte fut salué comme un premier pas vers la normalisation de la situation de l’islam en Italie. Pourtant, il fut aussi critiqué pour avoir créé une situation de deux poids, deux mesures : aucune autre communauté religieuse n’avait par exemple été invitée par les autorités à prêcher en italien.

En mai 2017, un cours de formation intitulé « Servizio di formazione degli esponenti delle comunità religiose presenti in Italia che non hanno stipulato intese con lo Stato » a débuté à Ravenne, dans le nord de l’Italie, pour enseigner aux imams et autres chefs religieux les fondements de la constitution italienne. Soutenu par le ministère italien de l’Intérieur, ce cours s’inscrivait dans les efforts déployés pour améliorer l’intégration dans le pays. Les participants étaient des chefs religieux non catholiques, originaires de pays non membres de l’UE, mais envisageant de travailler en Italie. L’objectif principal du cours était d’instaurer un climat de tolérance par l’enseignement des droits et devoirs liés au système juridique démocratique italien. Les participants ont donc appris les principes constitutionnels, notamment en ce qui concerne la liberté de culte et d’expression et le droit d’accès à un lieu de culte et à la pratique d’une religion.

En octobre 2017, l’Université de Bari, dans les Pouilles, a ouvert un cours de Master en un an portant sur la « Prévention de la radicalisation et du terrorisme pour soutenir la politique d’intégration interreligieuse et interculturelle » et visant à proposer aux étudiants une approche interdisciplinaire de connaissance du terrorisme lié à la religion en tant que phénomène international et de son évolution. Il offre à cet égard aux étudiants des compétences d’analyse et des méthodes de lutte contre le terrorisme, avec une attention particulière portée à la relation entre l’État de droit, d’une part, et l’urgence et la sécurité, d’autre part. Le cours vise par ailleurs à former les membres des forces de police, des forces armées, du pouvoir judiciaire, ainsi que les chercheurs, experts en sécurité nationale, avocats, journalistes et diplômés d’universités dans les matières juridique, économique et humaniste. Le programme d’études porte sur des questions juridiques, politiques et stratégiques, avec une analyse approfondie de l’islam ; il propose également des techniques d’enquête et de prévention des risques en étudiant les profils sociologiques et médiatiques du phénomène du terrorisme. À noter que ce cours est né sur le fondement d’un programme de déradicalisation établi par le procureur de Bari avec la collaboration d’experts universitaires et s’inspirant des « mesures préventives » liées au code italien de lutte contre la mafia.
Durant la même période, l’Université de Sienne et l’Université Al Quaraouiyine de Fès, au Maroc, ont signé un accord de coopération prévoyant un échange de professeurs, de chercheurs et d’étudiants et la création de cours spécifiques visant à former des profils professionnels capables d’opérer dans un milieu pluraliste. Le coordinateur de ce projet, le journaliste Carlo Panella, a expliqué qu’à l’Université d’Arezzo, un cours de sciences de l’éducation avait déjà été lancé, destiné à former des opérateurs multiculturels et des « éducateurs sociaux spécialisés dans les méthodologies de lutte contre la radicalisation ». Il a ajouté que la coopération avec l’université marocaine visait également à créer un centre scientifico-pédagogique spécialisé dans la prévention de la radicalisation.

En fin de compte, ces initiatives tentent de combler les lacunes laissées par le législateur italien, dont l’attitude sur les questions liées à l’islam trahit une pensée selon laquelle les organisations islamiques sont « différentes » des confessions plus compatibles avec le système traditionnel de relation entre l’État et les confessions religieuses établi jusque-là en Italie et déterminé par l’application particulière des articles 7 et 8 des constitutions et de la loi 1159/1929, approuvée en réalité sous le régime fasciste. Les groupes islamiques se distinguant des croyances traditionnelles, les acteurs publics et privés ont donc tendance à explorer de nouvelles voies. Celles présentées ici en sont quelques exemples parmi les plus récents et les plus significatifs.

Francesco Alicino
  • Mai 2017 : cas italien de Kirpan : « Vous devez vous adapter à nos valeurs »

Le 15 mai 2017, la Cour de cassation d’Italie s’est prononcée contre un migrant sikh souhaitant porter en public un kirpan (poignard de 20 cm de long considéré comme l’un des cinq panj kakke, symboles sacrés dans le sikhisme). Saisie d’un recours déposé par le migrant sikh condamné à une amende de 2000 euros pour avoir porté ce poignard, la Haute Cour a justifié sa décision par l’argument de la sécurité publique (voir la loi 110/1975). Cette décision a ébranlé la communauté sikhe dans le monde entier. La plupart d’entre eux considèrent le kirpan, poignard cérémoniel, comme un élément essentiel de leur identité religieuse, au même titre que leurs cheveux non coupés (kesh), un petit peigne de bois (kangha), un sous-vêtement en coton (kachera) et un bracelet de métal (kara), depuis la fin du XVIIe siècle, lorsque le dixième maître sikh, Guru Gobind Singh, établit le Khalsa Panth, conférant aux adeptes du sikhisme une identité distincte. Mejinderpal Kaur, responsable juridique d’United Sikhs, a demandé le renvoi de l’affaire devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies et a déclaré « regrettable que le jugement de la Cour suprême d’Italie se fonde sur l’idée que les immigrants devraient vivre à Rome comme les Romains, alors que la liberté de culte est mondiale et transfrontalière ».
De son côté, la Haute Cour italienne a déclaré que s’il est important de reconnaître la diversité religieuse et culturelle dans une société multiethnique, il n’en demeure pas moins que les migrants doivent s’assurer que leurs croyances sont juridiquement compatibles avec les pays d’accueil. Les juges italiens ont donc décidé que la sécurité publique, mise à mal par le port d’une arme, primait sur les droits de l’individu. Afin de justifier et de soutenir cette position, la Cour a notamment affirmé que les migrants qui choisissent de vivre dans le monde occidental doivent se conformer aux valeurs de la société dans laquelle ils ont choisi de s’installer, même si celles-ci diffèrent des leurs. La Cour ne s’est donc pas référée aux principes juridiques, notamment le principe suprême de laïcité (selon les termes de la Cour constitutionnelle d’Italie), comme on aurait pu l’attendre d’un pouvoir judiciaire, mais plutôt aux « valeurs » génériques de la société occidentale (voir aussi : Corte Suprema di Cassazione, Sez. I penale, sent. du 14 juin 2016, n° 24739, et du 16 juin 2016, n° 25163. Sur la décision : A. Licarsto, Il motivo religioso non giustifica il porto fuori dell’abitazione del kirpan da parte del fedele sikh (considerazioni in margine alle sentenze n. 24739 e n. 25163 del 2016 della Cassazione penale)). En outre, la Cour a confondu identité religieuse et immigration : elle n’a pas considéré qu’au nom du droit fondamental à la liberté de culte ainsi que du principe de laïcité, certains Italiens pourraient décider de se convertir au sikhisme, par exemple. En résumé, la Cour a créé un précédent selon lequel tous les migrants doivent « s’adapter » aux valeurs traditionnelles (c’est-à-dire occidentales) qui, sur le fondement des relations entre États et confessions religieuses, sont fortement influencées en Italie par le catholicisme et d’autres croyances (dites traditionnelles). Pour toutes ces raisons, l’arrêt du 15 mai 2017 a suscité un débat animé, alimenté également par certains partis politiques, comme la Ligue du Nord (Lega Nord) et Fratelli d’Italia, qui, ces dernières années, ont protesté à la fois contre l’immigration et les groupes religieux « nouveaux » (c’est-à-dire différents), généralement composés d’immigrants.

Francesco Alicino, Vera Valente
  • Avril 2017 : bénédiction de Pâques dans les écoles publiques en Italie

Les bénédictions religieuses sont autorisées dans les écoles publiques, comme l’a établi la décision du Conseil d’État italien annulant la décision du tribunal administratif régional d’Émilie-Romagne. Un an plus tôt, ce tribunal avait suspendu la décision des 16 membres du conseil d’administration de l’école primaire Giosuè Carducci de Bologne, qui avaient accepté qu’un prêtre catholique romain accorde la bénédiction de Pâques dans cette école publique.
D’un avis général, le Conseil d’État a souligné que la bénédiction ne peut en aucun cas affecter le déroulement de l’enseignement public et de la vie scolaire. Dans le cas de l’école primaire Carducci, le rituel religieux sort du cadre des activités officielles, de sorte que la bénédiction ne peut porter atteinte, de manière directe ou indirecte, à la liberté religieuse de ceux qui, tout en faisant partie de la même communauté scolaire, n’ont aucun lien avec le catholicisme : s’ils craignent d’être lésés par ces rituels religieux, ils peuvent choisir de ne pas y assister.
En outre, le Conseil d’État affirme que la bénédiction n’entre pas en contradiction avec le principe suprême de laïcité (principi supremo di laicità). Comme l’a déclaré la Cour constitutionnelle italienne dans une décision historique de 1989 (n° 203), ce principe ne signifie pas l’indifférence à l’égard des religions, mais l’équidistance et l’impartialité envers les différentes confessions religieuses. En d’autres termes, le principe suprême de laïcité se fonde sur l’attitude positive de l’État à l’égard de toutes les communautés religieuses. Or, c’est là que le bât blesse, comme l’ont souligné les membres de la communauté éducative en désaccord avec la décision du Conseil d’État : en interprétant le principe suprême de laïcité de cette manière, tous les rites religieux devraient être autorisés à se dérouler dans l’enceinte de l’école. Ce principe suprême implique également l’interdiction de toute discrimination fondée sur la religion ou les croyances.
Cet exemple montre que la bénédiction à l’école s’inscrit dans un débat permanent en Italie, qui cherche à savoir où se situe exactement la frontière entre l’Église et l’État. L’argument est que ces rituels, notamment la bénédiction, font partie de l’héritage culturel italien, ce qui est contesté par un groupe de parents et d’enseignants qui ont intenté une action en justice devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Notons qu’en 2011, la grande chambre de la CEDH a annulé une décision antérieure de la section II de la CEDH et a jugé que les écoles publiques italiennes pouvaient accrocher des crucifix, concluant qu’il s’agissait « d’un symbole passif sur le fond, dont l’influence sur les élèves n’est pas comparable à celle d’un discours didactique ou de la participation à des activités religieuses ».
Il importe donc peu de savoir ce que la CEDH décidera dans l’affaire de l’école primaire Giosuè Carducci, car à la lumière des considérations précédentes, nous sommes sûrs qu’à nouveau, la décision aura des conséquences.

Reference : N. Colaianni, "Laicità : finitezza degli ordini e governo delle differenze", in Stato, Chiese e pluralismo confessionale, n° 39, 2013.

Francesco Alicino

D 9 janvier 2018    AFrancesco Alicino AVera Valente

2016

Février 2016 : Le Sénat italien a approuvé l’union civile pour les couples de même sexe
Après des années de batailles politiques menées par des mouvements homosexuels, le Sénat italien a (...)

  • Février 2016 : Le Sénat italien a approuvé l’union civile pour les couples de même sexe

Après des années de batailles politiques menées par des mouvements homosexuels, le Sénat italien a approuvé en février 2016 la première loi accordant une reconnaissance légale aux unions homosexuelles. Le projet de loi doit encore passer à la chambre basse des députés, mais l’adoption en février 2016 a été le plus dur. Approuvé par le Sénat, le projet de loi accorde aux couples de même sexe des droits similaires à ceux des autres couples mariés, y compris un soutien financier et moral mutuel, le partage d’un nom de famille et d’une adresse personnelle commune, ainsi que certains droits de succession et de retraite (voir Atto Senato n. 2081). Cependant, il faut souligner que le passage au Sénat italien a cessé de donner aux couples de même sexe le droit à l’adoption d’enfants par alliance. La réduction de la disposition sur l’adoption était en fait cruciale pour ce passage ; le projet de loi a rencontré suffisamment de résistance et le Premier ministre, Matteo Renzi, a lié son sort à un vote de confiance sur son gouvernement, qui a été adopté sans ménagement, 173 à 71.
Le projet de loi accorde certains droits civils aux couples non mariés, qui ont été historiquement largement ignorés par la législation actuelle. Il n’en demeure pas moins que la disposition de la législation qui aurait accordé l’adoption à « l’enfant par alliance », c’est-à-dire l’octroi de certains droits parentaux aux parents non biologiques dans les unions homosexuelles, a été retirée de la législation à la suite d’un accord parlementaire entre le Parti démocratique de Renzi (PD) et ses partenaires de coalition, le Nouveau centre droit (NCD). Une autre disposition, qui traitait de l’exigence de « fidélité » dans la relation, a également été effacée du projet de loi, après que les conservateurs se sont plaints que le langage tentait d’imiter les vœux de mariage.
Pour l’auteure du projet de loi initial, la sénatrice Monica Cirinnà, « il s’agit d’un premier pas, d’une victoire avec un trou dans le cœur. C’est une loi très importante, mais je pense aussi aux enfants de tant d’amis. Désormais, nous devons faire un deuxième pas ; nous sommes à mi-chemin dans l’escalier ». D’autre part, le ministre de l’Intérieur et chef du NCD, Angelino Alfano, qui a mené la bataille contre la disposition relative aux enfants par alliance mais a finalement soutenu l’adoption de la loi, est apparu comme un vainqueur politique clair dans la dure bataille sur la législation. « Nous avons bloqué une révolution qui aurait été contre la nature et l’anthropologie », a-t-il déclaré en entrevue. Alfano, et tous ceux qui étaient contre l’adoption des enfants par alliance, ont soutenu que cette façon d’adopter les enfants aurait ouvert les portes à la maternité de substitution, c’est-à-dire un accord (légalement reconnu dans certains pays occidentaux, mais interdit en Italie) à travers lequels les couples, y compris les couples de même sexe, peuvent avoir un enfant par le biais d’une mère porteuse (voir Rainews, Unioni civili, Alfano :« abbiamo impedito una rivoluzione contro natura » (« Nous avons empêché une révolution contre-nature »).
La veille de l’approbation du projet de loi par le Sénat italien, le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le cardinal Gerhard Müller, et le secrétaire d’État du Vatican, le cardinal Pietro Parolin, avaient affirmé que les unions entre personnes de même sexe ne pouvaient jamais être considérées comme équivalentes au mariage. S’exprimant lors d’une conférence à Rome, le cardinal Müller a prévenu que les hommes politiques ne devaient pas « imposer une fausse idéologie ». Le pape François n’est pas intervenu directement dans le débat, mais les hommes politiques catholiques ont monté une campagne furieuse contre la clause d’adoption, arguant que les enfants ont besoin d’une mère et d’un père.
Dans le même temps, un mouvement de 28 groupes LGBT italiens a dénoncé le projet de loi comme un désaveu : « On n’a pas attendu 30 ans pour ça », ont-ils dit. Des militants ont organisé une manifestation bruyante devant le Sénat et promis de nouvelles manifestations. Le chef d’un groupe de défense des droits des homosexuels appelé Arcigay a déclaré : « nous avons entendu des discours horribles au Sénat sur les enfants génétiquement modifiés pendant les débats ».
En ce sens, il est important de se rappeler ce que les tribunaux italiens ont établi dans certaines de leurs décisions concernant l’adoption d’enfants par alliance. L’une de ces décisions concerne le droit de garde d’une Italienne qui a donné naissance à un enfant alors qu’elle était en couple avec un homme. Après la rupture de cette relation, la femme s’est mise en couple avec une autre femme. À ce stade, le père naturel a revendiqué la garde exclusive de son fils, affirmant que la relation lesbienne des femmes était nuisible à l’enfant et que, constitutionnellement parlant, le couple homosexuel ne pouvait pas être qualifié de famille. Selon ses propres mots, la Constitution italienne protège « la famille naturelle et le mariage au sens traditionnel des termes ». Néanmoins, la Cour de cassation italienne n’a pas accepté ce raisonnement. Tout d’abord, la Cour a qualifié la relation entre personnes du même sexe de « famille centrée sur un couple homosexuel ». Elle a ensuite examiné si un tel contexte familial était préjudiciable à l’enfant. Enfin, la Cour a affirmé que ces allégations « ne sont pas fondées sur la science ou l’expérience, mais sur le seul préjugé selon lequel vivre dans une famille centrée sur un couple homosexuel nuit au développement sain de l’enfant » (voir Corte di Cassazione, sez. I civile, sentenza dell’11 gennaio 2013 n. 601).
Sur la base de ce même point de vue, le tribunal pour mineurs (Tribunale per i Minorenni) de Rome a autorisé le 30 juillet 2014, pour la première fois dans l’Histoire italienne, l’adoption d’un enfant vivant avec un couple de lesbiennes. Il s’agissait d’une fillette de cinq ans, conçue dans un pays européen avec fécondation assistée. Les deux femmes se sont mariées à l’étranger et, comme on l’a vu plus haut, ce mariage a pu être reconnu en Italie. Néanmoins, le parent non biologique a été autorisé à adopter l’enfant, en vertu de la clause énoncée à l’article 44(1-d) de la loi italienne sur l’adoption (n° 184) de 1983, telle que modifiée par la loi de 2001 (n° 149). La clause autorise l’adoption dans des cas particuliers, en privilégiant le meilleur intérêt de l’enfant afin de maintenir la relation affective et la cohabitation avec le « parent social », comme une personne autre qu’une mère biologique ou un père ayant élevé l’enfant. En conséquence, outre la nécessité pour l’enfant de maintenir une relation avec les deux femmes et pas seulement avec la mère biologique, la Cour italienne a considéré le couple lesbien comme une famille, dont les membres ne peuvent être discriminés par rapport à leur orientation sexuelle. Comme l’avait indiqué la Cour constitutionnelle italienne dans le célèbre arrêt de 2010 (n° 138), deux femmes impliquées dans une relation de même sexe « sont tenues d’avoir le droit de vivre librement en couple » (« vivere liberamente la propria condizione di coppia) ». Selon la Cour des mineurs de Rome, cela implique le droit d’avoir des enfants biologiques ou adoptés (voir Tribunale per i Minorenni di Roma, sent. 299/2014, 30 luglio 2014.)
Plus généralement, cette approche juridique signifie que si les juges ordinaires appliquent l’article 44 de la loi italienne sur l’adoption de manière à ce que les couples de même sexe soient exclus de l’adoption en raison de leur orientation sexuelle, cette interprétation serait considérée en contradiction avec l’article 2 (consacré aux droits inviolables de la personne, en tant qu’individu et dans les groupes sociaux, y compris de facto les couples de même sexe) de la Constitution italienne (voir. F. Alicino, "The Road to Equality. Same-Sex Relationship within the European Context : The Case of Italy").

Francesco Alicino
  • Janvier 2016 : Réformes de la loi sur l’Église catholique dans les procès en nullité de mariage

Le pape François a récemment promulgué les lois régissant la nouvelle procédure abrégée pour la nullité des affaires de mariage. Alors qu’un processus juridique est nécessaire pour rendre des jugements précis, le processus canonique d’annulation de mariage doit être plus rapide, moins cher et beaucoup plus qu’un ministère pastoral. Ces réformes ont notamment été formalisées par deux documents papaux, Mitis Iudex Dominus Iesus (Le Seigneur Jésus, le Juge doux) pour l’église de rite latin et Mitis et miséricors Iesus (Le Doux et le Miséricordieux Jésus) pour les églises catholiques orientales. En pratique, ces documents ne sont pas destinés à promouvoir la nullité des mariages, mais la rapidité des processus, ainsi qu’une simplicité correcte des procédures, afin que les couples catholiques ne soient pas opprimés par l’ombre du doute pendant des périodes prolongées.
Néanmoins, ces actes soulèvent diverses questions concernant les effets civils du jugement ecclésiastique affirmant la nullité d’un mariage, en vertu de l’article 8 (section 2) du Concordat italien de 1984 entre le Saint-Siège et la République italienne. Les documents papaux semblent affirmer une sorte de juridiction volontaire, de même que la dispense de mariage valide (non consommé). Cela peut avoir des impacts importants en ce qui concerne la « delibazione », la procédure par laquelle les effets d’un jugement canonique sont reconnus dans l’ordre civil italien, tel qu’établi par l’article 8.2 du Concordat de 1984 (voir Nicola Colainni, "Il giusto processo di delibazione e le “nuove” sentenze ecclesiastiche di nullità matrimoniale").

Read the full article by Vera Valente.

Vera Valente

D 24 mars 2016    AFrancesco Alicino AVera Valente

2015

Octobre 2015 : Le synode des évêques sur la famille
Le texte final du synode sur la famille a été voté par le synode des évêques de l’Église catholique en octobre 2015. Après plusieurs (...)

  • Octobre 2015 : Le synode des évêques sur la famille

Le texte final du synode sur la famille a été voté par le synode des évêques de l’Église catholique en octobre 2015. Après plusieurs semaines de travail et de discussions, les 94 points du rapport du synode sur la famille présentent la vision de l’Église sur des questions telles que le mariage, le divorce, les mariages entre personnes de même sexe et le rôle des femmes au sein de la famille.

Lire l’article complet sur le sujet par Francesco Alicino.

  • La Cour de cassation italienne et le retour à la loi sur le blasphème

Ce n’est qu’en 1979 que la Cour constitutionnelle (décision n° 117) reconnaît l’égalité des droits aux laïcs en Italie (voir Alla “scoperta” del principio di laicità dello stato. Verso la piena realizzazione dell’eguaglianza “senza distinzione di religione” ?) et en 1989 seulement, que le principe de laïcité (laicità en italien) devient un « principe suprême du cadre constitutionnel » encore une fois grâce à une jurisprudence constitutionnelle (voir décision n° 203/1989]).
Toutefois, des lois distinctes relatives à la « diffamation de la religion » et au « blasphème » restent en vigueur. La diffamation de la religion est toujours une infraction criminelle en vertu des articles 403 et 404 du Code pénal qui réglementent les infractions par la diffamation, respectivement à l’égard d’une personne et des choses, envers une confession religieuse. Infraction pénale jusqu’en 1999, le blasphème en soi demeure également une infraction administrative (article 724).
Par la décision (n° 41044) du 13 octobre 2015, la Cour de cassation italienne marque désormais le retour à « la loi sur blasphème » dans le sens traditionnel du terme. L’affaire concerne un triptyque exposé au centre de Milan et représentant un rapport sexuel homosexuel entre l’ancien Pape Benoît XVI et son secrétaire Georg Gänswein. La Cour de cassation a condamné l’auteur du triptyque, un homme âgé de soixante-dix ans, au titre de la violation de l’article 403 du Code pénal italien relatif au blasphème ou aux infractions à l’égard des religions (voir A cinque anni dalla riforma dei reati in materia di religione : un commento teorico-pratico degli artt. 403, 404 e 405 c.p.).
Dans son jugement, la Cour affirme en particulier que la critique d’une religion est légitime lorsqu’elle découle d’une analyse effectuée par du personnel qualifié qui possède une expérience et un savoir pertinents dans ce domaine. La peinture concernée, quant à elle, équivaut à un blasphème, car la critique provient d’une personne sans compétences qui ignore les valeurs de certaines institutions (en l’occurrence le Pape) au sein d’une communauté religieuse donnée, à savoir l’Église catholique (voir La Cassazione : basta con la satira offensiva sul Papa e l’arte ingiuriosa verso la fede).

Francesco Alicino
  • Débat sur le statut juridique des couples de même sexe

En octobre 2015, le Premier ministre Matteo Renzi a assuré qu’un projet de loi intitulé « Couples et unions civiles de fait » (projet de loi dit Ddl. Cirinnà) deviendrait une loi au cours de la législation 2015 ; pour lui cet acte juridique est un « pacte pour la civilisation ». Conformément à la jurisprudence nationale et européenne (voir l’article complet), cette loi autorisera les couples de même sexe à officialiser leur union civile par une déclaration officielle en présence d’un officier d’état civil italien. Elle prévoit également le droit à la déduction fiscale pour un conjoint à charge, aux prestations sociales applicables aux ménages et à la pension de réversion pour le conjoint survivant.
Le cardinal Angelo Bagnasco, le président de la Conférence italienne des évêques, a réagi en réaffirmant qu’il est « injuste » de conférer aux autres types de relations les mêmes droits que ceux qui appartiennent comme il se doit à la famille « naturelle » basée sur le mariage et composée « d’un père, d’une mère et d’enfants ». La résistance est politique et provient des conservateurs au sein de la majorité. Les sénateurs et les députés catholiques de Nuovo Centrodestra (NCD) menés par Angelino Alfano, le ministre de l’Intérieur, n’ont pas voté en faveur de l’amendement de « compromis ». Celui-ci a été adopté grâce au soutien du mouvement d’opposition, le Mouvement 5 Etoiles (Movimento Cinque Stelle). D’après le NCD, le nouveau projet de loi ne fait pas suffisamment la distinction entre les unions civiles et le mariage, et ne résout pas les dilemmes tels que l’adoption de manière générale, l’adoption des enfants du conjoint par son partenaire, la pension de réversion du partenaire survivant et la question des mères porteuses auxquelles Nuovo Centrodestra est fermement opposé.

Francesco Alicino
  • Janvier 2015 : Lombardie, la nouvelle législation « contre » les mosquées

Aucune organisation islamique n’est formellement reconnue par l’État en Italie à l’exception du Centro Islamico Culturale d’Italia (Centre culturel islamique italien). La reconnaissance officielle des confessions autres que le catholicisme doit être approuvée par un décret du président de la République sur demande du ministre italien de l’Intérieur (voir La Lega Musulmana Mondiale – Italia e il Centro Islamico Culturale d’Italia). Cette reconnaissance ne dépend pas uniquement du nombre de fidèles pour une confession donnée, elle exige également une congruence entre les principes de la confession demandeuse et la Constitution italienne (voir Imams and other Religious Authorities in Italy).
Toute communauté à vocation religieuse peut fonctionner au sein du système juridique italien sans autorisation ou enregistrement préalable. La seule restriction est la protection de l’ordre public et la décence élémentaire. Lorsqu’elles se conforment à ces restrictions, les confessions islamiques et leurs entités légales ont le choix entre différents types de capacité juridique. Elles peuvent, par exemple, se constituer en « associations non reconnues » conformément aux articles 36-38 du Code civil italien. Ce statut est également celui utilisé par les partis politiques et les organisations syndicales. Ce modèle d’association est le plus simple et n’implique pas de contrôle particulier des autorités de l’État. Selon les articles 14-35 du Code civil et selon le décret du président de la République en date de 2000 (n° 361), les communautés à vocation religieuse peuvent également opter pour la forme d’« associations reconnues » qui fournit une personnalité juridique par le biais d’un enregistrement à la préfecture locale. La capacité civile des organisations islamiques pourra également être obtenue par l’article 16 des « Dispositions sur la loi en général » (Disposizioni sulla legge in generale) qui, basé sur le principe de réciprocité, accordera aux groupes musulmans étrangers les mêmes droits que ceux accordés aux entités juridiques italiennes. En d’autres termes, ces groupes peuvent bénéficier des avantages juridiques garantis à toutes les associations privées dépourvues de couleur religieuse.
En résumé, les groupes islamiques peuvent bénéficier des avantages juridiques garantis à toutes les associations privées sans connotations religieuses. Le problème est que l’islam est une religion. De plus, hormis le catholicisme, l’islam est la confession religieuse la plus importante en Italie (voir La presenza islamica in Italia : forme di organizzazione, profili problematici e rapporti con le Istituzioni), bien qu’elle soit pratiquée par une minorité de personnes. Selon des estimations récentes, environ 2% de la population adhère aux croyances islamiques. En dépit de l’immigration illégale qui représente seulement une minorité de musulmans en Italie, la question de l’islam dans l’Italie contemporaine est constamment mise en relation par certains partis politiques (en particulier la Ligue du Nord) avec l’immigration, et plus spécifiquement l’immigration illégale (voir Lega Nord, Matteo Salvini : "Milioni di islamici pronti a sgozzare". Volantini con vignette di Charlie Hebdo). L’Italie ne compte pas une organisation islamique nationale unique, ce qui est aussi le cas dans les autres pays européens. De nombreux groupes islamiques sont locaux, alors que d’autres se réfèrent à des mouvements islamiques transnationaux ou à un état étranger. Les immigrants composent le plus grand nombre des organisations musulmanes islamiques qui, lorsqu’elles souhaitent fonctionner en Italie, doivent respecter les principes de la Constitution italienne. Cependant, ces principes doivent être sérieusement pris en considération pour établir une connexion appropriée entre l’État et les organisations islamiques qui pourront solutionner certains problèmes concernant les lieux de cultes, à savoir les mosquées (voir Edilizia ed edifici di culto).
Dans ce contexte, il est important de noter que le gouvernement italien a pris une mesure pour bloquer la construction de nouveaux édifices religieux en Lombardie, la région la plus peuplée d’Italie, par la loi n° 62/2015. Le Gouvernement a déclaré que cette loi rendrait pratiquement impossible la construction de nouvelles mosquées dans cette région. En fait, cette nouvelle législation est devenue la loi anti-mosquées. Elle a été approuvée par le Conseil régional dominé par l’aile droite à la fin de janvier 2015 (voir Legge anti-moschee Lombardia, il governo la impugna. Maroni : “Ritorsione”). Face au tollé provoqué par ce que les critiques considèrent comme une mesure nettement discriminatoire en Lombardie, y compris sa capitale Milan, le Gouvernement de centre-gauche (emmené par Matteo Renzi, le leader du parti démocrate) a décidé de faire examiner les nouvelles règles régionales par la Cour constitutionnelle.
L’objectif de cette nouvelle loi est clairement d’imposer des dispositions plus strictes et plus sévères aux groupes des minorités religieuses pour lesquels il devient alors pratiquement impossible de respecter la loi. Il leur sera alors impossible d’ériger des nouveaux édifices religieux sur le territoire lombard. Les critiques affirment que la loi de Lombardie est une violation de la Constitution de 1948 sur plusieurs plans et que cette nouvelle règlementation est destinée à être cassée par la Cour constitutionnelle.
Les juges de la Consulta doivent en effet considérer si les nouvelles dispositions constituent une violation des garanties de la liberté religieuse (article 19 de la Constitution italienne), si la région a outrepassé son pouvoir en redéfinissant la relation entre l’État et la religion (article 117 de la Constitution italienne), et si la nouvelle loi laisse trop d’éléments à la discrétion des maires locaux. La nouvelle loi et ses dispositions introduisent une série de nouveaux critères en particulier en matière de politique urbaine et citadine. Ces nouveaux critères sont ajoutés à ceux déjà précédemment en vigueur, c’est à dire ceux concernant la représentativité des groupes et d’autres aspects administratifs. De manière générale, trois points critiques sont à dénombrer dans la nouvelle loi régionale : les groupes auxquels ils s’appliquent ; le pouvoir des autorités locales durant les négociations ; les exigences supplémentaires auxquelles les communautés doivent répondre pour obtenir un permis de construire.
Par exemple, l’une des dispositions de la loi lombarde prévoit que les maires locaux qui ne sont pas en faveur de la construction d’une nouvelle mosquée peuvent organiser un référendum avant d’accorder ou de refuser le permis de construire. La loi stipule également que les dimensions et les proportions architecturales de tout nouveau lieu de culte doivent être cohérentes avec le paysage lombard. Cette condition apparaît clairement par écrit pour bloquer tous les plans comportant des minarets, la haute tour élancée qui fait le plus souvent partie intégrante d’une mosquée. Selon cette nouvelle loi lombarde, toute personne souhaitant construire un nouveau lieu de culte pour une religion non officiellement reconnue par l’État s’expose à une longue liste de restrictions spécifiques allant de la taille du parking associé à l’apparence extérieure des bâtiments. Puisque l’islam est l’unique religion majeure non reconnue par la République italienne, les nouvelles dispositions sont considérées comme visant spécifiquement les musulmans en Italie alors qu’ils sont plus d’un million.
La décision du Gouvernement de Matteo Renzi de bloquer le projet de législation de la Lombardie a provoqué une réponse cinglante de la part de Matteo Salvini, le leader du parti d’extrême droite de la Ligue du Nord. Il a déclaré que Renzi et le ministre de l’Intérieur, Angelino Alfano, sont les nouveaux imams. Il faut noter que la Ligue du Nord est la force dominante de la coalition qui dirige la région lombarde.

Simona Attollino

D 10 novembre 2015    AFrancesco Alicino ASimona Attollino

2014

11 juin 2014
Le 11 juin 2014, la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnels les articles 2 et 4 de la loi 164 de 1982. Ceux-ci prescrivent que les effets civils d’un mariage cessent (...)

  • 11 juin 2014

Le 11 juin 2014, la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnels les articles 2 et 4 de la loi 164 de 1982. Ceux-ci prescrivent que les effets civils d’un mariage cessent dès qu’une rectification de genre sexuel est enregistré par un tribunal (rettificazione di attribuzione di sesso giudiziale). La Cour n’impose pas la continuité du mariage après changement de sexe : cela aurait transformé sa décision en décision favorable au mariage pour tous. Elle estime inconstitutionnel que le droit italien n’offre pas au couple qui s’est transformé en couple de personnes du même sexe, et qui souhaitent rester ensemble, une forme juridique (du type contrat d’union civile) qui rendrait cela possible.

D 7 août 2014    AMarco Ventura

2012

Avril 2012 : L’arrêt Sessa contre Italie de la Cour européenne des droits de l’homme
Un avocat juif demande à ce qu’une audience ne se tienne pas le jour de Kippour. Il lui est répondu qu’il (...)

  • Avril 2012 : L’arrêt Sessa contre Italie de la Cour européenne des droits de l’homme

Un avocat juif demande à ce qu’une audience ne se tienne pas le jour de Kippour. Il lui est répondu qu’il peut envoyer un remplaçant et que de toute façon, compte tenu de la nature de l’audience, sa présence n’est pas obligatoire. Les juges italiens ont rejeté l’appel de l’avocat et la Cour de Strasbourg a cautionné la position italienne. Cependant, trois juges sur sept ont présenté une opinion dissidente exprimant l’avis qu’un aménagement raisonnable était possible et que par conséquent les autorités italiennes ont bien lésé la liberté religieuse de l’avocat.

Voir l’article complet de Marco Ventura sur le site du Corriere (en italien).

  • Mars 2012 : L’affaire ICI/IMU

L’affaire de l’« ICI » révèle le mécontentement d’une opinion publique opposée aux généreuses exemptions fiscales dont bénéficie l’Église catholique, notamment en qui concerne l’ICI (Imposta Comunale sugli Immobili), taxe foncière dont sont exclus les immeubles de l’Église qui abritent des activités sociales.
Est-ce qu’une petite chapelle dans un hôtel transforme celui-ci en établissement religieux, ce qui permet au propriétaire de ne pas payer l’ICI sur l’ensemble du bâtiment ? Une librairie gérée par un monastère dans un bâtiment séparé peut-elle être considérée comme indispensable à la subsistance de la communauté monastique et donc être exemptée de l’ICI ?
L’ICI a été remplacé par l’IMU (Imposta Municipale Unitaria) et le gouvernement Monti a préparé un amendement au décret-loi du 24 janvier 2012 : en cas d’usage à la fois commercial et à but non lucratif d’un même bâtiment appartenant à une entité ecclésiastique, l’IMU sera dû pour la partie de la propriété dans laquelle se déroulent les activités commerciales.
L’application effective de cette législation dépendra cependant de la volonté réelle des organismes d’État pour préciser ce principe, ainsi que de la mise en œuvre d’un système efficace de contrôle.

Voir l’article complet de Marco Ventura sur le site o-re-la (en anglais).

D 27 août 2012   

2010

Droit civil et droit ecclésiastique
Le Conseil d’Etat a récemment estimé qu’il était légitime d’ordonner la présentation d’un dossier médical, même si cela devait porter atteinte au droit au (...)

  • Droit civil et droit ecclésiastique

Le Conseil d’Etat a récemment estimé qu’il était légitime d’ordonner la présentation d’un dossier médical, même si cela devait porter atteinte au droit au respect de la vie privée, et ce non seulement dans un procès civil, mais aussi dans un procès canonique (arrêt du Conseil d’Etat italien du 28 septembre 2010). Il a donc ordonné à une clinique de remettre à un homme le dossier médical de sa femme pour que celui-ci puisse le présenter au tribunal ecclésiastique. La clinique refusait de le faire au nom du respect de la vie privée de la femme. Les spécialistes de droit canonique et ecclésiastique n’ont dans leur ensemble pas réagi ; le professeur Marco Ventura estime pour sa part cette décision contraire à la jurisprudence constitutionnelle italienne et au concordat de 1984. Il souligne en particulier le risque d’un retour à l’usage du bras séculier, l’autorité étatique soutenant les stratégies légales de l’une ou l’autre des parties face aux juges canoniques. Cela serait très grave non seulement pour l’indépendance de la justice italienne, mais surtout pour l’autonomie de la juridiction ecclésiastique dont l’activité peut désormais faire l’objet de l’intrusion du juge de l’état.
Pour plus d’information, voir la décision sur le site de OLIR.

A partir de Marco Ventura, "Stato, Chiesa, diritto alla privacy civile e religioso", Corriere della Sera, 25 octobre 2010.

D 29 octobre 2010    AAnne-Laure Zwilling

2009

L’enseignement de la religion islamique à l’école : une proposition qui fait débat
L’islam en Italie fait toujours débat, notamment à cause du peu de connaissance que l’opinion publique et les (...)

  • L’enseignement de la religion islamique à l’école : une proposition qui fait débat

L’islam en Italie fait toujours débat, notamment à cause du peu de connaissance que l’opinion publique et les politiciens ont de la religion et du monde musulman. La proposition du vice-ministre du Développement économique, A. Urso, d’enseigner l’islam à l’école, avec une heure d’enseignement facultative et alternative à l’enseignement (lui aussi facultatif) de la religion catholique, a provoqué un débat qui alimente tout particulièrement les divisions actuelles de la droite.
Le vice-ministre Urso, membre du parti de droite Alleanza Nazionale, a suscité avec cette proposition une réflexion qui est nécessaire en Italie ; elle reste pour l’instant malheureusement limitée aux groupes politiques. Le parti xénophobe de la Ligue du Nord se dit opposé à l’enseignement de l’islam en évoquant la "sauvegarde" des racines chrétiennes de l’Italie (bien que les rapports entre Ligue et Vatican soient tendus). Le ministre de l’Intérieur Maroni (Ligue du Nord), affirme que, au contraire du catholicisme qui est une religion unitaire avec une hiérarchie claire dirigée par le pape, en islam on peut tout dire car "l’imam interprète le Coran librement, il n’y a pas une série de dogmes, il n’y a pas un message clair à transmettre". Au-delà des compétences douteuses de certains ministres italiens en matière religieuse, la proposition agite les esprits du PDL de Berlusconi.
Le débat ne devrait pourtant pas se limiter à l’affrontement politique, car il pourrait être l’occasion de réfléchir sur les contenus et les solutions complexes à une telle question. La comparaison avec les solutions adoptées en la matière dans les autres pays de l’UE est certes nécessaire, car la pluralité des alternatives montre aussi la complexité de ce type d’enseignement (cf. l’article d’A. Pisci, L’islam tra i banchi di scuola). Le ministre des Politiques européennes Ronchi propose une heure d’enseignement d’histoire des religions (qui reste facultative). Pour beaucoup, musulmans compris, il faudrait chercher des enseignants italiens ou formés en Italie qui soient en mesure de garantir un enseignement "correct".
Or, les enjeux qui se dégagent concernant l’enseignement d’une religion autre que catholique, et notamment de l’islam, sont nombreux. La question des programmes à adopter n’est pas la moindre, ensuite il faut répondre à une sorte d’inquiétude citoyenne à propos des musulmans, qui va de pair – selon le gouvernement actuel - avec la nécessité de contrôler le territoire et ses habitants étrangers. De plus, la CEI, Conférence épiscopale italienne, est opposée à cette proposition, comme d’autres personnalités du Vatican – bien que les positions varient aussi dans le monde catholique.
La réflexion se porte sur le plan pédagogique et juridique d’abord, notamment en relation avec la question des libertés des femmes, du port du voile à l’école, etc. Mais quand on parle d’islam, la tentation est surtout forte de parler de terrorisme, et l’occasion n’a pas échappé à la Ligue du Nord, suite à un attentat où un citoyen libyen a essayé de se faire exploser devant une caserne le 12 octobre 2009 à Milan. Une motivation terroriste islamique a évidemment été évoquée par les politiciens de droite, ce qui leur a suffi pour remettre en cause le droit à la citoyenneté mais aussi la signification du mot intégration, dont on abuse trop souvent. L’acte commis semble pourtant à mettre en lien avec la situation sociale et économique difficile de son auteur, plutôt qu’avec des organisations musulmanes ou terroristes. Mais peu importe, le glissement fait de l’éducation à l’extrémisme religieux est fréquent. En lisant, les journaux italiens (pas seulement ceux-là, d’ailleurs), on s’aperçoit immédiatement de la différence de vision sur ces faits entre la gauche et la droite. Le quotidien berlusconien Il Giornale met en évidence l’opposition de la Ligue et de la CEI (article du 20 octobre 2009), et – mais cela est une habitude qui traverse les frontières politiques de notre presse – montre la photo d’une jeune fille voilée pour parler de l’enseignement de la religion islamique.
Internet nous livre ensuite un regard rapide mais ponctuel sur le débat en cours : l’attention se concentre davantage sur les Italiens et les politiciens italiens, et ensuite sur ce que les organisations musulmanes pensent à ce propos. Or, les musulmans sont très intéressés à débattre et réfléchir ensemble sur la solution à adopter ; ils ont accueilli favorablement l’ouverture initiée par la proposition du ministre Ronchi. Si pour eux le oui prévaut sur le non à l’enseignement, les méthodes seront à construire, et il faudra veiller à la sélection du personnel enseignant (origine, formation et orientations). En général, tous préfèrent que les enseignants soient formés en Italie, que les programmes correspondent aux indications ministérielles, qu’ils soient donnés en italien. Ils privilégient aussi les principes éthiques de solidarité, de paix, d’amour pour la création (selon Hamza Piccardo, président de l’UCOII). Pour les membres de la Coreis (Comunità religiosa islamica) les enseignants devraient être des citoyens italiens, musulmans, qualifiés, et l’enseignement doit avoir un caractère laïc, offrir des bases doctrinales, historiques et culturelles de l’islam et être donc destiné à tous les étudiants. D’autres, du côté musulman comme à gauche (PD), soulignent l’importance d’un enseignement d’histoire des religions afin que les enfants se connaissent mieux, tout en prônant de laisser à chaque communauté la tâche d’enseigner la religion à ses fidèles (Izzedin Elzir, imam de l’UCOII à Florence).
Il ne reste plus qu’à attendre la suite de ce débat sur le plan de l’éducation nationale et/ou locale, d’autant plus que les arguments "provocateurs" ne manquent pas des deux côtés et que les interlocuteurs musulmans sont presque toujours suspectés en raison de leur appartenance religieuse. Est-ce que la proposition de la ministre Mara Carfagna d’interdire le port du burqa et du niqab à l’école, bien qu’aucun incident n’ait eu lieu, sera accueillie comme un "signal important" pour faire évoluer un plus large débat sur l’islam ?
Est-ce que la scolarisation et l’instruction publique – pilier des démocraties modernes - seront finalement l’intérêt premier à défendre, contre toute instrumentalisation et opposition schématique de l’islam et l’Occident ?

  • Euthanasie : L’affaire Eluana Englaro, suite

Le Sénat italien vient d’approuver un texte de loi sur les traitements de fin de vie qui répond à la fois à l’émotion de l’opinion publique suscitée par le cas Englaro et à la demande très forte des évêques catholiques d’une loi destinée à empêcher à l’avenir qu’un juge puisse autoriser, en cas d’état végétatif permanent, la fin de l’hydratation et de l’alimentation. Le texte approuvé, non seulement va dans la direction souhaitée par l’Eglise catholique pour ces cas d’état végétatif permanent, mais traite plus largement la question de l’acharnement thérapeutique, introduisant la notion de testament biologique qui réserve au seul médecin le droit d’imposer des soins au malade. Apparemment, le texte introduit en Italie le testament biologique, mais le vide de fait de tout contenu contraignant pour l’équipe de soin.
La coalition de centre-gauche s’oppose à ce texte, au nom de la liberté individuelle reconnue par l’article 32 § 2 de la Constitution : "Nul ne peut être contraint à un traitement sanitaire déterminé, si ce n’est par une disposition de la loi. La loi ne peut, en aucun cas, violer les limites imposées par le respect de la personne humaine". Pour que ce texte devienne définitivement une loi, il faut encore qu’il soit voté par la Chambre des députés.

D 14 décembre 2009    AAlessandra Marchi

2008

Euthanasie : l’affaire Eluana Englaro
Eluana Englaro se trouvait depuis 17 ans dans un état végétatif permanent suite à un accident de voiture. Au lieu de recourir à une interruption des soins (...)

  • Euthanasie : l’affaire Eluana Englaro

Eluana Englaro se trouvait depuis 17 ans dans un état végétatif permanent suite à un accident de voiture. Au lieu de recourir à une interruption des soins discrète comme on le fait couramment en Italie, son père a voulu obtenir une autorisation judiciaire. Les tribunaux ont d’abord refusé l’autorisation, mais celle-ci a finalement été octroyée et même confirmée par la Cour de cassation, sur la base du principe de la volonté présumée de la fille, reconstruite à partir des indications du père.
Il faut remarquer que l’Italie ne s’est pas encore dotée d’une loi sur l’acharnement thérapeutique et les traitements de fin de vie. Une proposition de loi avait été présentée par Ignazio Marino lors de la dernière législature, pour le gouvernement de centre-gauche présidé par le catholique Romano Prodi. Le texte, très modéré, correspondait à peu près à la législation en vigueur en France. Toutefois, l’opposition de centre-droite, soutenue par les évêques catholiques, avait empêché son approbation.
Face à l’autorisation donnée par la justice de faire mourir Eluana, le front catholique et conservateur, dont le premier ministre Berlusconi a lui-même récemment pris la tête, a tout fait pour que l’arrêt soit annulé. Des régions gouvernées par le centre-droite, dont la Lombardie, ont refusé à leurs hôpitaux l’autorisation d’accueillir l’équipe chargée de faire mourir Eluana. Des inspections ministérielles ont été commandées. Enfin, le gouvernement a approuvé un décret d’urgence, bien qu’il n’ait pas été contresigné par le Président de la République Napolitano car il était contraire à la séparation de l’exécutif et du judiciaire inscrite dans la Constitution. C’est donc dans la plus haute tension sociale et politique - et institutionnelle - que la mort d’Eluana, finalement accueillie dans un hôpital de Udine (ville du nord-est de l’Italie), a eu lieu.
Pour les évêques italiens, il s’agit d’un crime. A plusieurs reprises, ils ont qualifié la procédure d’euthanasie, et ils ont attaqué les juges responsables de l’autorisation. Ils paraissent toutefois moins opposés qu’auparavant à la possibilité d’une loi en la matière, dont le centre-droite assurerait la compatibilité avec le droit naturel et la doctrine de l’Eglise. Le Saint-Siège a aussi exprimé sa contrariété : le cardinal Barragan a ouvertement critiqué le Président Napolitano. Le Secrétaire d’Etat Bertone a quant a lui appelé Napolitano pour exprimer sa considération personnelle par rapport aux attaques subies de la part de Berlusconi.
A l’occasion de cette polémique, et 80 ans après les Pactes du Latran, le débat sur la laïcité du pays et de ses institutions a été relancé. Les évêques et certains milieux catholiques déplorent le laïcisme dont le pays serait désormais la victime. Le camp adverse multiplie les appels à une mobilisation contre la vaticanisation future du pays et contre l’alliance perverse entre le tycoon libertin, les évêques et le Saint-Siège.

D 8 décembre 2008    AMarco Ventura

2007

Euthanasie et droit à la vie
Un débat s’est ouvert au début de l’année 2007 lorsque Piergiorgio Welby a demandé que les appareils qui le maintenaient en vie soient éteints. Après un long débat (...)

  • Euthanasie et droit à la vie

Un débat s’est ouvert au début de l’année 2007 lorsque Piergiorgio Welby a demandé que les appareils qui le maintenaient en vie soient éteints. Après un long débat politique, un médecin s’est déclaré prêt à l’aider. Une fois les appareils éteints, le docteur Mario Riccio, anesthésiste, a administré des sédatifs au patient. La Cour pénale de Rome a immédiatement déposé plainte contre le médecin, l’accusant d’avoir aidé un être humain à se suicider. Le 1er février, la Cour pénale a déclaré Mario Riccio non coupable, au motif que le patient a le droit de refuser certaines thérapies et que le médecin a le devoir de l’aider dans son choix. La décision de la Cour a eu un grand impact dans le débat en Italie, alors qu’il n’existe pas de législation précise dans ce domaine et que la charge de créer un minimum de règles revient aux tribunaux.

  • Nouvelle loi sur la famille

Ces derniers mois, le gouvernement a tenté d’introduire une réforme pemettant la reconnaissance des couples qui ne sont pas légalement mariés. L’opposition et l’Eglise catholique ont déclaré que cette réforme allait à l’encontre de tous les principes éthiques et religieux de l’Etat italien, appelant à une marche de protestation appelée "Journée de la famille" qui eut lieu le 13 mai 2007. Etant donné le nombre élevé de participants à cette marche, la nouvelle loi qui prévoyait l’égalité des droits pour les couples homosexuels et les couples non mariés a été retirée.

  • Financement par le "8 pour mille"

Dans La Repubblica du 3 octobre (l’un des principaux journaux italiens qui publie actuellement une série d’enquêtes concernant les aides financières à l’Eglise), une enquête concernant le "8 pour mille" a été publiée. Le "8 pour mille" est la part de l’ impôt que chaque citoyen peut destiner, dans sa déclaration fiscale, à des communautés religieuses ou à l’Etat. Le système de répartion, ignoré de beaucoup d’Italiens, a été clairement exposé par le journal. Le montant total de l’argent est réparti proportionnellement entre les organisations religieuses qui ont accès à ce système et plus de la moitié de ce total est ainsi distribué à l’Eglise catholique. Deux points sont particulièrement critiqués par La Repubblica : les déclarations fiscales dans lesquelles aucun bénéficiaire n’est clairement désigné sont regroupées et le montant correspondant est à nouveau réparti proportionnellement, et là encore le pourcentage le plus élevé est versé à l’Eglise catholique. Le second point concerne la façon dont l’argent est utilisé. Les organisations religieuses peuvent faire de la publicité pour le "8 pour mille" mais, en raison de son coût élevé, seule l’Eglise catholique parvient à en faire. Dans ses annonces, elle indique que l’argent est destiné aux missionnaires en Afrique ou aux pauvres en Italie. Mais en fait seulement 20% du montant total reçu (environ 980 000 euros par an) vont à ces activités d’assistance, les 80% restant demeurant dans le cadre ecclésiastique.

  • La Commission européenne s’interroge sur les avantages fiscaux accordés aux confessions religieuses italiennes

La démarche de la Commission européenne auprès du gouvernement italien pour avoir des détails sur les avantages fiscaux concédés par l’Etat aux diverses confessions religieuses, a déclenché, mercredi 29 août en Italie, un concert de protestations. Le sujet est sensible dans un pays où l’Eglise catholique possède un patrimoine immobilier estimé à 100 000 immeubles pour une valeur de 8 à 9 milliards d’euros.
Saisie par des plaignants, Bruxelles cherche à vérifier si les exemptions de taxe immobilière dont bénéficie le clergé italien pour certaines de ses activités commerciales (restauration, hébergement), ainsi que la réduction de 50 % de la taxe professionnelle dans ses établissements scolaires et hospitaliers, constituent une distorsion de concurrence.

(Source : Le Monde, 30 août 2007)
Pour en savoir plus : article du 29 août 2007 dans Il Sole 24 Ore.

D 4 décembre 2007    AMarco Ventura

2005

Septembre 2005 : La Conférence des évêques contre la laïcisation
Le Cardinal Ruini est contesté à Sienne à cause de son rôle actif dans la politique italienne (rôle réaffirmé dans un discours (...)

  • Septembre 2005 : La Conférence des évêques contre la laïcisation

Le Cardinal Ruini est contesté à Sienne à cause de son rôle actif dans la politique italienne (rôle réaffirmé dans un discours officiel du 19 septembre 2005).
L’offensive de la Conférence des évêques contre la laïcisation de la législation italienne se poursuit. A la suite d’une prise de position du chef de l’opposition Romano Prodi prônant une loi instituant un système proche des PACS français, le Card. Ruini (Président de la Conférence épiscopale) a déclaré qu’une telle réforme serait "inconstitutionnelle". Dans son discours, le Card. Ruini a aussi reproché aux juges italiens un usage des écoutes judiciaires peu soucieux de la dignité des personnes. Quoique générale, la remarque a été interprétée comme se référant au scandale éclaboussant l’indépendance du gouverneur de la Banque d’Italie, Antonio Fazio, fervent catholique.

Lire la version intégrale du discours (en italien), et un commentaire sur la contestation à Sienne de Marco Ventura (article en italien du Corriere de Siena).

  • Septembre 2005 : L’affaire de la mosquée de via Quaranta à Milan

L’autorité de police de Milan a ordonné la fermeture d’une école musulmane. Un débat s’est déclenché par la suite, portant sur les droits des communautés musulmanes et sur la recevabilité d’un système d’instruction parallèle.

  • Avril 2005 : La nomination des enseignants de l’Université catholique

Les nominations des enseignants de l’Université catholique du Sacré Cœur sont subordonnées à l’approbation de l’autorité ecclésiastique compétente. Cette approbation constitue une condition de légitimité de la nomination et elle ne être contrôlée ni par l’université ni par le juge administratif (Consiglio di Stato, Sentenza 18 aprile 2005, n. 1762).

  • Mars 2005 : Le crucifix dans les salles de classe des écoles publiques

Les juges du Tribunal Administratif Régional du Veneto (Vénétie) ont rejeté un recours contre l’exposition du crucifix dans les salles de classe, exposant que le crucifix est le symbole de valeurs communes au christianisme et à l’Etat, y compris la laïcité, et qu’il n’y a donc aucune raison de le ressentir comme un symbole qui exclurait quelqu’un au nom de la religion (Tribunale Amministrativo, Sentenza 17 marzo 2005, n. 1110).

  • Mars 2005 : La procréation assistée

Les opposants de la loi sur la procréation assistée (notamment les radicaux, une majorité du centre-gauche et une minorité du centre-droite) ont réussi à faire passer un référendum d’initiative populaire pour l’abrogation des certaines parties de la loi, en application de l’article 75 de la Constitution.
Les articles visés sont considérés comme les articles plus « catholiques » de la loi et concernent le statut de l’embryon, la liberté des femmes et des couples du même sexe et l’interdiction de recours à un donneur.

Après s’être déjà exprimé dans ce sens le 17 janvier 2005, le Président de la Conférence des évêques italiens (le Cardinal Ruini) a officiellement demandé aux catholiques, le 7 mars 2005, de ne pas se rendre aux bureaux de vote de façon à faire échouer le référendum par manque du quorum : "È chiaro il senso dell’indicazione di non partecipare al voto : non si tratta in alcun modo di una scelta di disimpegno, ma di opporsi nella maniera più forte ed efficace ai contenuti dei referendum e alla stessa applicazione dello strumento referendario in materie di tale complessità".
Pour plus d’informations sur la position de la conférence épiscopale italienne voir la rubrique référendum sur la procréation sur le site officiel.

La prise de position des évêques italiens a soulevé des critiques par rapport à la compatibilité d’un tel engagement direct avec l’équilibre concordataire, et a ouvert le débat parmi les catholiques ; certains entendent se rendre au vote même pour défendre la loi par leur non à l’abrogation, une autre partie a élaboré un document prônant un "oui" catholique en faveur de l’abrogation.

Le référendum qui s’est tenu les 12 et 13 juin 2005 a été invalidé en raison d’une très forte abstention, seuls 25,9% des inscrits ayant voté.

D 13 octobre 2005    AMarco Ventura

2004

Le crucifix dans les salles de classe des écoles publiques
Alors que les juristes et la jurisprudence étaient presque unanimes quant à l’incompatibilité de l’affichage du crucifix dans les (...)

  • Le crucifix dans les salles de classe des écoles publiques

Alors que les juristes et la jurisprudence étaient presque unanimes quant à l’incompatibilité de l’affichage du crucifix dans les lieux publics avec le principe de laïcité, le débat a été relancé auprès des spécialistes et surtout de l’opinion publique par la décision d’un juge d’Ofena (près de l’Aquila, dans le centre de l’Italie) d’ordonner qu’un crucifix soit retiré des murs d’une école publique (voir le texte italien de l’ordonnance du 22 octobre 2003).
Examinant une plainte déposée par Adel Smith, un musulman radical très médiatisé, outré de savoir ses deux enfants dans une salle de classe arborant la croix, le magistrat, dans son jugement, fait valoir que les crucifix "montrent la volonté sans équivoque de l’Etat de placer le catholicisme au centre de l’univers (...) dans les écoles publiques, sans la moindre considération pour le rôle des autres religions dans l’histoire de l’humanité".
La décision a choqué nombre de religieux et plusieurs hommes politiques dans un pays où l’Etat demeure très attaché à son enracinement catholique, bien qu’il soit officiellement séparé de l’Eglise.
"C’est une décision scandaleuse qui doit être annulée dès que possible. Il n’est pas acceptable qu’un juge puisse tirer un trait sur des millénaires d’histoire", a déclaré Roberto Maroni, ministre du Travail de la Ligue Nord. De son coté Roberto Castelli, ministre de la Justice lui aussi de la Ligue, a fait savoir qu’il ordonnerait une enquête pour vérifier les fondements légaux d’une telle décision, affirmant que des sanctions seraient prises si le jugement n’était pas conforme à la législation italienne.
Deux lois stipulent que le crucifix doit être présent dans les salles de classe italienne. Elles datent des années 1920 et ont été promulguées quand l’Italie était une monarchie fasciste. Cependant, elles restent techniquement en vigueur car elles ont été reprises par la législation des années soixante et tout dernièrement dans des circulaires du Ministre de l’éducation nationale. En 1984, l’Italie a conclu avec le Vatican un nouveau concordat aux termes duquel le catholicisme n’est plus la religion d’Etat. Mais la tradition demeure souvent plus forte que les lois. Si certains enseignants ont retiré les crucifix, de nombreuses salles de classe arborent toujours ce symbole.
Suite à l’intervention des autorités scolaires et civiles, la décision du juge d’Ofena n’a pas été appliquée. Le 19 novembre 2003, le Tribunal de l’Aquila a revoqué cette ordonnance (voir le texte italien de l’ordonnance du 19 novembre 2003).
Parallèlement, lors d’un cas similaire, le Tribunal administratif de la région Veneto a déféré la question à la Cour Constitutionnelle qui va devoir se prononcer sur la legitimité constitutionnelle de la norme prévoyant la presence du crucifix dans les salles de classe de l’école publique (voir le texte italien de l’ordonnance du 14 juin 2004, n.56).

  • L’influence du Vatican sur l’adoption de la loi sur la procréation assistée

Après des années de débat (polarisé entre tenants de la bioéthique catholique et tenants de la bioéthique laïque), une loi sur la procréation médicalement assistée a été adoptée le 19 février 2004. Le texte de la loi a surtout été appuyé par une majorité catholique transversale aux rassemblements parlementaires s’inspirant du magistère catholique, notamment en matière d’interdiction de toute technique de procréation hétérologue (avec donneur). Cela a relancé le débat sur l’autonomie de la science et de la médecine par rapport à l’emprise des autorités ecclésiastiques, et plus généralement sur l’indépendance du Gouvernement et du Parlement et le respect du principe de laïcité.

Voir le texte intégral de la loi en matière de procréation médicalement assistée n. 40 du 19 février 2004 (en italien).

  • Islam, communautés religieuses minoritaires et protection juridique du statut des cultes

La diffusion des nouveaux mouvements religieux et le défi de l’islam soulignent les limites du système italien de droit des religions fondé sur la différence de statut juridique entre les groupes ayant signé une entente avec le gouvernement (et jouissant d’un statut privilégié) et les autres. Les Témoins de Jehova et les Bouddhistes ont signé un accord en 2000 (avec un gouvernement de centre gauche), mais le Parlement (dont la majorité appartient désormais au centre droite) a de fait refusé de reconnaître cet accord et de le transformer en loi, si bien que le statut de ces groupes n’a pas changé depuis. D’énormes problèmes se posent aussi par rapport aux communautés islamiques à cause de la conjoncture internationale. Des musulmans ont fait l’objet d’expulsions pour des raisons plutôt politiques que légales, une appréciation judiciaire des cas n’étant pas intervenue. De plusieurs côtés, et notamment de la part de plusieurs évêques catholiques, on a aussi proposé que la loi sur l’immigration limite l’accès aux immigrés musulmans qui ne sauraient pas s’intégrer dans un pays catholique.
Le gouvernement Berlusconi a présenté en 2002 un projet de loi sur la liberté religieuse (qui reprend les projets des gouvernement Amato et Prodi) réformant le système de droit commun de régulation du statut des minorités religieuses.

Voir le projet de loi "sur la liberté religieuse" du gouvernement Berlusconi réformant le droit commun s’appliquant aux groupes religieux en Italie présenté le 18 mars 2002.

D 6 décembre 2004    AMarco Ventura

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