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Archives des débats

2022

D 10 mai 2022   

2020

Octobre 2020 : Programme législatif du gouvernement minoritaire social-démocrate
Le 6 octobre 2020, à l’occasion de l’ouverture de la nouvelle année parlementaire 2020-2021, le gouvernement (...)

  • Octobre 2020 : Programme législatif du gouvernement minoritaire social-démocrate

Le 6 octobre 2020, à l’occasion de l’ouverture de la nouvelle année parlementaire 2020-2021, le gouvernement minoritaire social-démocrate a annoncé son programme législatif pour l’année à venir. Ce nouveau programme comprend trois changements juridiques importants, qui sont en cours depuis un certain temps.
Tout d’abord, le ministère de l’Immigration et de l’Intégration vise à criminaliser les dons provenant de donateurs étrangers figurant sur une liste d’organisations antidémocratiques (voir "Denmark to criminalise foreign funding for mosques in effort to ’counter extremism’", Middle East Monitor, 27 octobre 2020). Cette initiative n’est pas nouvelle. Un large accord politique visant à empêcher les contributions financières des États du Golfe a déjà été proposé en 2016 après que le documentaire Mosques behind the veil (Les mosquées derrière le voile), montrant des images de caméras cachées dans un certain nombre de mosquées danoises, a suscité un vif débat. Voir Sinclair, Kirstine, "What Goes on in the Mosque ? Or : A Tale of Two Tongued Imams", Center for Mellemøststudier News Analysis, avril 2016). La rédaction spécifique du projet de loi a posé problème car il est difficile de cibler les contributions aux mosquées perçues comme extrémistes, tout en n’affectant pas les contributions aux Églises catholiques, par exemple, qui sont généralement perçues comme ne posant pas de problème. Différents modèles ont été examinés en détail dans un rapport de 2017 du ministère de l’Immigration et de l’Intégration, intitulé Åbenhed om udenlandske donationer til trossamfund og religiøse foreninger. Rapport fra arbejdsgruppe om større gennemsigtighed med udenlandske donationer til trossamfund m.v., mais lorsque le projet de loi a été présenté au Parlement en 2019/2020, au milieu d’un certain nombre d’articles de presse sur des mosquées recevant des fonds de l’Arabie saoudite et du Koweït, le traitement politique du projet de loi a été interrompu en raison du l’arrêt provoqué par le Covid-19. Le projet de loi ne précise pas si les mosquées recevant des imams salariés par la Diyanet turque seraient incluses. Il s’agira d’une décision administrative.
Le ministère des Affaires ecclésiastiques a présenté un autre projet de loi visant à réglementer le domaine musulman, sous la forme d’une proposition de "loi sur les sermons dans des langues autres que le danois". L’objectif de ce projet de loi, qui exigerait que tous les sermons soient traduits en danois, est de créer une plus grande ouverture des prédicateurs religieux au Danemark s’exprimant dans des langues autres que le danois. Le projet de loi n’a pas encore été présenté, mais d’après les arguments du ministre et du porte-parole social-démocrate, il a déjà suscité la controverse en raison des conséquences qu’il pourrait avoir pour certaines Églises chrétiennes, par exemple les congrégations luthériennes germanophones au sein de l’Église du Danemark.
Enfin, le ministère de l’Immigration et de l’intégration a également présenté une "modification du code pénal, de la loi sur les passeports et de la loi sur l’immigration" afin de renforcer les efforts de lutte contre le contrôle social négatif. Le ministère propose d’ajouter une référence explicite au contrôle social négatif dans la disposition du Code pénal relative à la violence psychologique, et de rendre explicite le contrôle social négatif sous la forme du maintien dans le mariage au moyen de contrats de divorce religieux. Il propose également d’interdire les mariages religieux de mineurs et de renforcer les sanctions et les règles d’expulsion à l’encontre de ceux qui tentent de retenir une personne dans un mariage forcé. Ce projet de loi s’inscrit également dans une stratégie à plus long terme visant à prévenir le contrôle social négatif ou lié à l’honneur, dans un contexte de débats médiatiques sur les mariages et les divorces religieux.
L’une des initiatives les plus controversées, l’introduction d’une limite d’âge de 18 ans pour la circoncision masculine, n’a toutefois pas été présentée par le gouvernement mais résulte d’une initiative citoyenne (B 7 Forslag til folketingsbeslutning om indførelse af 18-årsmindstealder for omskæring af raske børn (borgerforslag)).
Sur la base de 50 000 signatures, le parlement doit entamer une discussion. Le projet de loi n’a toutefois pas été adopté car il n’est soutenu ni par le gouvernement minoritaire social-démocrate, ni par le principal parti d’opposition, le parti libéral.

  • Mars 2020 : Religion et Covid-19 au Danemark

Comme dans beaucoup d’autres pays, les confinements dus à la pandémie de COVID-19 ont massivement affecté les communautés religieuses au Danemark. L’Église luthérienne majoritaire étant considérée comme faisant partie du secteur public, les Églises ont été fermées et le personnel renvoyé chez lui le 11 mars, date à laquelle tous les bâtiments publics non essentiels ont été fermés. Les communautés religieuses ont été fortement encouragées à faire de même jusqu’à ce qu’un décret imposé à partir du 18 mars ferme officiellement les bâtiments appartenant aux minorités religieuses. Ces mesures ont eu un impact massif sur la vie religieuse au Danemark. Toutes les célébrations de Pâques ont été annulées, de même que les prières du vendredi et les activités organisées pendant le mois de jeûne musulman du Ramadan. L’Église évangélique luthérienne du Danemark a également décidé de reporter toutes les cérémonies de confirmation après le lundi de Pentecôte (1er juin 2020).

Depuis le 18 mai, l’Église du Danemark et les communautés religieuses sont autorisées à rouvrir leurs bâtiments mais doivent toujours respecter la politique de distanciation sociale du 18 mars, qui fixe en général un maximum de 10 personnes pour les foules, mais autorise un plus grand nombre de personnes dans des circonstances spécifiques, y compris dans les bâtiments religieux (1 personne par 4 m², voir ici).

Une controverse a eu lieu dans la deuxième ville du pays, Aarhus, lorsqu’une mosquée s’est vu accorder un droit d’antenne pour diffuser l’appel à la prière, ce qu’elle a fait en suivant le son des cloches de l’église locale. La section locale de l’organisation Generation Identitær a organisé une action de protestation le lendemain, ce qui a conduit un groupe d’environ 30 musulmans à rompre la clause de distanciation sociale en se rendant à la prière le jour suivant. La police est arrivée trop tard pour attraper les contrevenants, mais les membres de Génération identitaire risquent des amendes. L’organisation a également protesté lors d’un dîner Zoom Ramadan en montrant des pancartes "Stop à l’islamisation". Le dîner a en outre été interrompu par des activistes inconnus qui ont réussi à diffuser des attouchements sexuels sur des enfants pendant quelques secondes.
Les précautions prises en raison de la pandémie ont conduit à une suspension temporaire de l’obligation de serrer la main lors des cérémonies de nationalisation (voir le New York Times).

D 10 décembre 2020    ALene Kühle

2019

Mai 2019 : abattage rituel
Le débat sur l’abattage rituel au Danemark s’inscrit dans une double perspective. D’une part, le Danemark est un important producteur de produits carnés pour (...)

  • Mai 2019 : abattage rituel

Le débat sur l’abattage rituel au Danemark s’inscrit dans une double perspective. D’une part, le Danemark est un important producteur de produits carnés pour plusieurs pays musulmans (Émirats arabes unis, Iran, Malaisie, Indonésie, Arabie Saoudite, ainsi que plusieurs pays d’Afrique du Nord). D’autre part, le débat sur le bien-être animal est très ancré au sein de cet État membre de l’UE, où le règlement n° 1099/2009 du 24 septembre 2009 vise à « éviter la douleur et atténuer [...] la détresse et la souffrance des animaux pendant l’abattage ou la mise à mort » (article 2). Pour répondre à cette préoccupation, l’abattage sans étourdissement a été interdit par le décret 135 publié le 14 février 2014, en vertu duquel :
 l’abattage des bovins, moutons, chèvres et poulets doit avoir lieu dans un abattoir ;
 l’abattage doit être signalé à l’administration vétérinaire et alimentaire du Danemark ;
 l’abattage doit comprendre la section manuelle ou mécanique des deux veines jugulaires et des artères carotides à l’aide d’un outil tranchant immédiatement après l’étourdissement de l’animal, pour lui permettre de mourir d’une hémorragie.

Un certain nombre d’exigences plus spécifiques existent, notamment l’autorisation sous certaines conditions d’un instrument d’étourdissement non pénétrant (par exemple, pas pour les bovins de moins de 8 mois et les taureaux de plus de 24 mois) et l’immobilisation des bovins debout dans un box. Le règlement n’a pas modifié les conditions de base de l’abattage des poulets, pour lesquels l’étourdissement était déjà obligatoire en vertu du règlement 583 du 6 juin 2007, bien que l’abattage des poulets sans étourdissement ait été autorisé par le précédent règlement 1037 du 14 décembre 1994.

Le décret 135 a été perçu par certains comme interdisant l’abattage casher et halal, de sorte qu’il a été vivement critiqué par un certain nombre d’organisations musulmanes importantes, notamment Danish Halal, qui dit représenter 53 organisations musulmanes, ainsi que par la communauté juive. Plusieurs médias internationaux se sont fait le relais de cette critique (voir The Independant et The Guardian), mais la plupart des articles publiés par la presse ont omis deux détails importants. D’abord, si l’abattage de bovins et d’ovins sans étourdissement pouvait être pratiqué avant la publication du décret 135, ce n’était qu’en vertu d’une exception à la loi générale, et personne n’avait demandé à bénéficier de cette dérogation depuis de nombreuses années. En fait, aucun abattage sans étourdissement n’a été pratiqué depuis la faillite en 2004 d’un abattoir de Slagelse, qui abattait de la viande halal et casher.

Ensuite, le décret établit en réalité des règles pour l’abattage religieux, soulignant que celui-ci requiert un étourdissement préalable et que la viande provenant d’animaux abattus conformément à la réglementation sur les rituels religieux est censée être vendue à une population qui demande de la viande abattue conformément à des rituels religieux.

Le décret 135 tente ainsi de trouver un compromis entre les intérêts du Danemark en matière d’exportation et les considérations quant au bien-être animal. Il interdit de manière efficace l’abattage selon les règles casher, mais se place au milieu d’un conflit de longue date entre les musulmans danois sur ce qui constitue la viande halal.

Conflits sur la définition du terme « halal »

Danish Halal est une entité créée il y a quelques années, sous prétexte que le contrôle effectué par le Islamic Cultural Center, l’organisation musulmane de certification halal pour les exportations danoises visant à s’assurer que la viande halal l’était bien, n’était pas légitime. Le problème était qu’à plusieurs reprises, Islamic Cultural Center avait accepté le recours à des instruments d’étourdissement pénétrants. L’organisation a par la suite modifié sa description des procédures halal valables pour préciser que seul l’étourdissement non pénétrant est acceptable dans l’islam. Le décret 135 a remis cette discussion au cœur des débats. Ben Yones Essabar, président de Danish Halal et membre du conseil d’administration d’Islamisk Trossamfund, l’une des plus grandes mosquées du Danemark, a en effet affirmé que si l’animal est étourdi, il ne s’agit pas d’un abattage halal et que les musulmans ne devraient pas manger cette viande. L’imam de l’Islamic Cultural Center, Khalil Jaffar Mushib, a pour sa part déclaré que ce type d’étourdissement est acceptable et respecte les règles de l’abattage halal, soulignant qu’une fatwa rendant l’abattage avec étourdissement acceptable comme halal avait été émise il y a plusieurs années. Danish Halal a recueilli 20 000 signatures (sur une population d’environ 300 000 personnes) contre le décret 135, mais en vain. L’histoire de la prétendue interdiction de l’abattage rituel au Danemark a fait le tour du monde.

La reprise de l’article en 2015 dans le Times Magazine, qui l’a présenté par erreur comme un nouvel article (Andreasen 2015), reflète la grande importance émotionnelle et symbolique que revêt l’interprétation de l’abattage rituel.

Source : Andreassen, Andreas Marckmann 2015 ”TIME retter fejl om dansk halal- og kosher-forbud”, Journalisten, 31.07.2015.

D 17 mai 2019    ALene Kühle

2018

31 mai 2018 : interdiction de se couvrir le visage
Le 31 mai, le Parlement danois a adopté à la majorité l’interdiction de se couvrir le visage. Dans les faits, ce sujet a été abordé comme une (...)

  • 31 mai 2018 : interdiction de se couvrir le visage

Le 31 mai, le Parlement danois a adopté à la majorité l’interdiction de se couvrir le visage. Dans les faits, ce sujet a été abordé comme une interdiction de porter le niqab ou la burka.

L’interdiction, qui modifie le Code pénal danois, intervient après de nouvelles discussions qui se sont tenues en 2017 et 2018. La question de la criminalisation du port de la burka ou du niqab a été débattue en 2009 et 2010, mais la question s’était apaisée après qu’un rapport scientifique a mis en lumière qu’un maximum de 200 femmes portaient la burka ou le niqab au Danemark.

Il n’existe actuellement aucune jurisprudence ni aucun rapport indiquant si l’article modifié du Code pénal danois a déjà été utilisé. Son applicabilité a été considérablement limitée et ne s’applique pas lorsqu’un but légitime est invoqué.

Le projet de loi qui modifie l’article 134 (c) du Code pénal danois se présente désormais comme ceci :

« § 134 (c). Tout port d’un vêtement qui dissimule le visage d’une personne dans un lieu public est passible d’amende. Sous-article 2. L’interdiction visée au premier paragraphe ne s’applique pas si le vêtement dissimule le visage dans un but légitime. » (cf. projet de loi commenté, en danois).

Le ministère de la Justice explique l’applicabilité de l’interdiction en ce qui concerne le « but légitime », notamment dans les commentaires du projet de loi.

« 3.2.3. L’interdiction de porter un vêtement qui dissimule le visage ne s’applique pas si cette dissimulation sert un objectif crédible.
Il conviendra d’évaluer de manière concrète, dans chaque cas, si la dissimulation du visage, telle qu’elle est visée par l’interdiction, répond à un but légitime. Cette évaluation tiendra compte de la nature du vêtement, de son utilisation réelle et de la situation dans laquelle il est porté. En dehors d’un contexte où elle sert un but légitime, cette dissimulation sera interdite. Le fait qu’une personne soit en route vers ou depuis un lieu, un contexte, etc. où le fait de dissimuler son visage répond à un but légitime n’autorise pas en soi à se couvrir le visage pendant le transport normal vers ou depuis ce lieu, ce contexte, etc. Exemple de but légitime à la dissimulation du visage : le port d’une écharpe, d’un chapeau ou d’autres articles similaires pour se protéger du froid ne sera pas soumis à l’interdiction si, dans ce cas, compte tenu de la saison et des conditions météorologiques, le vêtement doit être considéré comme une pièce d’habillement habituelle et raisonnable. L’interdiction ne s’applique généralement pas aux costumes et masques utilisés dans le cadre de carnavals, de jeux réguliers, d’Halloween, de fêtes costumées, de manifestations sportives, etc. En outre, elle ne s’applique pas davantage aux masques et aux casques utilisés dans le cadre de la chasse, de la pêche, de la pratique sportive et autres, comme des équipements de sécurité ou de camouflage, s’ils sont utilisés de manière habituelle et raisonnable. Enfin, elle ne s’applique pas non plus aux pansements médicaux et autres, utilisés pour des raisons de santé. Les buts légitimes peuvent englober la dissimulation du visage dans un contexte professionnel spécifique si le vêtement est utilisé de manière habituelle et juste, comme un équipement de protection ou de sécurité (casque de protection, protection respiratoire, etc.). Ils englobent également les « masques de magasin » ou vêtements similaires portés de manière habituelle et raisonnable par le personnel d’un magasin, d’un centre commercial, etc. Par ailleurs, la dissimulation du visage répondra manifestement à un but légitime si elle est réalisée conformément aux exigences légales et autres, par exemple les règles du code de la route relatives à l’utilisation d’un casque au volant d’une motocyclette, etc. Dans la mesure où la dissimulation du visage est considérée comme une expression d’opinion, elle peut être protégée par la liberté d’expression. Cet aspect doit être pris en compte au moment de déterminer si la dissimulation du visage répond à un but légitime. De même, il faudra déterminer si elle se produit d’une manière et dans un contexte concret étroitement liés à l’exercice de la liberté de culte, etc. En principe, la dissimulation du visage pour des raisons religieuses n’est pas interdite lorsqu’il s’agit d’un acte religieux spécifique ou autre, par exemple dans un édifice religieux ou dans le cadre d’un mariage ou d’un rite funéraire, etc. En dehors de ces contextes religieux spécifiques, notamment durant le transport normal vers et depuis le lieu où se déroule un acte religieux, le seul motif du fait religieux pour légitimer la dissimulation du visage ne suffira pas... »

Dans ce commentaire du ministère de la Justice, il apparaît clairement que les circonstances dans lesquelles s’applique l’interdiction sont limitées, de sorte que les forces de l’ordre disposent d’une grande marge d’interprétation, entre fêtes costumées, liberté d’expression et liberté de culte (même si l’interprétation est alors plus étroite). En outre, il appartient à chaque officier de police d’évaluer s’il s’agit d’une affaire criminelle ou relevant des services sociaux :

« Si la police soupçonne que la personne est soumise à un contrôle social négatif, en lien par exemple avec une violation de l’interdiction de se dissimuler le visage, c’est-à-dire si la personne exprime une contrainte ou une autre pression exercée pour qu’elle porte un vêtement couvrant le visage, la police doit évaluer s’il existe une base pour enquêter sur une infraction pénale éventuelle ou si la personne doit se voir proposer une aide et un soutien. »

Globalement, ce projet de loi et son amendement son conçus, en partie, pour provoquer et décourager les « éléments islamistes » et, en partie, pour satisfaire les politiciens et les électeurs de droite.

Manifestement, ce projet symbolique vise ces deux facettes. En examinant le texte du commentaire dans son entièreté, on saisit sans peine que ce sujet brûlant a été rendu inoffensif bien avant que le projet soit entériné. Il semble peu vraisemblable que le Danemark connaisse des cas graves de ce genre. Si tel est le cas, ce sera le fait d’activistes, comme celui de ce « groupe de femmes pour le dialogue » qui s’est présenté au parlement en portant le voile intégral, qui chercheront délibérément à tester les limites du projet de loi dans le cadre de son application devant les tribunaux.

Niels Valdemar Vinding
  • 2 mars 2018 : la mosquée Mariam de Copenhague, dirigée par des femmes

Les médias locaux et internationaux ont assisté à l’inauguration, en février 2016, de la (prétendue) première mosquée dirigée par des femmes dans toute la Scandinavie. L’inauguration d’une nouvelle mosquée n’est en réalité pas particulièrement inhabituelle au Danemark : leur nombre total dans le pays est passé d’environ 115 en 2006 à près de 170 dix ans plus tard (Kühle Lene & Malik Larsen, Moskéer i Danmark II, 2017). La raison évidente de cette importante couverture médiatique était claire : la mosquée se différenciait de la grande majorité des mosquées danoises et européennes en ayant un certain nombre de femmes comme imams et une congrégation exclusivement féminine pendant la prière du vendredi. Si la mosquée Mariam est la première à avoir des femmes imams, elle n’est pas la première mosquée danoise à proposer la prière du vendredi exclusivement aux femmes. Ce titre revient à une mosquée chiite bien moins connue, située à Aarhus, la deuxième ville du Danemark. Les femmes à l’origine de cette mosquée rassemblaient déjà des fidèles depuis une dizaine d’années lorsque la mosquée Mariam a ouvert ses portes en 2016, et se réunissent encore plusieurs fois par semaine pour prier et écouter les prêches tenus à tour de rôle par les fidèles, toutes des femmes. Dans les mois qui ont suivi son inauguration, la mosquée Mariam a fait l’objet d’un débat entre musulmans et non-musulmans, ces derniers y voyant souvent l’expression d’une réforme nécessaire de l’islam, plus en phase avec les valeurs occidentales telles que l’égalité entre les hommes et les femmes. L’accueil de leurs coreligionnaires musulmans a cependant été moins favorable, soulevant les critiques ou l’ignorance passive. Les critiques ont porté sur le rejet d’une déclaration faite par la principale femme imam, Sherin Khankan, selon laquelle les mosquées danoises devraient remettre en question les structures patriarcales pour accorder davantage de place aux femmes. D’autres imams, publiquement connus comme « modérés » ou « libéraux », ont également critiqué l’approche théologique non traditionnelle de la mosquée Mariam, qui soutient par exemple les mariages interreligieux entre des femmes musulmanes et des hommes chrétiens ou juifs. Pour la majorité des musulmans, ces mariages ne sont autorisés que dans la disposition inverse. Cette spécificité a été en partie à l’origine du départ du projet de l’une des deux imams fondatrices (qui a tenu le tout premier prêche dans la mosquée) à l’été 2017 en raison de désaccords théologiques. La mosquée dirigée par des femmes s’est déclarée profondément inspirée par le soufisme, ou spiritualisme islamique.

La mosquée Mariam est située dans un grand appartement jouxtant la rue commerçante principale, au cœur de Copenhague, mis à disposition par le célèbre photographe et conférencier Jacob Holdt. Sa situation centrale ne signifie toutefois pas que la mosquée propose des prières quotidiennes ou des sermons hebdomadaires le vendredi. Depuis son inauguration, la mosquée n’a été ouverte à la prière publique qu’une fois par mois, ce qui pourrait s’expliquer en partie par le courant de pensée islamique dominant selon lequel la prière du vendredi n’est obligatoire que pour les hommes, et non pour les femmes. La faible fréquence des activités, combinée au nombre réduit de participants (généralement pas plus de 20 personnes), peut appeler à se demander s’il s’agit d’une « vraie » mosquée ou non. Les initiateurs du projet, pour leur part, la considèrent bien comme telle et ont déclaré dès le départ qu’à terme, elle ne devrait pas seulement servir aux femmes, mais aussi aux hommes, ce qui est déjà le cas pour les activités autres que la prière du vendredi. Au cours des deux premières années, plus d’une douzaine de mariages islamiques et une poignée de divorces ont été célébrés, sans toutefois jouir de validité civique, car la mosquée n’a pas encore obtenu la reconnaissance officielle de l’État, qui confère le droit de célébrer des mariages et des divorces légalement reconnus. Il s’agit toutefois d’un objectif à court terme. Parmi les autres activités proposées par la mosquée, l’on peut citer l’accompagnement spirituel et la thérapie islamique, la méditation islamique, ou dhikr, et l’accueil de visites d’écoles publiques et d’autres institutions.

En 2017, la mosquée a élargi ses activités en créant une académie islamique baptisée MIA (Mariam Mosque’s Islamic Academy), qui propose des cours plus brefs sur différents sujets comme le féminisme dans l’islam et la philosophie islamique. Ces cours sont dispensés par des personnes appartenant ou non au réseau de la mosquée Mariam, dont certains chercheurs de l’Université de Copenhague. L’académie s’adresse surtout (mais pas uniquement) aux femmes ayant manifesté un intérêt à devenir imam. Pour être considérées comme futures imams, les candidates doivent présenter des attestations d’études pertinentes (par exemple en psychologie ou en études islamiques) délivrées par des universités occidentales classiques. Cet exemple d’entrelacement de connaissances issues de différents types de raisonnements normalement considérés comme différenciés (par exemple, la science et la religion) semble être l’un des points positifs de l’ensemble du projet de la mosquée Mariam.

Malik Larsen

D 20 juin 2018    AMalik Larsen ANiels Valdemar Vinding

2016

Juin 2016 : Rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté de religion et de conviction : le Danemark ne va potentiellement "pas dans le sens de la compréhension moderne de la liberté de religion ou (...)

  • Juin 2016 : Rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté de religion et de conviction : le Danemark ne va potentiellement "pas dans le sens de la compréhension moderne de la liberté de religion ou de conviction"

Du 13 au 22 mars 2016, le rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté de religion et de conviction, le Dr Heiner Bielefeldt, s’est rendu au Danemark dans le cadre de son mandat permanent et d’invitation à identifier les obstacles existants et émergents à la jouissance du droit à la liberté de religion ou de conviction, ainsi qu’à présenter des recommandations sur les moyens de surmonter ces obstacles. Lors de sa visite, M. Bielefeldt a consulté des hommes politiques, des universitaires, des défenseurs des droits de l’homme, des représentants de l’Église et des dirigeants de minorités religieuses.
Le 22 mars, il a publié ses conclusions préliminaires. Celles-ci peuvent servir d’excellente mise à jour sur la situation danoise en ce qui concerne les réfugiés et les minorités musulmanes. Ceci, non seulement parce que le Dr Bielefeldt aborde ces questions dans son rapport préliminaire, mais parce que ces questions représentent des sujets brûlants dans le discours et le débat danois. Le gouvernement danois est actuellement (c’est-à-dire, après le rapport) en train d’étudier la possibilité de renforcer la législation sur la liberté religieuse et la liberté d’expression, questions qui préoccupent le plus le rapporteur spécial des Nations unies par rapport à la liberté de religion et de conviction.
Bien que Bielefeldt note que le système danois est évidemment non égalitaire et, pour des raisons historiques et pragmatiques, privilégie l’Église du Danemark, certaines questions importantes concernant les questions de pratique et d’enseignement sont « des exemples d’une compréhension peut-être trop étroite de ce que la religion peut impliquer et, par conséquent, de ce que la liberté de religion en tant que droit humain devrait couvrir ».
Sur les événements récents impliquant directement la liberté de religion et d’expression, le Dr Bielefeldt observe que : « Les interlocuteurs musulmans ont exprimé leur consternation face aux réactions rapides de certains hommes politiques après la diffusion récente d’un documentaire télévisé (« Sous le voile de la mosquée ») qui avait démasqué certaines opinions extrémistes existantes chez certains imams au Danemark. Sans nier que cet extrémisme religieux justifie une réponse politique claire, les musulmans ont été pris de court par la promptitude de réactions rhétoriques dures qui, d’une certaine manière, ont visé les communautés musulmanes dans leur ensemble, par exemple en gelant un projet de construction de mosquées. En outre, certains hommes politiques de premier plan ont fait des déclarations énigmatiques sur la fin des politiques de tolérance sans préciser ce que cela signifie. En discutant de telles expériences, j’ai également ressenti des inquiétudes chez les musulmans quant au fait que les nouvelles règles actuellement élaborées concernant la reconnaissance des communautés religieuses puissent à l’avenir être utilisées pour dépouiller les communautés musulmanes du statut qu’elles ont acquis au Danemark ou pour développer un nouvel outil de contrôle des religions et en particulier de l’islam. Cela illustre la nécessité d’un dialogue et d’un renforcement de la confiance entre les institutions étatiques et les organisations musulmanes pour éviter un climat de suspicion croissante. »
D’un point de vue critique, le Dr Bielefeldt note que « Certaines des remarques faites par des hommes politiques de premier plan en réaction au documentaire télévisé pourraient hypothétiquement indiquer un retour politique à une compréhension littérale de l’article 67 de la Constitution, y compris sa clause limitative de grande envergure selon laquelle « rien de contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public ne sera enseigné ou fait ». Comme mentionné au début, cependant, cela ne serait pas conforme à la conception moderne de la liberté de religion ou de croyance, qui ne donne pas carte blanche aux législateurs pour imposer des limitations chaque fois que des intérêts « d’ordre public » peuvent être en jeu. Pour que les limitations soient justifiées, un ensemble beaucoup plus raffiné de critères doit être rempli afin de garantir que les limitations restent toujours des exceptions à la règle selon laquelle les êtres humains doivent exercer leurs droits à la liberté, y compris dans le domaine de la religion ou de la croyance. »

  • Mars 2016 : Mosquées et islam radical

En mars 2016, la chaîne de télévision danoise TV2 a diffusé un documentaire en trois parties intitulé Mosques behind the Veil (les mosquées derrière le voile). Utilisant des caméras cachées et des enquêteurs sous couverture, le documentaire affirme que certaines mosquées du Danemark travaillent contre les politiques d’intégration, et qu’une société parallèle est en train de se construire dans les mosquée et les milieux qui les entourent. Ce documentaire controversé a suscité d’importants débats politiques et sociaux. Le gouvernement a proposé un programme de lutte contre la radicalisation des imams, qui devrait être mis en place au cours de l’année 2016.

D 7 avril 2016    ANiels Valdemar Vinding

2015

Septembre 2015 : les 10 ans de la controverse des caricatures danoises de Mahomet
Aujourd’hui, le 30 septembre 2015, marque les 10 ans de la publication de 12 caricatures éditoriales dans le (...)

  • Septembre 2015 : les 10 ans de la controverse des caricatures danoises de Mahomet

Aujourd’hui, le 30 septembre 2015, marque les 10 ans de la publication de 12 caricatures éditoriales dans le quotidien Jyllands-Posten. À l’origine, les caricatures avaient été commandées pour tenter de contribuer au débat sur la critique légitime de l’islam, la liberté d’expression et l’autocensure. Les dessins étaient accompagnés d’un article du rédacteur en chef de la section consacrée à la culture, Flemming Rose, intitulé « Le visage de Mahomet ». Rose écrivait le 30 septembre 2005 :

« Certains musulmans rejettent la société laïque moderne. Ils exigent un statut spécial, insistant sur une considération particulière de leurs propres sentiments religieux. Cela est incompatible avec la démocratie contemporaine et la liberté d’expression, où l’on doit être prêt à tolérer les insultes, la moquerie et le ridicule. Ce n’est certainement pas toujours plaisant, ou agréable à regarder, et cela ne signifie pas qu’il faille se moquer à tout prix des sentiments religieux, mais c’est d’une importance mineure dans le contexte actuel. ... nous nous dirigeons vers une pente glissante où personne ne peut dire comment s’arrêtera l’autocensure. C’est pourquoi Morgenavisen Jyllands-Posten a invité les membres du syndicat des caricaturistes danois à dessiner Mahomet comme ils le voient. »

Aujourd’hui, le débat se poursuit au Danemark et se concentre sur trois points : premièrement, quel est l’état de la liberté d’expression aujourd’hui au Danemark, en particulier en ce qui concerne la religion ; deuxièmement, les éditeurs devraient-ils publier à nouveau les caricatures à l’occasion de leurs 10 ans ; troisièmement, les enseignants des écoles primaires et secondaires devraient-ils montrer les caricatures et les intégrer à l’enseignement sur l’histoire récente du Danemark ?

Ce matin, le journal Jyllands-Posten a publié exactement la même page et le même texte qu’il y a dix ans, mais cette fois-ci, les 12 caricatures ont été censurées, ne laissant qu’un aperçu de leur emplacement originel. Le texte de Flemming Rose susmentionné est resté. Aucun des principaux journaux danois n’a republié les caricatures, bien que la plupart l’aient déjà fait, et les arguments des rédacteurs en chef sont différents, même si vaguement liés. Certains disent que le risque pour la sécurité et la vie humaine l’emporte sur la valeur journalistique d’une nouvelle diffusion des dessins. D’autres affirment que cela fait partie de l’histoire et que les gens peuvent rechercher les caricatures par eux-mêmes, s’ils veulent les voir. Malgré cela, il convient de noter qu’Information, un journal essentiellement intellectuel, consacre cinq pages, dont un éditorial, aux caricatures. Berlingske Tidende, un grand quotidien danois, consacre six pages à l’événement, tandis que le Jyllands-Posten lui dévoue 15 pages, y compris l’éditorial et la tribune. Le sentiment général semble être que les caricatures restent dangereuses. Cela suscite des débats parmi les critiques et les politiciens, en particulier en ce qui concerne la liberté d’expression face au fondamentalisme islamique.

Naser Khader, politicien danois d’origine syrienne, membre conservateur du parlement et figure clé de la défense de la démocratie et de la liberté d’expression en 2005 et 2006, plaide fortement en faveur d’une nouvelle diffusion des caricatures. « Les caricatures sont pour moi le symbole de la liberté d’expression face à l’absence de liberté […] Il faut se rappeler que seulement 14 % de la population mondiale jouit d’une liberté d’expression totale. C’est pourquoi il est important de les défendre. Est-ce une provocation inutile ? Non, c’est une célébration. » (« Une affaire éternelle », Berlingske Tidende, 20 septembre 2015). Dans le cadre de cette célébration, Naser Khader avait promis de publier les caricatures sur sa page Facebook, ce qu’il a fait.

Pour Frederik Stjernfeldt, professeur à l’Université de Copenhague,

« La plupart des médias occidentaux ont désormais peur de pratiquer la satire religieuse, surtout lorsqu’elle concerne l’islam. Aujourd’hui, très peu de journaux au Danemark font des caricatures de l’islam, et seulement à des occasions bien spéciales. Les caricatures des prophètes ne sont pas vues. C’est une terrible conséquence de la crise de Mahomet. Les religions ne devraient pas bénéficier de droits spéciaux. » (« La crise de Mahomet a divisé l’opinion publique », Information, 25 septembre 2015)

Stjernfeldt développe ses remarques dans le numéro d’Information d’aujourd’hui, et demande, au nom d’une liberté d’expression qualifiée,

« … la réimpression coordonnée d’éléments controversés dans de nombreux journaux et médias - cela pourrait, par exemple, se produire ici à l’occasion du 10e anniversaire. Si tout le monde imprime solidairement, personne ne se retrouvera dans la ligne de mire des terroristes… » (« Dix ans après les caricatures de Mahomet : fondamentalisme et culture de la violation », Information, 30 septembre 2015).

Dans ce contexte, il convient de noter que 93 pour cent des musulmans danois pensent que Jyllands-Posten a eu tort de publier les dessins controversés. Pour l’ensemble de la population, 57,6 pour cent estiment que le Jyllands-Posten a eu raison d’imprimer les dessins, comparativement à 47 pour cent qui avaient le même sentiment en 2006. (« Les musulmans danois restent défavorables aux caricatures de Mahomet », Copenhagen Post, 30 septembre 2015).

Le débat sur la liberté d’expression se poursuit et se concentre actuellement sur la question de savoir si les enseignants danois devraient montrer les caricatures dans le cadre du programme scolaire. Le journal Berlingske Tidende cite un sondage selon lequel 57 pour cent des Danois sont d’accord pour que les élèves du primaire et du secondaire voient ces caricatures dans le cadre de leur formation scolaire. Claus Hjortsdal, chef de l’organisation des directeurs d’écoles, s’y oppose : « Eh bien, aujourd’hui, les écoles ne grouillent pas de terroristes. Mais certains élèves sont plus fondamentalement enclins que d’autres. Cela vaut pour certains élèves musulmans, mais aussi, dans une large mesure, pour des chrétiens de la Mission Intérieure, des juifs et des confesseurs d’autres religions. Les caricatures seraient une provocation facile, et cela n’est pas le rôle de l’école. » (« Danois : Montrez les caricatures à l’école », Berlingske Tidende, 20 septembre 2015). En mars 2015, l’association des écoles publiques pour les enseignants religieux, la Religionslærerforeningen, a insisté pour que les caricatures controversées de Mahomet fassent partie du programme scolaire public le plus rapidement possible. Plusieurs partis politiques – y compris les sociaux-démocrates, le parti populaire danois (DF) et les conservateurs – ont exprimé leur soutien à cette idée, à des degrés différents. (« Les politiciens souhaitent que les caricatures de Mahomet fassent partie du programme scolaire », Copenhagen Post, 6 mars 2015).

Niels Valdemar Vinding
  • Mars 2015 : attentats à Copenhague

Les 14 et 15 février 2015, deux attentats ont eu lieu à Copenhague. La première attaque a eu lieu sur le site culturel de Krudttønden, où se déroulait un événement intitulé Kunst, Blasfemi og Ytringsfrihed (« Art, blasphème et liberté d’expression »). L’événement a été organisé par le comité Lars Wilks. Le dessinateur suédois Lars Wilks, impliqué dans une controverse concernant les dessins de Mahomet, a assisté à l’événement. Une personne a été tuée au cours de l’attaque. L’agresseur a fui la zone. La deuxième attaque a eu lieu à la synagogue peu après minuit. Un garde de la synagogue a été abattu par balle. Suite aux deux attaques, un suspect nommé a été identifié, puis abattu par la police. L’agresseur présumé n’a donc jamais été jugé. Ses motivations étaient soi-disant liées à des opinions radicalisées. Les attentats et la réaction de la police, en particulier en ce qui concerne la protection de la synagogue, ont suscité des discussions sur la protection des minorités religieuses en général et de la communauté juive en particulier, en relation avec les attaques qui ont précédemment eu lieu à Paris.

Marie Vejrup Nielsen

D 22 octobre 2015    AMarie Vejrup Nielsen ANiels Valdemar Vinding

2014

Février 2014 : des modifications des procédures d’abattage des animaux provoquent un débat impliquant les minorités religieuses au Danemark
Une interdiction de l’abattage des animaux sans (...)

Février 2014 : des modifications des procédures d’abattage des animaux provoquent un débat impliquant les minorités religieuses au Danemark

Une interdiction de l’abattage des animaux sans étourdissement préalable, à savoir sans insensibilisation de l’animal avant la mise à mort, a fait l’objet d’un débat en 2013. Le ministre de l’Agriculture a proposé que cette pratique soit interdite, et l’interdiction a été mise en application le 17 février 2014.
Ces nouvelles réglementations sont résumées sur le site Internet du ministère (en danois) :

« Le 17 février 2014, un décret imposant l’étourdissement préalable avant l’abattage pratiqué selon des préceptes religieux a été mis en application. Selon ces réglementations, l’abattage des animaux selon un rituel religieux est autorisé à condition que l’animal soit d’abord étourdi. De nombreux animaux sont abattus selon le rite halal au Danemark, mais cela n’a pas été fait sans étourdissement préalable depuis les dix dernières années. Avec cette nouvelle réglementation, le Danemark s’inscrit dans le sillage d’un certain nombre d’autres pays européens, dont la Norvège et la Suède, qui ont des dispositions similaires sur l’étourdissement préalable à l’abattage. L’importation de viande d’animaux abattus sans étourdissement préalable reste autorisée. »

Le débat médiatique sur l’interdiction a principalement abordé des questions relatives aux minorités religieuses, notamment juive et musulmane, de même que l’accès de ces groupes à de la viande issue d’animaux abattus conformément à leurs rituels religieux. Les mandéens, une très petite minorité, sont également concernés par le débat. Les mandéens sont les seuls à avoir fait précédemment une demande officielle d’autorisation pour l’abattage sans étourdissement préalable. Selon les médias, aucun groupe musulman ou juif n’a fait de demande officielle. L’un des arguments en faveur de l’interdiction est qu’elle n’affecte pas la vie de ces groupes, puisqu’ils ne pratiquaient de toute façon pas cette méthode d’abattage désormais interdite. En réponse au débat, le ministre a affirmé que la modification de la loi était principalement liée à des considérations relatives au bien-être des animaux. En outre, il a souligné que l’interdiction ne concernait pas l’ensemble de la procédure d’abattage rituel, mais uniquement la question spécifique de l’absence d’insensibilisation.
Ces discussions peuvent être rattachées aux débats en cours sur la viande halal dans les institutions publiques au Danemark. Ils font suite à la crise de 2013 dite « crise des boulettes de viande », au cours de laquelle la question de la viande de porc servie dans les institutions publiques, comme les écoles maternelles et les hôpitaux, a été soulevée. La réaction internationale s’est concentrée sur la protection des droits des minorités religieuses, comme le montrent les articles dont les liens sont indiqués plus bas.

Pour les articles concernant le débat médiatique, voir :
- ethik (en danois, titre en anglais « Ritual slaughter – the Minister does not understand criticism of ban »),
- Berlingske (en danois, titre en anglais : "Ban on slaughter received well by Venstre" [Danish Liberal Political Party])
- le Jerusalem Post (en anglais).

According to the media debate, no Muslim or Jewish groups have applied, and one of the arguments of the ban has therefore been that it will not affect the lives of these groups since they were not relying on the now banned slaughtering practice

D 3 mars 2014    AMarie Vejrup Nielsen

2013

7 mars 2013 : Les athées de Copenhague veulent être enterrés dans un carré non religieux
L’association athée Ateistisk Selskab* lance une pétition pour faire pression sur le conseil municipal (...)

  • 7 mars 2013 : Les athées de Copenhague veulent être enterrés dans un carré non religieux

L’association athée Ateistisk Selskab* lance une pétition pour faire pression sur le conseil municipal de Copenhague, dont la prochaine réunion se déroulera l’été prochain, afin qu’il prévoie les fonds nécessaires pour la création d’un carré réservé aux athées dans le cimetière de Vestre Kirkegård, le plus grand de la ville. Un terrain de 6000 mètres carrés leur avait déjà été attribué en 2008 mais le projet, peu populaire auprès des instances politiques, n’avait pas abouti faute de financement. Ce terrain est aujourd’hui abandonné. L’association souligne que chaque année 6500 habitants de Copenhague quittent l’Eglise du Danemark et que moins de 50 % des nouveaux-nés sont inscrits dans ses registres. Elle insiste sur le respect de la diversité de croyances. Le cimetière possède déjà un carré juif et un carré musulman. Les athées souhaitent être enterrés comme ils ont vécu, à savoir libérés de la religion.

* Il s’agit de la plus grande association de non croyants du Danemark (1100 membres en août 2012). Créée en 2002, elle se veut apolitique et fait partie du réseau « Atheist Alliance International ».

Pour en savoir plus : The Copenhagen Post, 7 mars 2013.

  • L’année 2013 a été le témoin de plusieurs débats liés à la mise en œuvre du mariage homosexuel dans l’Église évangélique luthérienne du Danemark (Folkekirken). La loi a été mise en œuvre en juin 2013. Avant cela, il y a eu plusieurs discussions concernant à la fois la question d’un rituel de mariage pour les couples de même sexe dans l’église, et la question de la relation entre l’État et l’église concernant ces changements. Le Danemark disposait auparavant d’un rituel religieux pour la bénédiction des couples de même sexe. La nouvelle loi concerne un rituel de mariage juridiquement contraignant pour les couples de même sexe, offrant des chances égales aux couples de même sexe et aux couples hétérosexuels. Dans le même temps, une loi a été adoptée, autorisant les pasteurs à refuser de pratiquer ce rituel.
  • En 2013-2014, un comité a été nommé par le gouvernement et désigné pour travailler sur une modernisation de la structure de l’église, y compris la relation entre l’église et l’état. Cela a provoqué plusieurs débats concernant la relation entre l’Église et l’État, qui ont principalement porté sur la question d’un conseil national de l’Église. L’Église nationale danoise ne dispose pas d’un synode ou d’un niveau national de représentation. Le premier niveau national de l’église est donc le parlement et le ministre des affaires ecclésiastiques. Les débats se sont concentrés sur les avantages et les inconvénients de la création d’un conseil ecclésiastique distinct.
  • En 2013, l’attention s’est portée sur un poète danois, Yahya Hassan, qui écrit des poèmes sur sa vie d’enfant d’immigrés musulmans d’origine palestinienne au Danemark. Il s’est fait connaître pour ses critiques acerbes sur son enfance, qui incluent certaines remarques sur l’islam. Elles ont alimenté à la fois le débat public et certains incidents, faisant du livre de Hassan l’ouvrage de poésie le plus vendu de tous les temps par un débutant au Danemark.

D 11 avril 2013   

2007

2 novembre 2007 : Le médiateur critique le ministre danois des Affaires ecclésiastiques
Le médiateur (ombundsmand) danois Hans Gammeltoft-Hansen critique le ministre danois des Affaires (...)

  • 2 novembre 2007 : Le médiateur critique le ministre danois des Affaires ecclésiastiques

Le médiateur (ombundsmand) danois Hans Gammeltoft-Hansen critique le ministre danois des Affaires ecclésiastiques [Kirkeministeriet] et l’évêque de Viborg Stift, dans un communiqué de presse du 2 novembre 2007, pour avoir démis un prêtre de ses fonctions. Ce prêtre avait accepté de l’argent (un héritage) de la part de membres de sa paroisse, et bien que l’évêque n’ait pu trouver aucune trace d’agissement illégal, il décida de démettre ce prêtre de ses fonctions de responsable de paroisse car il n’avait plus la confiance de l’évêque et des paroissiens. Cette décision fut ensuite approuvée par le ministre des Affaires ecclésiastiques. Aucune charge criminelle n’a été retenue contre ce prêtre. Le médiateur a critiqué cette décision, disant que le licenciement du prêtre l’avait stigmatisé, mais que le refus de porter l’affaire devant une cour de justice ne lui laissait aucune possibilité de prouver son innocence.

Le communiqué de presse peut être lu sur le site du médiateur (en danois).

  • 5 novembre 2007 : L’enregistrement des nouveau-nés via l’Eglise nationale n’est pas considéré comme discriminatoire envers les non membres

Le 5 novembre 2007, la cour suprême danoise a décidé que les lois actuelles concernant le subventionnement direct de l’Etat à l’Eglise nationale danoise et le fait que les nouveau-nés doivent tous être enregistrés dans les bureaux de la paroisse locale (sauf dans le Jutland du sud) n’était pas contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. Un catholique avait porté le cas devant la Cour suprême : il estimait discriminatoire de financer l’Eglise nationale à travers ses impôts en n’étant pas membre de cette Eglise. Il estimait également discriminatoire d’enregistrer la naissance de sa fille dans le registre central des personnes via un bureau de l’Eglise nationale danoise.

Selon la Cour suprême, l’enregistrement des nouveau-nés via l’Eglise nationale est une fonction non religieuse de l’Eglise au profit de l’Etat danois et n’est de ce fait pas discriminatoire envers les non membres. De même, les sommes payées par les non membres par le biais des taxes à l’Eglise nationale ne sont pas discriminatoires pour deux raisons : d’une part, les services fournis à l’Etat par l’Eglise (comme l’enregistrement des nouveau-nés et les services funèbres) ne sont pas payés par l’Etat. D’autre part, payer des impôts dont une partie sert à subventionner l’Eglise d’Etat ne limite pas la liberté religieuse des non membres car il s’agit d’un soutien indirect (contrairement à l’impôt ecclésiastique).

D 15 novembre 2007   

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