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Cadre juridique

La liberté de religion au Canada

L’historique de la liberté de religion
Historiquement, la liberté de religion est reconnue dès le traité de Paris du 10 février 1763 et l’Acte de Québec du 22 juin 1774 le réaffirmant (...)

L’historique de la liberté de religion

Historiquement, la liberté de religion est reconnue dès le traité de Paris du 10 février 1763 et l’Acte de Québec du 22 juin 1774 le réaffirmant également. Le serment auquel les catholiques doivent consentir afin d’exercer des charges publiques (allégeance au pouvoir britannique et anglican appelée "serment du Test") y est aboli. L’Acte constitutionnel de 1791 réaffirme la liberté de religion des catholiques et amorce véritablement le processus de distanciation institutionnelle entre les pouvoirs religieux et politiques au Canada. Une neutralité politique est consacrée de fait dans le Canada du XIXe siècle même si la Loi constitutionnelle de 1867 reste silencieuse sur cet aspect.

La constitutionnalisation de la liberté de religion

La liberté de religion n’est entrée dans la Constitution que depuis 1982, où elle est protégée en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés à l’article 2. Adoptée le 17 avril 1982, la Charte représente la partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982 et a une priorité normative au sein du système juridique canadien. Cette priorité implique deux aspects importants. D’abord, cette Charte canadienne des droits et libertés ne peut être modifiée que par une procédure complexe et lourde, détaillée aux articles 38 à 49, qui assure la continuité et la stabilité du texte constitutionnel. Ensuite, la Charte, en étant une partie de la Constitution du Canada, est considérée comme la loi suprême du Canada et "rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit" (article 52). Ainsi, tout règlement, code ou loi qui enfreint la liberté de religion telle que définie par la Cour suprême du Canada sera déclaré inopérant.

La reconnaissance jurisprudentielle de la liberté de religion

Le droit public canadien relève de la tradition juridique de la common law, où la jurisprudence joue un rôle prépondérant. C’est dans l’arrêt R c. Big M Drug Mart Ltd de 1985 que la Cour suprême du Canada a pour la première fois interprété la liberté de religion. Dans cette affaire, la compagnie Big M Drug Mart, un commerce de détail de la ville de Calgary dans la province de l’Alberta, a été accusée d’avoir enfreint la Loi sur le dimanche en poursuivant ses activités le dimanche contrairement aux dispositions prévues dans cette loi. La compagnie a contesté la validité de la Loi sur le dimanche au motif qu’elle porterait atteinte à la liberté de religion garantie par la Charte. La Cour a donné raison à la compagnie et a déclaré inopérante l’ensemble de la Loi sur le dimanche.

Les deux dimensions de la liberté de religion

Dans cet arrêt Big M., la Cour a interprété la liberté de religion de la manière suivante, au paragraphe 94 :

"Le concept de la liberté de religion se définit essentiellement comme le droit de croire ce que l’on veut en matière religieuse, le droit de professer ouvertement des croyances religieuses sans crainte d’empêchement ou de représailles et le droit de manifester ses croyances religieuses par leur mise en pratique et par le culte ou par leur enseignement et leur propagation."

Ainsi, on distingue généralement deux dimensions à la liberté de religion en droit canadien. Une dimension positive, soit la protection concernant la possibilité de changer de religion et de croire ce que l’on veut en matière religieuse, et une dimension dite "négative", soit la protection contre la coercition ou la contrainte.

D 20 juin 2017    ABertrand Lavoie

Accommodement raisonnable

La notion d’accommodement raisonnable est en usage, dans le monde juridique anglo-saxon surtout, depuis plusieurs décennies. Certaines décisions juridiques et certains débats publics canadiens (...)

La notion d’accommodement raisonnable est en usage, dans le monde juridique anglo-saxon surtout, depuis plusieurs décennies. Certaines décisions juridiques et certains débats publics canadiens l’ont rendue célèbre en particulier dans ce contexte national, notamment au Québec.

L’accommodement raisonnable au Canada
L’accommodement raisonnable est une solution juridique ayant pour but de corriger la discrimination provenant d’une pratique ou d’une norme au sein d’une entreprise publique ou privée. Il est fondé sur le principe d’égalité entre les citoyens, dans le but de respecter les différences. Il oblige des institutions, des organisations et des personnes à modifier des normes, des pratiques ou des politiques (arrêt Moeirin [1999], par. 68).

L’obligation juridique de l’accommodement raisonnable
L’accommodement raisonnable est devenu une obligation juridique à la suite d’une interprétation jurisprudentielle proposée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Simpsons-Sears en 1985. Dans cet arrêt, une employée conteste la décision de son employeur de l’obliger à travailler le samedi, sous peine de licenciement, alors que sa religion lui prescrivait un jour de repos le samedi. La Cour conclut alors que l’employeur avait une obligation de tenter de l’accommoder raisonnablement, c’est-à-dire de faire en sorte que les besoins religieux de son employée soient respectés, en proposant notamment un aménagement de l’horaire de travail.

Fondements et limites de l’accommodement raisonnable
Le droit à l’égalité est le principal fondement juridique de l’accommodement raisonnable, prévu à l’art. 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Celui-ci proscrit la présence de discrimination, c’est-à-dire une distinction désavantageuse, une exclusion ou une préférence pour certaines personnes, sur la base d’un ou plusieurs des motifs prévus à l’article 15 de la Charte canadienne (par ex. la religion). Il incombe alors au décideur en place d’accommoder la ou les personnes pour qui les effets préjudiciables de la pratique ou de la norme ont été démontrés. Il convient de souligner que cette solution juridique est limitée par la notion de contrainte excessive (arrêt Renaud [1992], p. 984), qui peut renvoyer, notamment, au coût excessif de l’accommodement, à l’entrave au bon fonctionnement de l’organisation ou à l’atteinte à la sécurité ou au droit d’autrui. Ces critères, non exhaustifs, doivent être appliqués « d’une manière souple et conforme au bon sens » (arrêt Bergevin [1994], p. 546) et peuvent être ainsi invoqués afin de refuser une demande d’accommodement.

Contexte québécois et débats publics

En 2006, dans l’arrêt Multani, la Cour suprême du Canada a reconnu qu’une école publique de la région de Montréal, dans la province de Québec, avait une obligation d’accommodement raisonnable concernant le droit, pour un jeune étudiant sikh, de porter son kirpan à l’école à certaines conditions, ce qui n’a pas été sans soulever des interrogations importantes dans la population québécoise. À la suite de la controverse suscitée par cette décision, la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles (aussi appelée la Commission Bouchard-Taylor) a été créée. Plus récemment, en 2012, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec a élaboré un guide virtuel qui détaille la procédure à suivre, pour un gestionnaire public ou privé, afin de répondre à une demande d’accommodement.

Sources :
 Bosset, P. (2007) « Les fondements juridiques et l’évolution de l’obligation d’accommodement raisonnable », in Jézéquel, M. (ed.) Les accommodements raisonnables : quoi, comment, jusqu’où ? Des outils pour tous. Yvon Blais. Cowansville, pp. 3–28 ;
 Bosset, P. (2009) « Accommodement raisonnable et égalité des sexes : tensions, contradictions et interdépendance », in Eid, P. et al. (eds) Appartenances religieuses, appartenance citoyenne. Un équilibre en tension. Québec : Presses de l’Université Laval, pp. 181–206 ;
 Imbeault, J.-S. et al. (2012) Guide virtuel. Traitement d’une demande d’accommodement. Montréal : Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec ;
 Lefebvre, S. (2008) « Les dimensions socioreligieuses des débats sur les accommodements raisonnables », in McAndrew, M. et al. (eds) L’accommodement raisonnable et la diversité religieuse à l’école publique. Normes et pratiques. Montréal : Fides, pp. 113–133 ;
 Maclure, J. (2009) « Convictions de conscience, responsabilité individuelle et équité : l’obligation d’accommodement est-elle équitable ? », in Eid, P. et al. (eds) Appartenances religieuses, appartenance citoyenne. Un équilibre en tension. Québec : Presses de l’Université Laval, pp. 327–350 ;
 Woehrling, J. (1997) « L’obligation d’accommodement raisonnable et l’adaptation de la société à la diversité religieuse », Revue de droit McGill, 43, pp. 326–401.

D 5 juin 2018    ABertrand Lavoie

La Loi sur la laïcité de l’État

Le 16 juin 2019, l’Assemblée nationale du Québec a adopté la Loi sur la laïcité de l’État, qui proclame que l’État du Québec est laïque (art. 1). Selon la Loi, la laïcité de l’État repose sur (...)

Le 16 juin 2019, l’Assemblée nationale du Québec a adopté la Loi sur la laïcité de l’État, qui proclame que l’État du Québec est laïque (art. 1). Selon la Loi, la laïcité de l’État repose sur quatre (4) principes : 1° la séparation de l’État et des religions ; 2° la neutralité religieuse de l’État ; 3° l’égalité de tous les citoyens et citoyennes et 4°la liberté de conscience et la liberté de religion (art. 2). La Loi prévoit une interdiction de porter un signe religieux pour certaines catégories de fonctionnaires, notamment les enseignants et les directeurs des écoles primaires et secondaires publics, les policiers et plusieurs fonctionnaires exerçant une profession juridique (voir l’Annexe II de la Loi), à l’exception de ceux qui étaient à l’emploi des fonctions visées le 27 mars 2019 ou avant. Selon la Loi, est un signe religieux « tout objet, notamment un vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou un couvre-chef, qui est 1° soit porté en lien avec une conviction ou une croyance religieuse ou 2° soit raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse » (art. 6). Également, la Loi précise, à l’art. 8, que les employés de l’État doivent exercer leurs fonctions à visage découvert, de même qu’une personne qui se présente pour recevoir un service public, sauf pour des raisons de santé, d’un handicap ou des exigences propres à ses fonctions. Aussi, la Loi apport deux (2) changements de nature constitutionnelle, à la Charte des droits et liberté de la personne du Québec, en insérant, dans le préambule, la phrase suivante : « Considérant que l’importance fondamentale que la nation québécoise accorde à la laïcité de l’État », et en insérant la laïcité comme condition d’exercice des libertés et droits fondamentaux (art. 9 de la Charte).

Voir aussi : Débat actuel de "Juin 2019 - Loi sur la laïcité".

D 29 mai 2020    ABertrand Lavoie

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