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2019

  • Juin 2019 : amendements à la loi sur l’Église orthodoxe lettone

Le 6 juin 2019, le Parlement de la République de Lettonie (Saeima) a soutenu les amendements à la loi sur l’Église orthodoxe lettone qui détermine que seul un citoyen de la République de Lettonie ayant résidé en permanence dans le pays pendant au moins 10 ans peut devenir le chef de l’Église orthodoxe, ou un métropolite, un évêque, ou être candidat à ces postes.

Jusqu’à présent, les statuts de l’Église orthodoxe lettone disposaient que le chef de l’Église, les métropolitains et les évêques devaient être des citoyens de la République de Lettonie ayant résidé en Lettonie pendant une période donnée. Ces exigences ont maintenant été fixées dans une loi de la République de Lettonie. L’annotation au projet de loi explique que ces amendements étaient nécessaires pour garantir les droits à l’autodétermination et à l’autogestion de l’Église orthodoxe lettone, et pour respecter sa position sur les demandes qui pourraient être faites concernant le personnel de l’Église.

Le président de la Commission des droits de l’homme et des affaires publiques, responsable de l’avancement du projet de loi, a souligné que la détermination des critères de citoyenneté et de résidence pour les fonctionnaires de ces organisations religieuses, dont la direction est située en dehors de la Lettonie, permettra de renforcer l’autonomie de l’organisation et sa capacité à se dissocier d’une éventuelle influence étrangère. Ceci, à son tour, renforcerait l’État letton et la sécurité publique.

Lors de l’examen du projet de loi soumis sur les amendements à la loi sur l’Église orthodoxe lettone, la Saeima (Bureau des affaires juridiques) a demandé qu’il ne soit pas avancé pour un examen plus approfondi, car la nécessité et la proportionnalité de cette restriction des droits n’étaient pas suffisamment justifiées. Toutefois, les amendements ont été considérés comme une question d’urgence, 79 membres ayant voté pour et personne n’ayant voté contre. Il n’y a pas eu de débat, d’objection ou de proposition, un représentant de l’Église orthodoxe lettone ayant précédemment exprimé son soutien aux amendements lors d’une réunion de la commission des droits de l’homme et des affaires publiques.

L’actuel métropolite de l’Église orthodoxe lettone de Rīga et de toute la Lettonie, Aleksander (né en 1939), remplit les nouvelles conditions légales. Les amendements ont été adoptés d’urgence, compte tenu des événements survenus en Estonie : après le décès du chef de l’Église orthodoxe estonienne, le métropolite Kornelius, le métropolite Jevgeni, nommé par le Patriarcat de Moscou, a été élu à sa place. Contrairement au chef de l’Église orthodoxe lettone, le métropolite estonien avait critiqué la décision du Patriarcat de Constantinople sur l’indépendance de l’Église orthodoxe ukrainienne.

  • Février 2019 : un tournant dans les opérations des organisations religieuses de Lettonie

La situation religieuse en Lettonie évolue de la même manière qu’en Estonie et en Ukraine. En Estonie, il existe deux églises orthodoxes depuis le milieu des années 1990 : l’une est sous la juridiction du Patriarcat de Constantinople, tandis que l’autre est dirigée par le Patriarcat de Moscou. Des processus similaires ont également eu lieu récemment en Ukraine.

La Latvijas Pareizticīgā autonomā baznīca [Église orthodoxe autonome de Lettonie] s’est adressée au registre des entreprises de la République de Lettonie, demandant à être enregistrée en tant qu’organisation religieuse. Cette demande a été rejetée, car la loi sur les organisations religieuses (section 7, 3) dispose que les congrégations d’une même confession ne peuvent former qu’une seule association religieuse (Église) en Lettonie. Comme la confession orthodoxe est déjà enregistrée en Lettonie en tant qu’association religieuse (Église), l’enregistrement d’une autre communauté religieuse en tant qu’Église orthodoxe est illicite.

L’Église orthodoxe autonome de Lettonie s’est tournée vers les tribunaux et l’affaire a abouti devant la Cour constitutionnelle, qui a alors évalué si les croyants avaient le droit de choisir la confession ou l’Église à laquelle ils souhaitaient appartenir, ou s’ils n’avaient pas ce droit. Il s’agit d’une question juridique importante, car elle touche aux droits de l’homme et à la liberté de religion. L’Église orthodoxe autonome de Lettonie a demandé que la Cour constitutionnelle reconnaisse sa continuité juridique, car elle a été une organisation religieuse enregistrée avant même l’occupation de la Lettonie (1940), et a demandé à être inscrite en tant que personne morale dans le registre des organisations religieuses et de leurs institutions.

Le jugement de 2018 constitue un tournant important dans le fonctionnement des organisations religieuses de Lettonie, car la Cour constitutionnelle a reconnu que la norme de la loi sur les organisations religieuses, qui interdit la fondation de plus d’une association religieuse (Église) dans le cadre d’une même confession, ne correspondait pas à la Constitution de Lettonie (Satversme). L’exigence selon laquelle les nouvelles associations religieuses, qui commencent leurs activités en Lettonie pour la première fois et qui n’appartiennent pas à des associations religieuses (Églises) déjà enregistrées, doivent être réenregistrées chaque année pendant leurs dix premières années, et seulement ensuite obtenir les droits d’une association religieuse (Église), a également été révoquée.

En Lettonie, la question de savoir dans quelle mesure l’État doit réglementer la vie des associations religieuses (Églises), afin de ne pas enfreindre l’article 99 de la Constitution lettone (Satversme) sur la séparation de l’Église et de l’État, s’est posée. Plusieurs membres du Parlement (Saeima) ont exprimé la position selon laquelle l’État devrait être très réticent quant au désir d’entrer dans les détails de la réglementation des organisations religieuses, car cela pourrait frôler l’ingérence dans la vie de l’Église. En examinant les amendements à la loi sur les organisations religieuses, le législateur sera contraint de répondre sur l’emplacement de cette frontière dans un avenir proche. En février 2019, le Latvijas juristu apvienība [Association du barreau letton] a organisé une discussion pour savoir si des changements auraient lieu dans le fonctionnement des organisations religieuses après ce jugement, et si oui, de quelle nature.

Source : Latvijas Vēstnesis.

D 25 juin 2019    AAnita Stasulane

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