eurel     Données sociologiques et juridiques sur la religion en Europe et au-delà

2019

  • Février 2019 : Le terrorisme inspiré par la religion et la liberté religieuse en Italie

En réponse à la nécessité de prévenir les attaques terroristes, au cours de ces dernières années en Europe, les législateurs ont tendance à souligner que le terrorisme implique des activités supplémentaires, telles que celles permettant à des groupes de maintenir et de développer davantage des idées radicales sur l’islam et les préceptes islamiques. Ces comportements devraient être sanctionnés lorsqu’ils entraînent le risque que des actes terroristes soient commis. Cela signifie que les lois pénales se concentrent ici sur la tendance criminelle dangereuse. En d’autres termes, lorsqu’une personne met en danger les éléments fondamentaux d’une démocratie constitutionnelle, des sanctions pénales peuvent être imposées à son encontre, même si son comportement n’est pas directement lié aux attaques (terroristes) qui causent des blessures, des décès et d’autres dommages matériels. Dans le cadre de la stratégie de prévention des agressions violentes et aveugles, même la simple diffusion de messages ou d’images glorifiant le terrorisme peut être considérée comme une activité criminelle (terroriste). À la lumière de l’urgence terroriste existante, elle pourrait être considérée comme un crime odieux qui, en tant que tel, entraîne l’application de sanctions pénales, y compris des restrictions aux libertés individuelles, telles que la liberté religieuse.
En outre, dans ce domaine, l’Italie a développé des outils juridiques de haut niveau qui, sans surprise, sont maintenant également utilisés pour lutter contre le terrorisme inspiré par la religion. Le système sophistiqué des "mesures préventives" (réglementé par le décret législatif du 6 septembre 2011, mieux connu sous le nom de "code anti-mafia") en est un exemple illustratif.
L’objectif des mesures préventives est d’intégrer le système pénal italien. L’idée de base est que la protection des intérêts fondamentaux de l’État (comme le maintien d’un bon niveau de sécurité contre les menaces potentielles) ne peut être déléguée exclusivement à la fonction répressive du droit pénal. Cela explique pourquoi l’application de mesures préventives est basée sur des "symptômes de dangerosité". En d’autres termes, la nécessité d’empêcher certaines personnes de commettre ou de soutenir des crimes odieux justifie des mesures préventives ante delictum.
Il reste que, même si le droit pénal ne réglemente pas formellement les mesures préventives, les conséquences pratiques de leurs sanctions ne sont pas très différentes de celles liées aux règles pénales. Par exemple, l’application des mesures préventives implique soit l’interdiction de séjour (divieto di soggiorno) dans une ou plusieurs villes données, soit, dans le cas de personnes particulièrement dangereuses (persona di particolare pericolosità), un ordre de résidence obligatoire dans une municipalité déterminée (obbligo di soggiorno in un determinato comune). La violation de ces dispositions est passible d’une peine d’emprisonnement.
Depuis que le Parlement italien a approuvé le décret antiterroriste de 2015, le système de mesures préventives peut également être appliqué pour lutter contre les formes actuelles de terrorisme inspiré par la religion. Plus précisément, ces mesures peuvent être appliquées à "ceux qui, travaillant en groupe ou individuellement, se livrent à des actes préparatoires, objectivement pertinents, visant à prendre part à un conflit sur un territoire étranger en soutien à une organisation terroriste qui poursuit les objectifs énoncés à l’article 270 sexies du code pénal italien". Cela complique les relations État-islam(s), surtout à la lumière d’autres problèmes urgents, comme ceux liés à l’immigration.
En ce sens, le climat de peur et d’insécurité a produit une sorte d’obstacle épistémologique, sur la base duquel les médias, de nombreux hommes politiques et acteurs publics ont tendance à considérer l’islam et les groupes correspondants comme incapables d’une collaboration factuelle avec l’État. En effet, les organisations islamiques sont considérées comme "autres", différentes des confessions jugées plus compatibles avec le système traditionnel de relations entre l’État et les confessions établi en Italie jusqu’à présent : un système déterminé par l’application des articles 7 et 8 de la Constitution ainsi que de la loi 1159/1929, approuvée sous le régime fasciste.
En bref, les moyens de résoudre ces problèmes sont aujourd’hui fortement influencés par la menace actuelle du terrorisme inspiré par la religion. Une menace qui est accentuée par le décret de sécurité de 2018 (n° 113) - également appelé décret Salvini, du nom de Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur et chef de la Ligue d’extrême droite, qui a remporté un vote au Parlement en décembre 2018. Sans surprise, ce décret souligne la nécessité de prévenir les actes illégaux perpétrés par les organisations mafieuses et les groupes terroristes (articles 16 à 23). Le fait que le décret de 2018 ne mentionne pas l’islam est très significatif ; en réalité, cette absence n’est remarquable que par son silence assourdissant.
En d’autres termes, lorsqu’ils sont confrontés à des questions relatives à la liberté religieuse et aux dispositions constitutionnelles correspondantes, l’attitude des décideurs politiques est souvent soumise à des questions relatives à l’islam. À la lumière de la vague émotionnelle résultant du climat d’insécurité et de peur, ces questions pourraient être influencées, voire manipulées, par les analyses artificielles et sensationnelles concernant à la fois les formes actuelles de terrorisme inspiré par la religion et le processus urgent d’immigration.

  • Février 2019 : Suicide assisté en Italie. L’affaire Cappato

M. Marco Cappato, un militant du droit à mourir, est actuellement accusé d’avoir aidé Fabiano Antoniani, mieux connu sous le nom de DJ Fabo, à se suicider. Plus précisément, M. Cappato a accompagné DJ Fabo à la clinique suisse où il s’est suicidé. En février 2018, un tribunal de Milan a renvoyé l’affaire devant la Cour constitutionnelle, lui demandant de vérifier si l’article 580 du Code pénal italien (qui punit l’incitation au suicide et qui a été approuvé sous le régime fasciste) est conforme à la Constitution de 1948. À la suite d’un accident de voiture en 2014, DJ Fabo était resté tétraplégique. De 2014 à 2017, il avait été nourri artificiellement et partiellement soutenu par un ventilateur. Durant cette période, il souffrait de spasmes musculaires fréquents, lui causant des douleurs considérables. En mai 2016, DJ Fabo a contacté l’association suisse Dignitas, dont la mission principale est d’aider les personnes à exercer leur droit à mourir dignement. Durant la même période, il rencontre M. Cappato, qui se déclare disponible pour accompagner DJ Fabo dans un établissement Dignitas, situé en Suisse. M. Antoniani a alors déposé une demande auprès de l’association, qui a donné suite à sa demande. En février 2017, M. Cappato l’a conduit jusqu’à l’établissement suisse. Une fois arrivé à la clinique, les médecins ont examiné Fabiano et ont approuvé l’intervention. Grâce à un appareil actionné par la langue du patient, DJ Fabo a alors pu lui injecter dans les veines un cocktail mortel de barbituriques, ce qui a causé une mort apparemment indolore.
De retour en Italie, M. Cappato s’est dénoncé à la police. En février 2018, le tribunal pénal de Milan chargé de l’affaire Cappato a décidé d’arrêter la procédure et de poser les deux questions préliminaires suivantes à la Cour constitutionnelle : 1) l’article 580 du Code pénal italien est-il compatible avec les droits fondamentaux du patient (y compris l’article 8 CEDH), telle qu’interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme ? ; 2) la peine (emprisonnement de 5 à 12 ans) prévue par l’article 580 du Code pénal italien est-elle compatible avec les dispositions constitutionnelles (dont l’article 32 de la Constitution de 1948) ?
Selon la Cour constitutionnelle, il existe aujourd’hui des situations qui n’étaient pas imaginables au moment de l’entrée en vigueur du Code pénal. Certaines de ces situations concernent ceux qui souhaitent mettre fin à leurs jours, comme ce fut le cas pour M. Antoniani. En effet, ces personnes souffrent d’une maladie incurable qui leur cause des douleurs intenses et intolérables. Ils sont maintenus en vie grâce à des traitements de survie et conservent leur pleine capacité mentale.
Il convient de noter que, selon la législation italienne en vigueur, dans de tels cas, les patients sont déjà autorisés à mettre fin à leurs jours en refusant certains traitements médicaux (cette possibilité est également accordée au patient par une récente loi n° 219/2017, qui reconnaît explicitement le droit fondamental du patient de refuser tout traitement médical). Ainsi, selon la Cour constitutionnelle, le système juridique actuel crée des vides juridiques dans lesquels les personnes vulnérables ne seraient pas suffisamment protégées contre d’éventuels abus. Cela signifie que la législation italienne a besoin d’une loi-cadre établissant en détail les conditions dans lesquelles les patients peuvent être légalement aidés à mettre fin à leur vie. En d’autres termes, le système juridique de l’État devrait garantir que ces décisions soient prises sous contrôle médical, dans le cadre d’une relation fondée sur la confiance mutuelle entre patients et médecins. Afin d’éviter le risque d’un renoncement prématuré aux soins palliatifs, ce type de législation pourrait permettre aux patients de vivre dignement même dans le contexte d’une maladie incurable.
Pour toutes ces raisons, la Cour constitutionnelle a décidé de renvoyer l’affaire à une nouvelle audience, qui aura lieu le 24 septembre 2019. Cela donnera au Parlement italien l’occasion d’approuver une législation conforme aux principes établis dans la Constitution italienne, comme interprété par la Cour constitutionnelle. De cette manière, la Cour a donné lieu à un débat animé dans un contexte où les questions éthiques sont fortement liées à la fois aux relations État-Églises et au principe de laïcité (voir "The Place of Minority Religions and The Strategy of Major Denominations. The Case Of Italy").

D 6 février 2019    AFrancesco Alicino

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