eurel     Données sociologiques et juridiques sur la religion en Europe et au-delà

2018

  • 20 novembre 2018 : proposition de subventionner la théologie dans l’enseignement universitaire

Le ministère de l’Éducation et des Sciences bulgare a proposé aux étudiants de certains domaines d’études, à savoir les mathématiques, la chimie, la physique, la pédagogie et la théologie, de ne pas payer de taxes universitaires. Si le choix des quatre premiers est déterminé par la pénurie de professionnels dans ces domaines, la justification n’est pas clairement énoncée en ce qui concerne la théologie. Par ailleurs, les universités de Bulgarie n’offrent que des programmes en théologie orthodoxe. Les autres religions ne disposent pas de formation théologique de niveau universitaire reconnue par les autorités bulgares.

Source : “Le ministère de l’Éducation et des Sciences propose à l’État de subventionner l’enseignement universitaire dans le domaine de la théologie” [Vissheto obrazovanie po teologiya da stane bezplatno, predlaga Ministerstvoto na obrazovanieto], Dveri.bg, 17 octobre 2017 (en Bulgare).

  • 13 novembre 2018 : discussions sur les amendements de la loi relative aux confessions religieuses en Bulgarie (mai à octobre 2018)

Début mai 2018, deux projets de loi relatifs à la religion ont été soumis au parlement bulgare. Le premier (n° 854-01-34/04.05.2018) était soutenu par le parti politique GERB (Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie), c’est-à-dire la première force politique actuelle du pays, ainsi que par deux partis de l’opposition, à savoir le BSP (Parti socialiste bulgare) et le DPS (Mouvement pour les droits et la liberté). Le second projet (n° 854-01-35/09.05.2018) a été soumis par le Front patriotique, une alliance de trois petites formations nationalistes, le NFSB (Front national pour le sauvetage de la Bulgarie), le VMRO (parti politique nommé d’après l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne, parti historique ayant lutté pour la libération de la Macédoine entre 1893 et 1944) et « Ataka » (parti coutumier d’une agressivité affichée à l’égard des musulmans de Bulgarie et à la base de critiques acerbes contre la politique de l’UE en matière de défense des droits des homosexuels). Cette alliance est devenue un partenaire clé de l’actuelle coalition au pouvoir en Bulgarie.

Les deux projets visent à renforcer le contrôle de l’État sur la participation de ministres du culte étrangers à l’administration et aux activités proposées par les confessions religieuses en Bulgarie, sur les dons étrangers aux communautés religieuses locales, sur l’utilisation (abusive) de la religion à des fins politiques, sur la gestion des finances des communautés religieuses, sur les règles d’enregistrement des nouvelles organisations religieuses, sur les procédures d’ouverture d’écoles religieuses, etc. À cet égard, le premier projet de loi prévoit des mesures et des sanctions plus modérées que celles du projet soumis par le Front patriotique. Autre différence : la référence du Front patriotique au soi-disant « radicalisme religieux ». Selon son projet de loi, le radicalisme religieux englobe « les activités, sermons, textes, déclarations ou appels d’organisations religieuses qui :
a) réfutent le caractère laïc de l’État, remettent en question l’État de droit, remplacent le droit civil par un autre ou donnent la priorité à un autre type de droit [par exemple, le droit religieux] ;
b) contredisent la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Charte des droits fondamentaux de l’UE et les actes internationaux liés ;
c) dressent les gens les uns contre les autres pour des raisons de religion ou de foi [sans que la différence entre religion et foi ne soit explicite] ;
d) prêchent, promeuvent ou justifient le terrorisme religieux et les guerres de religion ;
e) utilisent des symboles ou des signes d’organisations terroristes et coopèrent avec celles-ci ».

Le Front patriotique considère par ailleurs les amendements proposés comme des mesures contre la « politisation de la religion », définie comme une « violation du principe de séparation entre la sphère politique et la religion, qui met en danger la sécurité nationale », et comme une « utilisation abusive de toute confession religieuse, de ses organes dirigeants, des églises et des lieux de prière, des traditions et des rites à des fins politiques par une institution religieuse ou une organisation politique ». Ces deux documents, rédigés sans consulter les confessions religieuses locales et leurs administrations centrales, ont suscité une vague de critiques. De fin mai à début octobre, les administrations centrales des communautés religieuses de Bulgarie ont déposé une série de plaintes contre les deux projets de loi. Toutes ont convenu que les amendements proposés
 contredisent le principe de séparation des institutions religieuses et de l’État (Constitution bulgare, article 13.2),
 portent atteinte à la liberté de culte protégée par cette même Constitution (article 37)
 et ne prennent pas en considération les arrêts de la Cour constitutionnelle bulgare, interprétant les textes constitutionnels relatifs à la religion (arrêts n° 5 du 11 juin 1922 et n°2 du 18 février 1998).

En outre, les autorités religieuses ont souligné que bon nombre des amendements proposés avaient déjà été abordés dans d’autres lois spéciales, telles que le Code pénal, les lois relatives à la lutte contre le terrorisme, aux mesures de lutte contre le financement du terrorisme, à la gouvernance et au fonctionnement du système de défense de la sécurité nationale, à l’agence nationale de sécurité, à l’agence nationale des services de renseignement, aux mesures de prévention du blanchiment d’argent, à la limitation des paiements en espèces, etc.

Il a également été souligné que certaines de ces « innovations » constituent un retour à des actes normatifs et à des pratiques de l’époque communiste qui avaient été supprimés de la législation bulgare après la chute du régime communiste, comme l’interdiction des contacts entre les confessions religieuses locales et des organisations à l’étranger sans l’autorisation des autorités de l’État (loi de 1949 relative aux confessions religieuses, article 22).

Dans le même temps, les différentes communautés religieuses ont concentré leurs critiques sur différents textes des projets de loi proposés.

Le Saint-Synode de l’Église orthodoxe bulgare, qui représente la religion majoritaire dans le pays, a souligné l’immunité/inviolabilité de ses biens sur la base des canons créés au cours des premiers siècles du christianisme. Elle a affirmé que tout ce qu’elle a reçu par le biais de dons, d’héritages, de legs, etc. est devenu la propriété éternelle de l’Église et qu’aucune institution séculière n’est en droit de s’accaparer ces biens, tout en faisant preuve d’une attitude sélective par rapport aux changements proposés dans la politique financière de l’État à l’égard des organisations religieuses. Le Saint-Synode a ainsi accepté l’audit des dépenses des subventions issues du budget de l’État, mais a refusé de présenter des comptes sur ses revenus provenant de ses propriétés. À cet égard, il convient de mentionner que les revenus de l’Église provenant de ses propres ressources étaient contrôlés par l’État avant l’émergence du régime communiste. De plus, après la chute de ce régime, l’Église orthodoxe bulgare a récupéré l’ensemble de ses ressources économiques qui avaient été nationalisées par l’État athée. Elle est ainsi devenue le deuxième propriétaire de terres arables et de forêts le plus important du pays, après l’État. Elle a également récupéré ses droits de propriété sur l’industrie des cierges destinés aux églises et sur de nombreux immeubles de bureaux situés dans les centres-villes bulgares. En outre, l’Église orthodoxe bulgare a protesté contre le contrôle exercé par l’État sur les dons provenant de l’étranger. Or, jusqu’à présent, il n’existe pas de registre public des biens de l’Église orthodoxe, qui ne présente pas non plus de comptes publics de ses revenus et des dépenses correspondantes. En outre, en ce qui concerne les amendements relatifs aux dons aux communautés religieuses, il est important de mentionner que l’Église orthodoxe bulgare peut recevoir de tels dons non seulement de ses communautés issues de la diaspora, mais aussi d’autres Églises orthodoxes, comme l’Église orthodoxe russe, qui a commencé à faire de tels dons dès l’instauration du régime communiste en Bulgarie. Enfin, le Saint-Synode a accueilli favorablement l’idée que les prêtres orthodoxes soient rémunérés par le budget de l’État, mais n’était pas satisfait du plafond proposé pour cette subvention.

Selon lui, en vertu de cette règle, l’Église orthodoxe recevra moins d’argent par habitant que les autres confessions religieuses éligibles à cette subvention. Le bureau du grand mufti a quant à lui été particulièrement attentif à l’utilisation de l’expression « radicalisme religieux » et a souligné l’absence d’un tel terme et d’une telle définition dans les actes internationaux relatifs à la religion. Il a également protesté contre les amendements prévus, qui mettent en danger l’existence future de l’Institut supérieur d’études islamiques de Bulgarie, dénonçant par exemple la nouvelle compétence envisagée du Bureau fédéral des confessions religieuses à certifier les diplômes délivrés par des écoles religieuses.

Enfin, toutes les minorités religieuses, à l’exception de la minorité musulmane, ont critiqué l’introduction d’un nouveau critère d’éligibilité des communautés religieuses aux subventions de l’État. Selon ce critère, seules les confessions religieuses dont le nombre de fidèles dépasse 1 % de la population bulgare peuvent se voir octroyer ce soutien financier. Ces minorités ont par ailleurs fait remarquer que lors du recensement de 2011, les citoyens bulgares n’étaient pas tenus de déclarer leur confession religieuse, leur langue maternelle et leur autoreconnaissance ethnique, si bien que les communautés religieuses n’avaient aucune idée que les données du recensement seraient utilisées pour calculer les subventions accordées par l’État.

Le 11 octobre 2018, lors de la première discussion parlementaire concernant les deux projets de loi, le parlement bulgare a pris la décision de les unifier mécaniquement en un nouveau projet de loi, enregistré sous le n° 853-14-10, qui fera l’objet de nouveaux débats devant ce même parlement.

Sources :
1. Projet de loi proposé par les députés du Parti politique "Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie" (GERB), du Parti socialiste bulgare (BSP) et du Mouvement pour les droits et les libertés (DPS). Enregistrée sous le numéro 854-01-34 le 4 mai 2018. La page web contient également des liens vers les déclarations des différentes communautés religieuses sur ce projet de loi.
2. Projet de loi proposé par les députés du Front patriotique uni composé du Font national pour le sauvetage de la Bulgarie (NFSB), du VMRO (un parti politique portant le nom de l’Organisation révolutionnaire interne macédonienne historique qui a lutté pour la libération de la Macédoine entre 1893 et 1944), et du Parti politique "Ataka". Enregistré sous le numéro 854-01-35 le 9 mai 2018. La page web contient également des liens vers les déclarations des différentes communautés religieuses sur ce projet de loi.
3. Projet de loi unifié sur l’amendement de la loi sur les dénominations religieuses. Enregistré sous le n° 853-14-10 le 19 octobre 2018.

D 13 novembre 2018    ADaniela Kalkandjieva

CNRS Unistra Dres Gsrl

Suivez nous :
© 2002-2024 eurel - Contact