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Pologne

  • Décembre 2014 : l’interdiction de l’abattage rituel est incompatible avec la Constitution de la République de Pologne

A la suite de la requête de l’Union des communautés religieuses juives, le tribunal constitutionnel a réglé la question controversée de la compatibilité de l’abattage rituel des animaux avec la Constitution de la République de Pologne du 2 avril 1997. Dans le jugement du 10 décembre 2014, le tribunal a déclaré que l’art. 34 par. 1 de la loi du 21 août 1997, sur la protection animale, dans la mesure où il interdit de soumettre des animaux à l’abattage conformément à des procédés spécifiques prescrits par des rites religieux, de même que l’art. 35 par. 1 et 4 de cette loi, dans la mesure où il prévoit des poursuites pénales pour avoir soumis des animaux à ce type d’abattage, sont incompatibles avec l’art. 53 par. 1, 2 et 5 de la Constitution relatif à l’art. 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Le jugement du tribunal confirme que la liberté de religion, et particulièrement le droit de manifester sa religion, implique le droit des organisations religieuses de pratiquer l’abattage rituel. Selon le tribunal, l’interdiction absolue de ce type de pratiques constitue une restriction sans fondement de la liberté de religion (à la lumière de l’art. 53 par. 5 de la Constitution et art. 9 par. 2 de la Convention).
Le jugement a été prononcé par l’ensemble des juges du tribunal, cependant cinq juges ont présenté des avis divergents. Le verdict a été accueilli positivement par les milieux religieux juif et musulman et a fait l’objet d’une vive opposition de la part des défenseurs des droits des animaux.
Depuis le 12 décembre 2014, date à laquelle le jugement a été prononcé, les dispositions controversées de la loi sur la protection animale qui interdisaient l’abattage rituel ne sont plus en vigueur. L’abattage rituel en Pologne est donc actuellement réglementé par le règlement (CE) n° 1099/2009 du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort. L’art. 4 par. 4 dispose que dans le cas d’animaux faisant l’objet de procédés particuliers d’abattage prescrits par des rites religieux, les obligations d’étourdissement des animaux avant la mise à mort ne s’appliquent pas sous réserve que l’abattage se déroule dans un abattoir.

  • Mai 2014 : les procédures d’enregistrement de l’Eglise pastafarienne sont jugées sans objet

L’autorité en charge des enregistrements a déclaré que les candidats demandant l’enregistrement de l’Eglise pastafarienne ne représentaient pas une communauté religieuse telle que visée à l’article 2 de la loi relative aux garanties de la liberté de conscience et de religion du 17 mai 1989. La procédure d’enregistrement est devenue sans objet. L’autorité a considéré que cette communauté n’a pas été fondée dans le but de professer et de propager une foi religieuse mais dans un tout autre objectif, et c’est pour cette raison que la procédure d’enregistrement n’a pas pu être ouverte.

  • 15 mars 2013 : le registre des Églises et des autres organisations religieuses : refus d’inscrire l’Église pastafarienne

Le 15 mars 2013, le ministère de l’Administration et de la Numérisation, en charge du registre des Églises et des autres organisations religieuses, a refusé d’inscrire au registre l’Église pastafarienne (Church of the Flying Spaghetti Monster). La proposition d’inscription avait été soumise le 27 juillet 2012. Elle a ensuite été rectifiée par les requérants en date du 4 et du 6 septembre 2012. La demande d’inscription indiquait que l’Église pastafarienne a été fondée en 2005 aux États-Unis et est inspirée par la « révélation du prophète Bobbie Henderson ».
Au cours de la procédure d’inscription, le ministère a demandé à l’Institut d’études religieuses de l’Université Jagellonne de Cracovie de préparer une expertise afin de répondre à la question suivante : « A la lumière des documents fournis, peut-on considérer l’Église pastafarienne comme une communauté religieuse telle que définie à l’art. 2 par. 1 de la loi du 17 mai 1989 relative aux garanties de la liberté de conscience et de religion ? ». Les auteurs de l’expertise ont déclaré que l’Église pastafarienne devait être comptée parmi les parodies de religions et que sa doctrine « présentait clairement les signes d’une imitation des doctrines déjà existantes ». « On peut ainsi supposer que ce groupe a bien plus l’intention de tourner en ridicule les principes d’autres religions (dans ce cas, la religion chrétienne) que de créer sa propre doctrine et de rassembler un cercle de disciples autour de celle-ci afin d’instaurer une nouvelle communauté religieuse. »
Justifiant sa décision, le ministre a souligné que le registre doit inclure uniquement des communautés religieuses fondées dans le but de professer et de promouvoir leur foi religieuse. Il partage le point de vue des experts qui estiment que nous sommes face à « un genre d’antireligion ». Pour ces motifs, il a jugé que l’Église pastafarienne ne satisfaisait pas aux critères visés à l’art. 2 par. 1 de la loi du 17 mai 1989 relative aux garanties de la liberté de conscience et de religion.
Les requérants ont déjà fait savoir qu’ils allaient déposer une demande écrite afin que le ministre réexamine leur cas. Selon les réglementations actuelles, ils peuvent également introduire un recours auprès du tribunal administratif.
Il convient de noter que dans le passé, le refus d’inclure un groupe particulier au registre des Églises et des autres organisations religieuses se justifiait parfois au motif que le groupe en question ne présentait pas de caractère religieux. Une argumentation identique a été utilisée par le tribunal administratif suprême lors du jugement du 22 janvier 1999 qui a confirmé la légitimité de la décision rendue par le ministère de l’Intérieur et de l’Administration (alors en charge du registre des Églises et des autres organisations religieuses). Par cette décision, le ministère refusait l’inscription du mouvement raëlien polonais dont la doctrine est fondée sur les opinions de Claude Vorilhon exprimées dans son livre, signé Raël, « Les extra-terrestres m’ont emmené sur leur planète. »

  • 2009 : La religion dans les écoles publiques

Jugement du 2 décembre 2009, Tribunal constitutionnel de Pologne (U 10/07)

La prise en compte des notes attribuées dans les cours obligatoires de religion ou de morale dans l’évaluation globale de fin d’année sanctionnée par le diplôme d’études secondaires

Dispositions légales de la révision :

Un décret du ministère de l’Education nationale du 13 juillet 2007 modifie la réglementation relative aux conditions et modalités d’évaluation et de promotion des élèves et des apprenants ainsi que la manière de faire passer les contrôles et examens dans les écoles publiques. Le décret du ministère de l’Education nationale du 13 juillet 2007 établit que les notes attribuées dans les cours de religion ou de morale que l’élève a suivis durant l’année scolaire doivent être prises en compte dans l’évaluation globale de fin d’année au même titre que les notes attribuées dans les cours obligatoires. En effet, si un élève a suivi des cours de religion ou de morale en école primaire, secondaire et niveaux supérieurs et qu’on lui a attribué des notes dans ces matières, ces notes doivent être prises en compte dans l’évaluation globale de cet élève en fin d’année.

Fondement de la révision :

Constitution de la République de Pologne (Article 22, paragraphe 2 ; article 32, paragraphes 1 et 2, article 53, paragraphe 3, en liaison avec l’article 48, paragraphe 1)
Loi du 17 mai 1989 sur les garanties de la liberté de conscience et de religion (article 6, paragraphe 2 ; article 10, paragraphe 1 ; article 20, paragraphes 2 et 3)

Plaintes des requérants :

Selon les requérants, la réglementation en question enfreint trois principes : la séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’égalité devant la loi et le droit des parents d’élever leurs enfants selon leur liberté de conscience. Pour les requérants, la réglementation est incompatible avec le principe constitutionnel d’impartialité des pouvoirs publics en matière de croyance religieuse et de conception de la vie. En vertu de ce principe, l’impartialité des pouvoirs publics dans ce domaine doit être synonyme de neutralité. Les pouvoirs publics ne devraient promouvoir aucune doctrine religieuse, quelle qu’elle soit. Or, parmi les objectifs figurant dans le décret du ministère de l’Education nationale du 13 juillet 2007 et fixés dans l’exposé des motifs, il est précisé qu’il faut pousser les élèves à fournir des efforts supplémentaires et encourager tout effort lié à la participation à des activités telles que la religion ou la morale. Attribuer une notation favorable en religion ou en morale contribue à encourager les élèves à choisir ces matières. La réglementation est contraire au principe constitutionnel d’égalité devant la loi. En effet, la réglementation prévoit plusieurs méthodes pour calculer l’évaluation moyenne des élèves selon qu’ils suivent ou non les cours de religion et de morale.

Décision de justice :

Le Tribunal constitutionnel a jugé que le décret du ministère de l’Education nationale du 13 juillet 2007 modifiant la réglementation relative aux conditions et modalités d’évaluation et de promotion des élèves et des apprenants ainsi que la manière de faire passer les contrôles et examens dans les écoles publiques était conforme à la Constitution mais n’était pas conforme à la loi du 17 mai 1989 garantissant la liberté de conscience et de religion.

Motifs de la décision :

1. Dans le cadre d’une société pluraliste, démocratique et contemporaine, la liberté de religion peut se traduire également par l’éducation religieuse. Mais le rôle de l’Etat n’est pas d’imposer ni d’établir un programme d’enseignement dans ce domaine.
2. Le Tribunal constitutionnel a souligné que la prise en compte des notes attribuées dans les cours de religion et de morale dans l’évaluation globale de fin d’année est une conséquence de l’attachement à la religion ou à la morale dans le cadre du diplôme d’études secondaires. Dès lors qu’elles figurent sur le diplôme, ces notes ont la même valeur que celles des autres matières.
3. Le Tribunal constitutionnel a souligné que le décret du ministère de l’Education nationale n’est en faveur d’aucune idéologie religieuse puisque les parents et les élèves peuvent choisir entre les cours de religion ou de morale. Cependant, dans la pratique, la pression sociale peut pousser les parents et les élèves à choisir les cours de religion plutôt que les cours de morale puisque la majorité de la population est de confession catholique romaine. Cette pression sociale n’est que le reflet d’un manque de tolérance, une question délicate qui ne relève pas de la compétence du Tribunal constitutionnel.

  • 2009 : Le crucifix dans les lieux publics

La Résolution du 3 décembre 2009 du Sejm polonais (chambre basse du Parlement polonais) relative à la protection de la liberté de conscience et à la promotion des valeurs basées sur l’héritage commun des nations européennes :

 « reconnaît que le symbole de la croix n’est pas uniquement un symbole religieux et un symbole de l’amour de Dieu pour les hommes, c’est également, dans le domaine public, le rappel du sacrifice pour l’autre. Ce symbole souligne également l’importance de favoriser le respect des droits et de la dignité de chaque être humain ;
 énonce la nécessité de respecter la liberté de pensée, de conscience et de religion ;
 se réfère aux traditions libertaires de la République des Deux nations [Pologne-Lituanie], qui ont été, en leur temps, un modèle pour l’Europe en matière de tolérance religieuse et ethnique ;
 établit que le christianisme a favorisé, de manière positive et fondamentale, le développement des droits de l’homme, la culture de l’Europe et l’unité de notre continent ;
 déclare que l’individu aussi bien que la communauté ont le droit d’exprimer leur identité religieuse et culturelle qui n’a pas à être cantonnée à la seule sphère privée ;
 garde en mémoire que par le passé, notamment sous la domination nazie et soviétique, les actes d’hostilité envers la religion ont été à l’origine de violations massives des droits de l’homme et ont engendré de la discrimination ;
 garde à l’esprit les mots du pape Jean-Paul II lors de son discours historique au Parlement polonais en juin 1999 rappelant que « la démocratie qui ne s’appuie pas sur des valeurs peut facilement se transformer en totalitarisme ouvert ou déguisé » ;
 exprime son inquiétude relative aux décisions portant atteinte à la liberté de religion sans tenir compte des droits et sensibilités des croyants ou des conséquences que cela pourrait avoir sur la paix sociale, et porte un regard critique sur la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (affaire Lautsi c. Italie) qui remet en cause la présence de crucifix dans les salles de classe en Italie.
Le Sejm polonais souhaite mettre en place, avec les autres parlements européens (membres du Conseil de l’Europe), une réflexion commune relative aux moyens de protéger la liberté de religion afin de promouvoir les valeurs de l’héritage commun des nations européennes ».

Lors du processus législatif, 357 députés ont voté en faveur de la résolution et 40 députés contre. Le contenu de la Résolution du 4 février 2010 du sénat polonais est identique à celui de la Résolution du 3 décembre 2009.

D 13 janvier 2017    AKatarzyna Starzecka AMichał Zawiślak APiotr Stanisz

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