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2014

  • Novembre 2014 : Interdiction du voile intégral dans le canton du Tessin

Le 22 septembre 2013, l’initiative visant à interdire la dissimulation du visage dans l’espace public et à inscrire cette interdiction dans la Constitution tessinoise a été acceptée par 65,4 % des votants et votantes du canton du Tessin (italophone). Ainsi, le Tessin est le premier canton à interdire le port du voile intégral dans les lieux publics, ce qui a suscité un débat : certains considèrent cette votation comme une violation des droits fondamentaux des femmes musulmanes, et une discrimination de la minorité musulmane qui s’ajoute à l’interdiction de construire des minarets en Suisse (qui a été votée et acceptée en juin 2010).

Cette initiative, initiée par l’ancien journaliste Giorgio Ghiringhelli et dont le texte est très proche de la loi française validée par la Cour européenne des droits de l’homme en juillet 2014, est vue par certains comme une absurdité. En effet, le nombre de résidentes qui se dissumulent le visage est extrêmement faible, que ce soit au Tessin en particulier ou en Suisse en général : on n’en dénombre qu’une dizaine dans tout le pays, selon Nadia Karmous, présidente de l’association culturelle des femmes musulmanes de Suisse.

L’ONG de défense des droits humains Amnesty International a, quant à elle, déclaré qu’une « interdiction générale du port du voile intégral viole les droits à la liberté d’expression et de religion des femmes qui choisissent d’exprimer de cette manière leur identité ou leurs convictions ». En revanche, Amnesty International rappelle qu’il est du devoir de l’Etat de s’assurer qu’aucune femme ne soit forcée à se voiler. Un autre danger de cette loi d’exception est qu’elle risque de marginaliser les femmes qui portent ces vêtements. L’initiative a également été condamnée par Human Right Watch, l’European Muslim League et le Conseil central islamique suisse (CCIS).

La question du voile intégral en Suisse, bien qu’elle ne concerne qu’une infime minorité de femmes musulmanes, est régulièrement discutée depuis 2006. Le Conseil fédéral s’était clairement opposé à son interdiction, mais le vent a tourné : en novembre 2014, le Conseil fédéral (pouvoir exécutif) a donné son aval pour la modification de la Constitution tessinoise proposée par l’initiative. Il ne reste plus qu’à attendre la décision du Parlement pour que l’inititive puisse effectivement entrer en vigueur. La probabilité que le débat dépasse le niveau cantonal et débouche sur une votation populaire au niveau national est élevée.

  • Septembre 2014 : opposition à l’ouverture du Centre suisse Islam et Société

Un projet de cursus académique sur l’Islam en Suisse devait aboutir à l’ouverture en 2014 du Centre suisse Islam et Société (CIS), rattaché à et coordonné par la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg. Cette formation a pour but d’offrir un cadre académique à la réflexion sur l’islam en Suisse ainsi qu’au dialogue interreligieux. Le cursus s’adresse principalement aux imams, leur donnant des outils de connaissance de l’environnement suisse et de sa législation, mais également à toute personne travaillant en contact avec des musulmans.

Mais l’ouverture de cursus ne se fera finalement pas avant 2017. Des partis politiques de droite, l’Union Démocratique du Centre (UDC) et le Parti Libéral Radical (PLR), s’y opposent fermement. Porté devant le Grand Conseil fribourgeois, le projet a été soumis à un vote des parlementaires. Le projet n’a pas été suspendu, mais de justesse. Exaspéré, le parti UDC a annoncé qu’il lancerait une initiative populaire début 2015 afin de faire voter le peuple sur l’avenir du CIS (la Suisse étant une démocratie semi-directe, tout Suisse ou Suissesse peut lancer une initiative populaire à condition de récolter au moins 100 000 signatures en 18 mois).

Les arguments de l’opposition au CIS s’articulent autour de trois axes : le contexte international (persécutions de chrétiens au Proche-Orient par des groupements djihadistes), les aspects financiers, et l’existence de buts « cachés » du projet (qui seraient la création d’une école coranique et d’une formation des imams au sein du CIS). Ces arguments sont battus en brèche par les responsables du projet, qui affirment qu’il n’est en aucun cas question de créer une école coranique ni de recevoir du soutien de l’étranger. De plus, ils rappellent les articles 8 et 20 de la Constitution suisse qui garantissent l’autonomie de la science et des universités, ainsi que l’égalité de traitement sans distinction d’appartenance religieuse.

D 15 décembre 2014    AAnaïd Lindemann

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