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France

Pour la France, prise en compte de la question de la religion au travail dans le débat public (extrait de la rubrique Débats actuels) :

  • Avril 2021 : encore le foulard

Le 14 avril 2021, la Cour de cassation a confirmé (dans l’affaire d’une salariée licenciée pour le port d’un foulard couvrant ses cheveux, ses oreilles et son cou) qu’un employeur ne peut restreindre les libertés individuelles de ses salariés (ici la liberté de religion) que si cette restriction est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et répond à une exigence professionnelle essentielle, déterminante et proportionnée au but recherché.

  • 27 novembre 2013 : La cour d’appel de Paris se prononce dans l’affaire de la crèche Baby-Loup

Par un arrêt du 27 novembre 2013, la cour d’appel de Paris ajoute une nouvelle étape à ce qui est devenu « l’affaire Baby-Loup » et qui a pour origine le licenciement par la crèche qui l’employait d’une femme portant le voile islamique. À la discrimination au regard des convictions religieuses défendue par l’employée, la crèche opposait son règlement intérieur selon lequel « le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités développées par Baby Loup, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu’en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche ». Dans un arrêt du 19 mars 2013 (voir infra), la Cour de cassation avait considéré que « le principe de laïcité instauré par l’article 1er de la Constitution n’est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public », ce qui est le cas de la crèche Baby Loup, association de droit privé. À partir de là, les dispositions du code du travail s’appliquent qui prévoient que « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. » (Article L.1121-1). La clause générale de laïcité et de neutralité figurant dans le règlement intérieur de l’association Baby Loup avait ainsi été jugée invalide et le licenciement de la salariée déclaré nul.
Or, la cour d’appel de Paris a confirmé la légalité du licenciement, en suivant un raisonnement différent. Elle a ainsi jugé que la crèche pouvait être considérée comme « une entreprise de conviction au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », ce qui l’autoriserait à imposer l’obligation de neutralité à ses employés, à l’instar d’une entreprise de tendance – religieuse – qui peut exiger de ses salariés l’adhésion à une ligne de pensée définie par une doctrine religieuse. Cette notion d’entreprise de tendance, absente du code du travail, est cependant définie en droit de l’Union européenne (directive 2000/78 du 27 novembre 2000, qui reconnaît à ces entreprises le « droit de requérir des personnes travaillant pour elles une attitude de bonne foi et de loyauté envers l’éthique de l’organisation ») et par la jurisprudence française. En l’espèce, cette exigence de neutralité religieuse serait requise afin de « respecter et protéger la conscience en éveil des enfants ». C’est ainsi une autre approche de la laïcité qui est mise en avant, la faisant passer d’un principe juridique qui s’impose aux pouvoirs publics dans leurs relations avec les institutions et activités religieuses, à une « conviction ».

Pour en savoir plus :
 CA Paris, 27 nov. 2013, Madame Fatima L. / Association Baby Loup

  • 15 octobre 2013 : l’Observatoire de la laïcité adopte deux avis relatifs à l’application du principe de laïcité

Le premier avis adopté par l’Observatoire fait suite aux débats suscités par l’arrêt Baby Loup rendu le 19 mars 2013 par la Cour de cassation (voir l’article ci-dessous) et porte sur « la définition et l’encadrement du fait religieux dans les structures qui assurent une mission d’accueil des enfants »
L’Observatoire de la laïcité note que l’extension du principe de neutralité en dehors de la sphère publique et du service public et de ses délégataires risquerait de contrevenir à un droit fondamental et de faire ainsi l’objet d’une condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme, voire d’une censure du Conseil constitutionnel pour atteinte à la liberté de religion de personnes privées dans une activité privée. Justifier cette extension du principe de neutralité aux structures d’accueil des enfants au motif de la « vulnérabilité » de ceux-ci se heurte par ailleurs à la difficulté, voire à l’impossibilité, de définir précisément cette notion. L’Observatoire rappelle également que « la laïcité n’est pas une opinion ni une croyance mais une valeur commune » et que la notion d’ « entreprise de tendance laïque » ne saurait donc être utilisée.
L’Observatoire propose à la crèche Baby Loup de « modifier son règlement intérieur afin de préciser les moyens de répondre aux objectifs qu’elle s’est assignée d’égalité de tous les enfants et de tous les parents et de refus de toute distinction, qu’elle soit politique ou confessionnelle, en édictant des restrictions à la liberté d’expression religieuse qui soient justifiées par des objectifs propres à son activité et proportionnées à ces objectifs ». Elle pourrait également opter pour un régime de délégation de service public qui impliquerait l’application à ses agents du principe de neutralité du service public.
Plus généralement, l’Observatoire recommande au Gouvernement d’une part d’édicter une circulaire interministérielle pour rappeler le droit en vigueur en la matière et, d’autre part, de renouveler la diffusion au sein de l’ensemble des administrations publiques de la Charte de la laïcité dans les services publics publiée initialement le 13 avril 2007.

Dans son deuxième avis, l’Observatoire de la laïcité énonce un « rappel à la loi » concernant le contenu et les contours du principe de laïcité : la responsabilité de la puissance publique dans la promotion et l’application de ce principe, ce que garantit et ce qu’interdit la laïcité.

Pour en savoir plus :
 Avis de l’Observatoire de la laïcité sur la définition et l’encadrement du fait religieux dans les structures qui assurent une mission d’accueil des enfants
 Rappel à la loi à propos de la laïcité et du fait religieux.

  • 27 mai 2013 : Enquête sur le fait religieux en entreprise

L’Institut Randstad et l’Observatoire du fait religieux en entreprise (OFRE) ont présenté les résultats d’une enquête sur le fait religieux en entreprise conduite entre septembre 2012 et mars 2013 auprès de 1 300 personnes (210 cadres de la fonction ressources humaines en entreprises privées, 481 managers de proximité et 679 salariés).

Très peu de cas conflictuels
Moins du tiers (28%) des cadres RH interrogés déclarent qu’ils ont déjà été confrontés à des questions liées au fait religieux dans leur entreprise et seuls 6% des cas rencontrés ont conduit à un blocage ou à un conflit. Près de la moitié des cadres RH interrogés (41%) pensent néanmoins que cette question va devenir problématique dans un futur proche.
Une large majorité (80%) des managers de proximité disent ne pas ressentir de malaise particulier sur les questions liées au fait religieux. Ils souhaitent cependant disposer d’outils managériaux pour appréhender ces situations : marges de manœuvre, connaissance des règles, repères pour comprendre les faits et les demandes, etc.

Faible impact de la pratique religieuse
Concernant les salariés eux-mêmes, plus de deux tiers des personnes interrogées (68%) déclarent ne pas connaître, ou seulement partiellement, la pratique religieuse de leurs collègues. Lorsque c’est le cas, elles considèrent soit que cette pratique n’a pas d’impact sur le travail (75% des cas), soit qu’elle a un impact positif (20%), mais rarement un impact négatif (5 %).

Une réforme législative jugée peu utile
A la suite du jugement de l’affaire Babyloup par la Cour de cassation, plusieurs acteurs politiques français ont demandé l’extension du principe de laïcité à la sphère privée et une proposition de loi en ce sens doit être débattue le 6 juin à l’Assemblée nationale. L’enquête montre que les personnes interrogées sont plutôt dubitatives sur la nécessité de légiférer à nouveau. En effet, l’utilité d’une loi ou d’une réforme du Code du travail est perçue comme la solution à privilégier pour améliorer les choses pour seulement 12 % des cadres RH, 2 % des managers et 16 % des employés. 21% des cadres RH, 45 % des managers et 27 % des employés pensent que cela n’aurait pas une grande utilité, 33% des cadres RH, 30% des managers et 23% des employés pensent même que ce serait une solution dommageable.
34 % des personnes interrogées pensent que la règle de laïcité qui s’applique dans les services publics devrait s’appliquer dans les entreprises privées. 36 % pensent que cela n’est pas nécessaire à condition que la pratique reste discrète et soit régulée par l’entreprise et 30% estiment que chacun est libre de faire comme il veut.

Pour en savoir plus, voir le communiqué de presse Randstad-Ofre et un article du quotidien Libération.

  • 19 mars 2013 : Port du voile et principe de laïcité

La chambre sociale de la Cour de cassation a précisé les contours du principe de laïcité, à l’occasion de deux affaires de licenciement d’une salariée au motif qu’elle portait un voile islamique.
Dans la première affaire concernant une caisse primaire d’assurance maladie, la Cour de cassation juge, pour la première fois, que les principes de neutralité et de laïcité sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé comme dans le cas d’espèce. Les employés participent ici à une mission de service public et ne peuvent donc manifester leurs croyances religieuses par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires. Le licenciement de la salariée est dès lors déclaré fondé.
En revanche, dans la deuxième affaire concernant la crèche Baby Loup, il s’agit d’une association privée qui ne peut être considérée comme gérant un service public. La Cour de cassation rappelle que le principe de laïcité instauré par l’article 1er de la Constitution n’est donc pas applicable aux employés de cette crèche. Ce principe ne peut dès lors être invoqué pour priver ces salariés de la protection que leur assurent les dispositions du Code du travail. Celles-ci prévoient notamment que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et être proportionnées au but recherché. La clause générale de laïcité et de neutralité figurant dans le règlement intérieur de l’association Baby Loup est ainsi jugée invalide et le licenciement de la salariée déclaré nul.
Cette dernière décision a suscité de nombreuses réactions parmi les acteurs politiques ; la porte-parole du gouvernement a notamment déclaré que le principe de laïcité « ne doit pas s’arrêter à la porte des crèches » et que le gouvernement n’excluait pas de légiférer à ce sujet.

Pour en savoir plus :
 Cass. soc., 19 mars 2013, n°11-28.845, Baby Loup
 Cass. soc., 19 mars 2013, n°12-11.690, Caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis

  • 10 avril 2009 : Avis de la HALDE sur l’expression religieuse dans l’entreprise

La HALDE (Haute Autorité de Lutte Contre la Discrimination et pour l’Egalité) a rendu public le vendredi 10 avril 2009 un avis adopté par son collège et la délibération l’accompagnant, qui retrace l’ensemble des dispositions applicables en matière d’expression religieuse dans l’entreprise, qu’elles soient issues de la Constitution, du droit européen, du code du travail ou de la jurisprudence.

Lire l’avis de la HALDE.

D 10 octobre 2014   

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