eurel     Données sociologiques et juridiques sur la religion en Europe et au-delà

2004

  • Le crucifix dans les salles de classe des écoles publiques

Alors que les juristes et la jurisprudence étaient presque unanimes quant à l’incompatibilité de l’affichage du crucifix dans les lieux publics avec le principe de laïcité, le débat a été relancé auprès des spécialistes et surtout de l’opinion publique par la décision d’un juge d’Ofena (près de l’Aquila, dans le centre de l’Italie) d’ordonner qu’un crucifix soit retiré des murs d’une école publique (voir le texte italien de l’ordonnance du 22 octobre 2003).
Examinant une plainte déposée par Adel Smith, un musulman radical très médiatisé, outré de savoir ses deux enfants dans une salle de classe arborant la croix, le magistrat, dans son jugement, fait valoir que les crucifix "montrent la volonté sans équivoque de l’Etat de placer le catholicisme au centre de l’univers (...) dans les écoles publiques, sans la moindre considération pour le rôle des autres religions dans l’histoire de l’humanité".
La décision a choqué nombre de religieux et plusieurs hommes politiques dans un pays où l’Etat demeure très attaché à son enracinement catholique, bien qu’il soit officiellement séparé de l’Eglise.
"C’est une décision scandaleuse qui doit être annulée dès que possible. Il n’est pas acceptable qu’un juge puisse tirer un trait sur des millénaires d’histoire", a déclaré Roberto Maroni, ministre du Travail de la Ligue Nord. De son coté Roberto Castelli, ministre de la Justice lui aussi de la Ligue, a fait savoir qu’il ordonnerait une enquête pour vérifier les fondements légaux d’une telle décision, affirmant que des sanctions seraient prises si le jugement n’était pas conforme à la législation italienne.
Deux lois stipulent que le crucifix doit être présent dans les salles de classe italienne. Elles datent des années 1920 et ont été promulguées quand l’Italie était une monarchie fasciste. Cependant, elles restent techniquement en vigueur car elles ont été reprises par la législation des années soixante et tout dernièrement dans des circulaires du Ministre de l’éducation nationale. En 1984, l’Italie a conclu avec le Vatican un nouveau concordat aux termes duquel le catholicisme n’est plus la religion d’Etat. Mais la tradition demeure souvent plus forte que les lois. Si certains enseignants ont retiré les crucifix, de nombreuses salles de classe arborent toujours ce symbole.
Suite à l’intervention des autorités scolaires et civiles, la décision du juge d’Ofena n’a pas été appliquée. Le 19 novembre 2003, le Tribunal de l’Aquila a revoqué cette ordonnance (voir le texte italien de l’ordonnance du 19 novembre 2003).
Parallèlement, lors d’un cas similaire, le Tribunal administratif de la région Veneto a déféré la question à la Cour Constitutionnelle qui va devoir se prononcer sur la legitimité constitutionnelle de la norme prévoyant la presence du crucifix dans les salles de classe de l’école publique (voir le texte italien de l’ordonnance du 14 juin 2004, n.56).

  • L’influence du Vatican sur l’adoption de la loi sur la procréation assistée

Après des années de débat (polarisé entre tenants de la bioéthique catholique et tenants de la bioéthique laïque), une loi sur la procréation médicalement assistée a été adoptée le 19 février 2004. Le texte de la loi a surtout été appuyé par une majorité catholique transversale aux rassemblements parlementaires s’inspirant du magistère catholique, notamment en matière d’interdiction de toute technique de procréation hétérologue (avec donneur). Cela a relancé le débat sur l’autonomie de la science et de la médecine par rapport à l’emprise des autorités ecclésiastiques, et plus généralement sur l’indépendance du Gouvernement et du Parlement et le respect du principe de laïcité.

Voir le texte intégral de la loi en matière de procréation médicalement assistée n. 40 du 19 février 2004 (en italien).

  • Islam, communautés religieuses minoritaires et protection juridique du statut des cultes

La diffusion des nouveaux mouvements religieux et le défi de l’islam soulignent les limites du système italien de droit des religions fondé sur la différence de statut juridique entre les groupes ayant signé une entente avec le gouvernement (et jouissant d’un statut privilégié) et les autres. Les Témoins de Jehova et les Bouddhistes ont signé un accord en 2000 (avec un gouvernement de centre gauche), mais le Parlement (dont la majorité appartient désormais au centre droite) a de fait refusé de reconnaître cet accord et de le transformer en loi, si bien que le statut de ces groupes n’a pas changé depuis. D’énormes problèmes se posent aussi par rapport aux communautés islamiques à cause de la conjoncture internationale. Des musulmans ont fait l’objet d’expulsions pour des raisons plutôt politiques que légales, une appréciation judiciaire des cas n’étant pas intervenue. De plusieurs côtés, et notamment de la part de plusieurs évêques catholiques, on a aussi proposé que la loi sur l’immigration limite l’accès aux immigrés musulmans qui ne sauraient pas s’intégrer dans un pays catholique.
Le gouvernement Berlusconi a présenté en 2002 un projet de loi sur la liberté religieuse (qui reprend les projets des gouvernement Amato et Prodi) réformant le système de droit commun de régulation du statut des minorités religieuses.

Voir le projet de loi "sur la liberté religieuse" du gouvernement Berlusconi réformant le droit commun s’appliquant aux groupes religieux en Italie présenté le 18 mars 2002.

D 6 décembre 2004    AMarco Ventura

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